“Tout homme est un livre : s'il est ouvert… il est lu.”
Le jeune Léonard Russell brûle de devenir romancier. Il a quitté sa province il y a peu et a emménagé dans un modeste appartement dans une grande ville. Là, il était certain de trouver l'inspiration. Il n'aurait pu s'agir que d'une notion romantique, mais il semble que cela ait marché : les personnes qui ont lu ses histoires reconnaissent qu'il s'est remarquablement amélioré en un temps étonnamment court. Il ne se passera sûrement pas longtemps avant qu'un éditeur n'accepte un manuscrit et que Léonard obtienne la reconnaissance qu'il appelle de tous ses vœux.
Cependant, il a récemment commencé à souffrir de problèmes de santé. Il est devenu pâle et souffreteux, sombrant parfois sans crier gare dans une étrange stupeur.
Les gens ont commencé à s'inquiéter et pour un bon motif : il y a juste deux ou trois jours, il s'est évanoui en allant faire ses courses à l'épicerie de son quartier. Heureusement, un passant de bonne volonté a pu le conduire aux urgences où les médecins ont fait une découverte ahurissante : il y avait si peu de sang dans les veines de Léonard que c'était un miracle qu'il ait simplement pu marcher. Plus étrange encore, ses doigts et la paume de ses mains étaient mouchetés de dizaines de minuscules croûtes, certaines d'entre elles saignant encore.
Signer avec son sang, pourquoi pas s'il le faut ? Mais de là à écrire tout un roman...
1. Léonard s'est fait un peu d'argent il y a quelques mois en traduisant une vieille pièce de théâtre française, Le Roi en Jaune.
Pendant la traduction, il a été frappé par une idée qui, au fil du temps, lui a semblé si simple, qu'il en eut le souffle coupé : avec seulement quelques modifications mineures, il pouvait transformer sa machine à écrire en un appareil à fabriquer de la prose brillante à volonté. Cela fonctionna, et Léonard possède maintenant une machine à écrire qui fait le nécessaire pour que les mots qui paraissent si bons dans la tête, le soient également sur le papier.
En utilisant cette machine, n'importe qui est capable d'écrire un roman à succès. Mais il y a un prix à payer : une minuscule aiguille est incorporée à chacune des touches et à chaque pression une goutte de sang est prélevée et transférée au ruban. Le magnifique manuscrit de Léonard est presque littéralement écrit avec son sang et sa production lui a coûté un lourd tribut.
Léonard est désormais complètement fou et, à moins que quelqu'un n'intervienne, il signera une décharge à l'hôpital et retournera aussitôt à son bureau pour se remettre à l'ouvrage. Il mourra en terminant ce qui sera ensuite reconnu comme le plus grand roman de la décennie. Un de ses parents héritera de sa machine à écrire...2. Léonard souhaite que sa fiction soit aussi réaliste que possible. A cet effet, il a mis dans la bouche de ses personnages quelques expressions dans une langue obscure, qu'ils répètent régulièrement au fil des pages. Ces mots sont tirés d'un vieux livre d'occultisme qu'il a feuilleté chez un bouquiniste. Malheureusement, Léonard a l'habitude de murmurer les mots qu'il frappe au fur et à mesure qu'ils apparaissent sur sa page blanche. Sans le savoir, il invoque un Vampire Stellaire à chaque fois qu'il s'assoit devant sa machine à écrire.
Ce sortilège d'invocation contient une partie du rituel de contrôle, ce qui explique que le Vampire a été incapable de le tuer. Il prélève seulement son tribut de sang à chaque fois qu'il est appelé, puis il attend patiemment les ordres de son maître, avant de finalement repartir d'où il est venu quand le sortilège se dissipe. Léonard est si concentré sur son travail, qu'il n'a même pas remarqué les ponctions lentes et répétées, mais à présent il a trop perdu de sang pour l'ignorer.
Si Léonard reprend l'écriture de son roman, le Vampire va finalement lui prendre assez de sang pour le tuer. Le sortilège de contrôle échouera et le Vampire sera libre de faire tout ce qu'il désire sur Terre. Pire encore, le roman sera publié, mettant un sortilège dangereux entre les mains d'un public sans méfiance.3. Léonard a passé du temps avec de nouveaux immigrants pour faire les recherches nécessaires à la rédaction de son roman. Pendant ce temps, il a contracté une maladie nouvelle et non diagnostiquée. Les étrangers ont développé une résistance contre elle, mais les gens du pays sont démunis d'anticorps. La maladie se répand dans son système sanguin et bientôt les plaies minuscules apparaîtront sur d'autres parties de son corps. Elle se propage par contact et donc les taches de sang dans l'appartement de Léonard, et particulièrement celles sur les touches de sa machine à écrire, sont devenues un vecteur de dispersion. La maladie n'est pas fatale pour les gens jeunes et en bonne santé, donc sa vie n'est pas en danger, mais le risque est grand pour les enfants en bas âge et les personnes âgées.
Si les autorités ne comprennent pas la situation à temps et ne prennent pas les mesures qui s'imposent (mettre Léonard à l'isolement et détruire ses affaires), la ville sera victime en moins d'un mois d'une épidémie pire que celle qui serait provoquée par une nouvelle souche de grippe.