Marie et Alex, deux amies, se rendent dans une maison de campagne pour y préparer leurs examens. Malheureusement, un serial killer sévit dans la région...
Le premier long métrage d'Alexandre Aja, Furia (2000), était unagréable mélange de science-fiction et de western. Il est pourtant sorti dansune indifférence quasi-générale, et a souffert d'une réputation exécrable.On balança souvent, de façon un peu facile, l'étiquette de"fils-à-papa" à Aja, fils du cinéaste français Alexandre Arcady. Ce dernieravait en effet produit Furia par le biais de sa compagnie AlexandreFilms. Si il est peu vraisemblable qu'Aja, à peine âgé de 22 ans, ait pumonter son projet dans le cadre du système de production français sans cesoutien familial, cela n'enlève pourtant rien aux qualités de son film. Quoiqu'il en soit, il se plaça, grâce à Furia, sur le créneau alorsnégligé du "cinéma de genre" à la française. Ce film est en effetsorti dans la foulée de Promenons-nous dans les bois (2000), produit parFidélité productions, lamentable slasher français qui surprit son monde parson étonnant succès public. Puis, vinrent les triomphes de deux grossesproductions hexagonales : Les rivières pourpres (2000) de MathieuKassovitz et Le pacte des loups (2001) de Christophe Gans, qui ontconfirmé que le public français était prêt à se rendre au cinéma pouraller voir de tels films. Fidélité tenta de renouveler à plusieurs reprisesle coup de Promenons-nous dans les bois : ils sortirent Un jeud'enfants (2001) et Samouraïs (2002) avec une distribution décente,sans pour autant soulever un vrai engouement public ; puis, ils ont sacrifiéleurs autres titres (Bloody Mallory (2002), Maléfique (2002) et Requiem(2002)) en les sortant à des dates farfelues, sans véritables efforts depromotion. Qui plus est, à part Maléfique, aucun des titres Fidéliténe connut un accueil critique favorable.
Le récit est d'une grande simplicité, du moins dans sa première approche.Marie et Alex sont deux étudiantes. Elles partent réviser leurs partiels dansla maison des parents d'Alex. Belle et épanouie, celle-ci semble posséder destraits de caractère bien opposés à ceux de Marie, introvertie et mal dans sapeau. En fait, la tendresse de Marie pour son amie dépasse la simpleamitié, même si elle ne se veut pas se l'avouer. Là-dessus, un sadique vaarriver en pleine nuit dans la maison familiale, et se mettre à décimer tousses habitants. Il capture Alex et la séquestre dans son camion. Marie réussità échapper à sa vigilance, et va tenter de sauver Alex...
Haute tension : le titre de cette oeuvre, plus qu'un descriptif de sonintrigue, est en fait le court manifeste de son réalisateur. Sa volonté est deproposer une heure et demi d'angoisse et de suspens aux spectateurs. L'efficacité et la densité de l'action, contenue dansdes unités de temps (une nuit) et de lieu (une maison de campagne et sesalentours) limitées, priment. Dès lors, peu importe que les personnages nesoient ébauchés qu'à grand traits, parfois un peu caricaturaux. Comme dansles meilleurs titres des années 1970 (Suspiria (1977) de Dario Argento, Halloween(1978) de John Carpenter...), l'action horrifique est très rapidement miseen place, en s'appuyant sur une première séquence de meurtre graphique etspectaculaire, laissant le spectateur sous le choc pour un bon moment. Dèslors, tout l'art d'AlexandreAja va consister à alterner, sur un bon rythme,scènes de meurtres et passages à suspens, sans jamais laisser retomber lapression.
Le personnage du tueur, bénéficiant de la silhouette lourde et de la voix pâteusede Philippe Nahon, semble l'héritier de nombreux stéréotypes issus du cinémaaméricain : tenue pittoresque et immédiatement identifiable (combinaison degaragiste et casquette lui cachant souvent les yeux), respiration bruyante,sadisme, goût très cruel du jeu (comme pour La dernière maison sur lagauche (1972) de Wes Craven...)... Il se démarque, en plus, par le faitqu'il est un obsédé sexuel notoire, dont les exactions rappellent celles du Maniac(1980) de William Lustig ou les bourreaux, à nouveau, de La dernièremaison sur la gauche. Le calvaire de Marie et Alex dans la campagnefrançaise nous renvoie alors à des oeuvres féroces et choquantes, àl'arrière-plan assez rural, comme Massacre à la tronçonneuse (1974) deTobe Hooper ou La colline a des yeux (1977) de Craven. Haute tension n'aen fait rien de bien original. Néanmoins, on ne peut nier la réussite aveclaquelle sont employées des recettes classiques, notamment grâce à uneexcellente photographie nocturne et l'usage très soigné de sons électroniques(rappelant Maniac, avec l'omniprésence oppressantes des infragraves).
Il faut avant tout saluer l'excellence des séquences de meurtres. S'appuyantpour la plupart sur l'usage d'armes blanches, notamment le rasoir et la hache,elles rappellent, par leur crudité et l'exécution impeccable de leurs trucages,les séquences les plus éprouvantes du cinéma d'épouvante italien des années1970-1980 : Suspiria et Ténèbres (1982) de Dario Argento, maisaussi des classiques de Lucio Fulci, comme Frayeurs (1980). A cela, riend'étonnant, puisqu'elles ont signées par l'excellent maquilleur italien Giannetto De Rossi,qui oeuvra sur les séquences sanglantes de réalisateurs tels que Fulci (pour L'enferdes zombies (1979)...), Umberto Lenzi (Cannibal ferox (1981)),Ruggero Deodato (Les prédateurs de l'Atlantide (1983)...). Il sesurpasse ici pour des scènes de meurtres d'une efficacité devenue bien raresur les écrans, à quelques rares exceptions près, comme Lesang des innocents (2001) de Dario Argento. La puissance traumatisante desscènes les plus graphiques permet à Aja de jouer, pour certains passages,sur la suggestion (scène de meurtres ou de tortures rendues par la seulebande-son), sans que le spectateur, la sensibilité déjà largement éveillée,ne sente un manque.
Hélas, malgré toutes ses qualités, Haute tension déçoit par sondénouement prétentieux, soulevant de nombreuses incohérences. C'est biendommage, car, à part ce choix très discutable, ses défauts (interprétation parfois un peu inégale, manque d'originalité...)semblaient largement compensés par son efficacité très inspirée.
On a donc frôlé de peu la réussite irréprochable. C'est un peu dommage, maiscela ne doit pas empêcher d'apprécier les qualités indéniables de ce suspenshorrifique sans concession. Son intensité et sa violence graphique déparentpositivement dans le paysage actuel du cinéma d'épouvante, partagé entre desproductions américaines bridés par un système de classification assez pesantet des oeuvres jouant bien souvent la carte de la suggestion à tout prix, dansla lignée de Sixième sens (1999).
Bibliographie consultée :