Après avoir poignardé sa grande sœur alors qu'il était enfant, Michael Myers a été enfermé dans un asile. Mais, dix ans plus tard, il parvient à s'évader et revient sur les lieux de son crime...
Malgré un bel accueil dans certains festivals, Assaut (1976) n'est pas vraiment un succès. John Carpenter ne se laisse pas démonter et, avec sa compagne Debra Hill, il réunit un budget modeste d'environ 300.000 dollars (trois fois plus qu'Assaut néanmoins) pour bricoler un nouveau film. Il parvient à obtenir le participation de Donald Pleasance (L'impasse aux violences (1959) de John Gilling, Cul-de-sac (1966) de Roman Polanski...), star de l'épouvante anglaise déclinante. Carpenter a d'abord pensé à Peter Cushing (Frankenstein s'est échappé ! (1957) de Terence Fisher, La guerre des étoiles (1977) de George Lucas...), mais celui-ci a décliné sa proposition. Ce sera aussi le premier rôle au cinéma de Jamie Lee Curtis, la fille de Janet Leigh (Psychose (1960)...) et Tony Curtis (Spartacus (1960) de Stanley Kubrick...) : elle fera ensuite une petite carrière dans l'horreur (Le bal de l'horreur (1980) de Paul Lynch, Déviation mortelle (1981) de Richard Franklin...) puis percera dans la comédie (Un poisson nommé Wanda (1988) avec John Cleese, True lies (1994) de James Cameron...).
Aux États-Unis, les années 70 ont marqué le début d'une période extrêmement faste pour le cinéma fantastique en général. Le succès phénoménal de films comme L'exorciste (1973) de William Friedkin, Les dents de la mer (1975) de Steven Spielberg et de La guerre des étoiles, notamment auprès du public adolescent, ont largement modifié la donne économique à Hollywood. D'une part, l'épouvante britannique des produits Hammer a vite semblé désuète face aux effets spéciaux révolutionnaires des américains. D'autre part, le créneau du cinéma d'épouvante pour adolescent pouvait paraître très prometteur. Pourtant, on a surtout assisté à la multiplication de productions plus ou moins dans la lignée de L'exorciste, avec La malédiction (1976) de Richard Donner, Carrie (1976) de Brian De Palma, L'exorciste II, l'hérétique (1977) de John Boorman, Audrey Rose (1977) de Robert Wise...
Avec Halloween, Carpenter s'inscrit dans la tradition des films de psycho-killers, comme Psychose (1960) d'Alfred Hitchcock, Le voyeur (1960) de Michael Powell ou L'étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer. Ces oeuvres avaient d'ailleurs été suivies par des petites productions très choquantes, comme La dernière maison sur la gauche (1972) de Wes Craven, ou Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper. Parallèlement, de semblables tueurs psychopathes avaient fait leur apparition dans les thrillers racés des italiens Mario Bava (La fille qui en savait trop (1964), La baie sanglante (1971)...) et Dario Argento (L'oiseau au plumage de cristal (1970), Les frissons de l'angoisse (1975)...). Carpenter a toujours avoué que Suspiria (1977) d'Argento, avec ses meurtres à l'arme blanche et sa musique obsédante, avait été une influence déterminante pour Halloween.
Halloween devient un énorme succès commercial, qui rapporte plus de 40 millions de dollars (sans compter les exploitations en vidéo et à la télévision) : cela reste le plus gros carton de son réalisateur encore aujourd'hui ! Il va déclencher une vague de slashers très rentables qui vont continuer à sévir tout au long des années 1980, sous la forme de nombreuses suites : Vendredi 13 (1980) de Sean S. Cunningham, bien sûr, Le bal de l'horreur, Douce nuit, sanglante nuit (1984) de Charles E. Sellier Jr., Les griffes de la nuit (1985) de Wes Craven. Même Norman Bates reprendra du service à cette époque avec Psychose II (1983) de Richard Franklin. Halloween, sous l'impulsion du producteur Moustapha Akkad, connaîtra plusieurs suites (aujourd'hui, le huitième volet est en préparation), dans lesquels Carpenter ne s'impliquera jamais beaucoup.
Michael
Une grande part de la popularité de la série Halloween repose sur la personnalité de Michael Myers, son méchant récurrent. Traumatisé dans son enfance, il a poignardé sa grande sœur une nuit d'Halloween (inoubliable prologue avec son long plan-séquence en vue subjective traversant toute la maison familiale, puis son travelling arrière révélant la nature particulièrement horrible de ce meurtre). Depuis, il est obsédé par ce moment, si profondément ancré en lui que Sam Loomis, son médecin traitant, a renoncé à le guérir. On remarque que Michael doit beaucoup à Norman Bates (Psychose), Mark Lewis (Le voyeur) et au tueur de Les frissons de l'angoisse (1975) de Dario Argento. Comme eux, il a vécu un lourd traumatisme famillial qui a complètement déstructuré sa personnalité. Il commet ses meurtres à l'arme blanche, méthode bien plus physique qu'une simple arme à feu. De plus, il attache beaucoup d'importance au cérémonial et à la mise en scène qui accompagnent ses meurtres. On a trop souvent lu que Michael Myers n'était qu'une simple machine à tuer, impassible et illogique : en fait, ses actes sont ici conditionnés assez rigoureusement par son traumatisme. Ainsi, il frappe la nuit d'Halloween, se déguise (le costume et le masque de clown sont remplacés par une combinaison de garagiste et un masque de William Shatner (capitaine Kirk dans la série TV Star Trek !)), et semble reconstituer le meurtre de sa sœur quand il s'en prend à Lynda.
