En Grande-Bretagne, des écologistes libèrent des singes utilisés comme cobayes dans un laboratoire. Ces animaux sont porteurs de la Rage. 28 jours plus tard... Londres a été évacuée et est devenue une ville fantôme, où errent des enragés et quelques rares survivants non contaminés...
Le réalisateur britannique Danny Boyle, après avoir travaillé pour la télévision, a été révélé par son premier long métrage Petits meurtres entre amis (1994), comédie noire dans la tradition anglaise d'oeuvres telles que Noblesse obligeTueurs de dames (1955). Puis, il confirme sa popularité avec le gros succès de Trainspotting (1996), une chronique cynique de la toxicomanie. Pour son premier film tourné aux USA, il réalise une comédie sentimentale légère, Une vie moins ordinaire (1997). Il se lance ensuite dans un projet plus ambitieux : La plage (2000), tourné en Thaïlande, décrivant de la faillite d'une communauté hédoniste : attendu au tournant, surtout parce qu'il s'agissait du premier rôle important de Leonardo Di Caprio après le triomphe de Titanic (1997), il est très mal accueilli. On retrouve ensuite Boyle en Grande-Bretagne, où il tourne deux films en DV pour le compte de la BBC. Nostalgique de la grande époque du cinéma fantastique anglais (les années 1960), Alex Garland, auteur du roman dont a été tiré La plage, se penche sur l'idée d'un nouveau film de science-fiction britannique. Avec Boyle et son producteur Andrew Macdonald, ils envisagent un premier temps de réaliser une nouvelle adaptation du classique de la littérature anglaise La machine à explorer le temps de H.G. Wells. Finalement, l'équipe s'oriente vers le tournage d'un film-catastrophe, inspiré des oeuvres d'anticipation pessimistes produites au cours des années 1960-1970 : La Planète des singes (1968), Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick... et surtout La nuit des morts-vivants (1968) de George Romero. 28 jours après est tourné notamment grâce au soutien de la firme américaine 20th Century Fox, qui devrait lui assurer une distribution assez large à travers le monde, y compris en Grande-Bretagne, pays dans lequel la production locale a bien du mal à s'imposer dans un circuit de distribution composé en très grande majorité de multiplexes favorisant les grosses productions américaines. On choisit, pour le rôle principal, Cillian Murphy, peu connu, ayant déjà joué dans des films discrètement distribués en France (Mon meilleur ennemi (2001) par exemple). Le Major Henry West est interprété par Christopher Eccleston, comédien assez connu du cinéma anglais actuel (Petits meurtres entre amis, Jude (1996) de Michael Winterbottom...).
Bien entendu, un des aspects les plus frappants de 28 jours plus tard est le choix de la vidéo numérique pour sa réalisation. Certes, d'autres films d'horreur avaient déjà été tournés avec cette technique, tel Le projet Blair Witch (1999). Ce procédé permet ici à Doyle de donner un certain cachet documentaire à son travail, dans la tradition de La nuit des morts-vivants. Néanmoins, cela ne signifie pas qu'il s'en soit servi comme d'un alibi pour un travail technique indigent. Les cadrages sont souvent très soignés, cette caméra de petite taille est placée dans des endroits insolites... Des trucages sont employés afin de proposer des plans a priori impossible avec cette technologie, notamment à cause de la limite quant à la profondeur de champs de l'image obtenue. Bref, Boyle ne se laisse pas limiter par cette technique, mais sait en exploiter les caractéristiques propres (facilité d'usage de la caméra, rendu particulier des couleurs et de la granulation, mouvements rapides saccadés...).
28 jours plus tard ne cache pas sa filiation à des grands classiques de la science-fiction pessimiste. Le commencement, avec la visite d'un Londres désert et désolé, renvoie bien sûr à des oeuvres post-apocalyptiques, comme Le monde, la chair et le diable (1959) avec Harry Belafonte, Le survivant (1971) interprété par Charlton Heston, ou Le jour des morts-vivants (1985) de Romero. L'influence de la "trilogie des morts-vivants" réalisé par ce dernier, est d'ailleurs patente : la scène jubilatoire du supermarché et la pause à la station-essence sont calqués sur Zombie (1978) ; l'apparition imprévu du prêtre-enragé et la fuite solitaire de Jim rappelle le début de La nuit des morts-vivants... Mais c'est surtout Le jour des morts-vivants, qui semble avoir été le plus influent, particulièrement pour le passage critique de la maison des millitaires, dans lequel on retrouve même un zombie-cobaye ! Tout cela rend le film parfois un peu prévisible et trahit un léger manque d'originalité.
Toujours dans la tradition de Romero, Boyle emploie la science-fiction horrifique comme un moyen de dénonciation. Le réalisateur dit avoir voulu rendre, de façon exacerbée, la tension sociale et le mal-être actuel du Royaume-Uni. Le pays sombre dans le chaos le plus complet, s'auto-détruit par ses propres forces, tandis que les survivants fuient dans le plus grand désordre, cherchant plus à éviter les problèmes qu'à les résoudre. L'Angleterre n'est qu'un "petit pays pourri", malade et isolé. Personne ne prendra vraiment de risque pour lui venir en aide....
Pourtant, 28 jours plus tard est aussi un film humaniste et (relativement) optimiste. En cela, il contraste avec la noirceur inconditionnelle des oeuvres de Romero, qui avait même fini par devenir un cliché systématique du genre "film de zombis". L'individualisme, le détachement et le pessimisme mènent ici certains personnages à opter des solutions provisoires, parfois même délirantes et inhumaines, ne servant qu'à assurer une survie désespérée, au jour le jour (les millitaires, par exemple...). Alors que la construction d'une "famille" unie, liée et solidaire, basée sur des rapports d'affection réels, et sur l'espoir d'un avenir meilleur, donne des chances de survie plus grandes. Certes, on s'expose à la souffrance (la perte d'un être cher, cf. la mort de Frank), mais ces liens humains donnent aussi la force de se dépasser (le sauvetage de Selena et Hannah par Jim). L'emploi de la musique, souvent lyrique, et l'insertion de passages contemplatifs, exaltant la beauté de la nature comme source d'espoir et de réconfort, renforce encore cet humanisme assez inattendu pour un film de ce genre.
28 jours plus tard est donc une belle réussite au ton et à la réalisation indéniablement originaux. Certes, ses scènes horrifiques ne sont pas aussi fréquentes et poussées que chez un Romero ou un Fulci (L'enfer des zombies (1979)...), mais elles n'en restent pas moins toujours très efficaces. Certains critiques, notamment en Grande-Bretagne ou en France, lui ont reproché sa violence excessive, alors que, d'autre part, des fans de cinéma gore ont regretté sa timidité en la matière ! Il a néanmoins déjà rencontré un beau succès dans son pays d'origine.
Bibliographie consultée :
- Toxic numéro 5 (février-mars 2003)
- L'écran fantastique numéro 233 (mai 2003)