Un sous-marin américain recueille à son bord trois rescapés d'un navire-hôpital anglais abattu par les allemands. Les évènements étranges et les incidents se multiplient à bord...
Abîmes est à l'origine un scénario écrit par Darren Aronofsky
(réalisateur de Pi (1998)), qui comptait lui-même le mettre en scène.
Toutefois, il renonça à ce projet pour se consacrer à la réalisation de Requiem
for a dream (2000), drame de la toxicomanie qui allait connaître un
important succès. Abîmes échoit donc à un autre réalisateur : David
Twohy, qui s'est jusqu'alors essentiellement illustré dans le fantastique,
notamment avec son film précédent, Pitch black (2000), interprété par
Vin Diesel. Abîmes est tourné en Grande-bretagne pour les intérieurs, tandis que des
extérieurs sont filmés aux USA, avec un véritable sous-marin américain
datant de la seconde guerre mondiale. On y reconnaît Holt McCallany, habitué
aux film de guerre (Alien 3 (1992) de David Fincher...) ou Jason Fleming
(Bruiser (1999) de George Romero, From hell (2000)...). Le rôle
principale, celui du jeune Odell, est tenu par Matthew Davis, vu dans le slasher
Urban legend 2 (2000). Il est accompagné notamment par Bruce Greenwood (Exotica
(1994) d'Atom Egoyan...) et Olivia Williams (Le sixième sens (1999)
de M. Night Shyamalan...).
USS Tiger Shark recueille trois naufragés britanniques ayant survécu au naufrage de leur bateau-hôpital, coulé par un
submersible allemand. Parmi ces survivants,
l'infirmière Claire Page se rend compte que tout ne tourne pas rond à bord du vaisseau. Ainsi, l'officier Brice qui le commande remplace en fait le
commandant Winters, mort quelques jours auparavant : ce dernier se
serait mortellement blessé en tentant de récupérer un débris d'un navire
allemand coulé par le Tiger Shark. Pendant ce temps-là, les destroyers nazis pourchassent
le sous-marin, dont l'équipage doit affronter des avaries techniques de plus en plus
fréquentes et étranges. On commence à soupçonner la présence d'un traître
à bord. Les plus superstitieux envisagent même qu'une malédiction pèse sur le
sous-marin...
Abîmes se présente comme un mélange de deux genres du cinéma
américain : le film de maison (ou de bateau) hanté, et le film de guerre
mettant en scène des sous-marins militaires. Ce dernier style a ses classiques,
comme L'odyssée du sous-marin Nerka (1958) de Robert Wise ou Le
bateau (1981) de Wolfgang Petersen, et même ses parodies, avec Opération
jupons (1959) de Blake Edwards. Récemment, on a vu, notamment grâce aux
progrès des images de synthèses, plusieurs titres de ce style aux USA, comme
U-571 (2000) de John Mostow (Terminator 3 (2003)...) ou K-19 (2002)
de Kathryn Bigelow. Twohy aborde toute la première partie d'Abîmes comme
un authentique film de guerre. La vie quotidienne de l'équipage nous y est
décrite avec de nombreux détails (langages, expressions codifiées,
superstitions particulières...), dont le pittoresque renforce la crédibilité
des situations. Les officiers, chargés de prendre des décisions avec rapidité
dans les situations les plus extrêmes, impressionnent par leur sang froid.
Toutefois, les conflits entre les fortes personnalités s'exacerbent à mesure que la
tension augmente dans l'atmosphère confinée du Tiger Shark. Les scènes
mettant en scène les combats marins sont réussies (les mines, les grappins...),
même si les effets spécieux en images de synthèse sont parfois un peu
décevants.
Au-delà de la claustrophobie inhérente à ce genre de film, et au-delà des
habituelles avaries techniques, inondations et autres conflits entre
officiers, Abîmes laisse sourdre subtilement l'élément surnaturel. Les
incidents surnaturels se multiplient, tant et si bien que les marins les plus
superstitieux, commencent à soupçonner que le Tiger Shark est hanté. Les
pannes finissent par prendre un tour catastrophique, si bien que le sous-marin
devient pratiquement hors de contrôle. Parmi les évènements s'y déroulant, il devient difficile de faire la part entre ce qui est
fantastique et ce qui est le produit de l'imagination surchauffée
des sous-mariniers. Twohy ne cherche pas à faire dans l'originalité ou dans l'épouvante
tapageuse. Il préfère jouer de la peur sur un mode mineur, en
s'inspirant de films de fantômes classiques misant sur la
suggestion et l'ambiance (de La falaise mystérieuse (1944) à Les
autres (2001), en passant par Les innocents (1961) de Jack Clayton et
La maison du Diable (1963) de Robert Wise...).
Qui plus est, la réalisation est globalement réussie et l'interprétation est
irréprochable. On pourrait alors s'attendre à avoir affaire à un chef-d'œuvre,
ou tout du moins à un très solide film fantastique. Pourtant, il
manque quelque chose à cet Abîmes pour vraiment convaincre. Si la
partie "militaire" de l'intrigue est solidement exécutée, tout ce
qui est fantastique laisse sur une impression de déception. On regrette d'abord
un scénario se développant de façon un peu maladroite : les révélations
véritablement significatives sur le drame mystérieux qu'a abrité le Tiger Shark
n'arrivent que très tardivement, presque à la fin. Les séquences
fantastiques, à quelques exceptions près (le coup du miroir, qui sent pourtant
le déjà-vu...), manquent d'impact.
On s'ennuie donc un peu devant Abîmes, ce film semblant trop froid
dans son ton, trop lent dans son développement dramatique et paraissant manquer un peu de
personnalité. Toutefois, si elle ne réalise pas totalement son potentiel,
cette oeuvre qui rappelle par bien des aspects la nouvelle Le temple de
Lovecraft, est tout de même globalement intéressante. Sa sortie aux USA sera
assez tumultueuse. La firme Dimension, appartenant au groupe Disney et
productrice du film, annonce d'abord sa sortie en février 2002, puis reporte
cette distribution jusqu'en octobre de la même année. Seul un nombre limité
de copie est distribué, pratiquement sans aucune promotion. A l'évidence, le
studio a sacrifié le film, auquel il ne croyait guère. En France, Abîmes
connaît un accueil critique décent, soutenu notamment par la bonne réputation
du réalisateur David Twohy. Néanmoins, il est distribué sans réelle
conviction en plein cœur de l'été, sans succès commercial.
Bibliographie consultée :
- L'écran fantastique numéro 235 (juillet-août 2003).