Pourtant, il est exact que Carpenter a fait progresser ce genre de personnage vers une plus grande abstraction. D'abord, la géniale trouvaille du masque (qui rappelle Six femmes pour l'assassin) et de la combinaison donne à Michael une allure anonyme, inexpressive et impersonnelle. De même, Carpenter indique, à travers certains signes, que Michael est plus qu'un simple tueur : c'est aussi l'incarnation d'un destin funeste et implacable que devra affronter Laurie (le cours de philosophie, la chanson Don't fear the reaper (Ne crains pas la faucheuse) qu'on entend sur un auto-radio...). Mais c'est surtout son indestructibilité, révélée progressivement au cours du métrage, qui fait de Michael Myers un être surnaturel, dont la présence fait basculer ce thriller dans le fantastique pure.
Une réalisation implacable
La plus grande réussite de Carpenter dans Halloween est certainement l'élégance et l'efficacité de sa réalisation, mise en évidence par la grande simplicité du récit. Ainsi, à la manière d'Orson Welles dans Citizen Kane (1940), il multiplie les longs plans-séquences et évite soigneusement les coupures de montage superflues (les dialogues ne se font presque jamais en champs/contre-champs). Pour ce faire, il a beaucoup recours à des cadrages assez larges qui lui permettent de placer plusieurs personnages en leur laissant la possibilité de se mouvoir à leur aise. Il utilise aussi de magnifiques travellings latéraux qui accompagnent les personnages dans leurs déplacements sur les longs trottoirs d'Haddonfield. Les mouvements de caméra ne sont jamais inutilement brusques ou compliqués : réguliers et implacables, ils n'ont lieu que si l'action le réclame (déplacements des personnages dans un bâtiment, anticipation d'une sonnerie de téléphone qui va résonner, apparition d'un personnage à un endroit d'un bâtiment...). De même, le montage n'est utilisé qu'avec parcimonie : pour accompagner très sobrement le déroulement de l'action d'une part ; pour créer un effet fantastique aussi simple que terriblement efficace d'autre part (les apparitions-disparitions de Michael Myers). On peut s'étonner qu'un réalisateur qui se dit influencé par Dario Argento (réalisateur baroque, amateur de plans très serrés et de montage haché) propose une réalisation si sobre. C'est oublier que Carpenter est aussi un très grand admirateur des réalisateurs de westerns hollywoodiens comme Howard Hawks (Rio Bravo (1959)...), grands spécialistes de la réalisation fluide et discrète : ici, il s'inspire beaucoup plus de ce style de cinéma que des réalisateurs d'horreur classiques. D'ailleurs, la fin d'Halloween évoque encore ses fameuses séquences de siège que Carpenter réussit si bien (Assaut, Fog (1980)...) : Lynda est repoussé dans le dernier bastion (le placard) de son fort (la maison) par les indiens (Michael Myers) avant que la cavalerie (Sam Loomis) ne viennent la sauver in extremis !
Enfin, il faut évidemment citer la légendaire et inoubliable musique de John Carpenter. Le thème d'Assaut était déjà une merveille de composition électronique, efficace et rigoureuse. Ici, il se surpasse en composant quelques thèmes hyper-accrocheurs et angoissants (Carpenter avoue avoir été influencé par la musique répétitive de Suspiria du groupe Goblin). Il écrira ces morceaux après les premières projections-test (sans musique) de Halloween qui se révélèrent assez désastreuses. Mais, une fois ces morceaux incorporés à la bande-son, les réactions du public se sont avérées excellentes. La musique est particulièrement efficace après l'évasion de Michael Myers, alors qu'il ne se passe pas grand chose à l'écran : la seule présence de ces compositions accompagnant un plan fixe d'une maison rend celui-ci terrifiant. Elle permet d'indiquer la présence dangereuse de Myers alors même qu'il n'est pas visible à l'écran et qu'il n'a pas encore commencé à sévir à Haddonfield.
Grâce à sa réalisation absolument impeccable et efficace, Halloween est une grande réussite du cinéma d'épouvante des années 1970. Au chapitre des petites réserves, on peut regretter que le traitement grossier des personnages adolescents, bien moins subtil que dans un Carrie par exemple, semble révéler une démarche assez commerciale et cynique, qui allait faire beaucoup d'émules dans les années 1980 et 1990.