TocCyclopédie ■ Époques

Deux employés d'une morgue libèrent accidentellement un gaz mystérieux, caché dans la cave de leur lieu de travail. Ce gaz a le pouvoir de ramener les morts à la vie !



La nuit des morts-vivants (1968) de George Romero a connu en son temps un énormesuccès, alors même qu'il ne s'agissait que d'une production assez artisanale. Les droitssur cette oeuvre ont été partagés entre Romero et ses trois scénaristes, parmilesquels John Russo. Romero réalise ensuite Zombie (1978), suite officielle de Lanuit des morts-vivants. Mais Russo envisage lui-aussi de donner, de son côté, unesuite au classique de 1968 : il rédige alors une histoire qu'acquiert le producteur TomFox. Lorsque celui-ci annonce fièrement dans la presse professionnelle son intention deproduire Le retour des morts-vivants, suite de La nuit desmorts-vivants, Romero et sa compagnie Laurel Entertainment l'attaquent en justicepour tenter d'arrêter ce projet. Ils échouent, mais tout cela fait traîner en longueurla production. Tobe Hooper est d'abord pressenti pour réaliser, en relief, Le retourdes morts-vivants, mais il abandonne pour aller faire Lifeforce (1985),coûteuse production horrifique de la firme Cannon. Seul reste en lice le scénariste DanO'Bannon, qui venait de réviser le script de Le retour des morts-vivants, maisqui n'avait pas encore réalisé de films jusqu'ici. Il avait néanmoins participéactivement à Dark star (1974), premier long métrage de John Carpenter, en tantqu'acteur (sa formation d'origine), scénariste, monteur... Puis il travailla sur lesscripts d'Alien (1979), Métal Hurlant (1981), Lifeforce...ainsi que sur celui de Réincarnations (1981), film abordant déjà le thème dela zombification. Pour les rôles principaux, O'Bannon sélectionne quelques vétéranscomme Clu Gulager (A bout portant (1964) de Don Siegel, La revanche de Freddy(1985) et Hidden (1987) de Jack Arnold...), James Karen (Capricorn one (1978)de Peter Hyams, Le syndrome chinois (1979), Poltergeist (1982) de TobeHooper...), Don Calfa (Necronomicon (1994), Progeny (1999) de BrianYuzna...). Surtout, il recrute Linnea Quigley, pour le rôle d'une punk portée sur lesstrip-teases en plein cimetière, qui deviendra, de bonne grâce, une vraie vedette ducinéma fantastique américain à petit budget, en jouant notamment dans des films deDavid De Coteau (Creepozoids (1987), Sœurs froides (1988)...)...
Louisville Kentucky, 1985 : Frank, vieil employé de la morgue, raconte à Freddy,nouveau-venu dans le métier, une anecdote incroyable : la film La nuit desmorts-vivants a été en fait inspiré au réalisateur George Romero par desévènements réels s'étant déroulés à la fin des années 1960 près de Pittsburgh.Suite à des expérimentations hasardeuses, des millitaires avaient répandu un gazdangereux, qui ramena des cadavres à la vie... Toutefois, Romero a été forcé parl'armée d'altérer légèrement les faits présentés dans son oeuvre"fantastique". Quoi qu'il en soit, certains zombis ont été conservés, àl'intérieur de containers de l'armée, dans la cave de la morgue de Louisville ! Ce queFrank ignore néanmoins, c'est que les millitaires américains n'ont absolument aucuneidée de l'endroit où ont été entreposés ces très dangereux "déchets" !Frank et Freddy descendent dans la cave de la morgue et y découvrent les fameux barils :ils en fendent un par accident, qui laisse s'échapper un peu du gaz maléfique. Tout celamarque le début d'une série d'incidents catastrophiques...


A partir du moment où un genre devient très populaire, il n'est pas rare de voir assezrapidement débouler des parodies, ou, au moins, des oeuvres détournant, avec unecertaine ironie, ses conventions. Ainsi, les succès des films d'épouvante gothique de laHammer, mettant en scène, assez sérieusement, les mythologies classiques du cinémad'épouvante, allaient entraîner, à plus ou moins long terme, une vague d'oeuvresirrévérencieuses, tels Le bal des vampires (1967) de Roman Polanski, Frankensteinjunior (1974) de Mel Brooks, The Rocky Horror Picture Show (1975)... Lesfilms de morts-vivants connaissent un retentissant succès à la fin des années 1970,après Zombie, avec des titres comme L'enfer des zombies (1979) de LucioFulci, Evil dead (1982) de Sam Raimi (dans lequel la comédie commence déjà àfaire son apparition)... Un peu plus tard, Michael Jackson, zombifié, danse avec unebande de morts-vivants sur son titre Thriller, en 1983, dans un clip-fleuve trèscélèbre. Dès lors, il n'est pas si étonnant de voir débarquer Le retour desmorts-vivants, traitant les zombies sur le ton de la parodie noire.


Pour comprendre l'approche particulière de Dan O'Bannon, il paraît intéressant derevenir un peu sur sa carrière. Après avoir aidé Carpenter à réaliser Dark Star,comédie de science-fiction à la conclusion assez nihiliste, il est recruté par leréalisateur Alejandro Jodorowsky pour préparer, à Paris, le scénario d'une adaptationmonumentale du roman de SF Dune. O'Bannon rencontre à cette occasion desdessinateurs européens comme Moebius ou Giger, eux aussi affectés à la préparation dece projet : ils sont alors liés au magazine français Métal Hurlant, revuepionnière de la bande-dessinée pour adultes, accordant une large place à laconnaissance d'éléments de la culture populaire (cinéma fantastique, bande-dessinéeaméricaine, littérature de science-fiction, musique rock, heroic fantasy...), etimprégnée d'un goût certain pour la contre-culture, directement dans le prolongementdes Surréalistes et d'un certain esprit "mai 1968". Le Dune deJodorowsky tombe à l'eau (mais le projet sera repris et concrétisé par le Dune (1984)de David Lynch), et O'Bannon travaille alors sur le scénario du Alien de RidleyScott : c'est d'ailleurs lui qui conseille à ce réalisateur de recruter, pour ce film,Giger (qui dessinera le fameux extra-terrestre) et Moebius. Puis on retrouve O'Bannon entant que scénaristes de certains passages du long métrage d'animation Métal Hurlant,inspiré par les BD de la revue française du même nom.


Dès lors, il est intéressant de noter une certaine communauté d'esprit entre Leretour des morts-vivants et ce magazine. Ses sources d'inspiration sont à chercherdans le domaine de la culture populaire : Punk-rock (on note la présence sur la bande-sonde groupes-phares de la New Wave américaine, comme The Damned ou The Cramps) ; cinémad'épouvante, bien sûr ; et surtout les fameux E.C. Comics, bandes-dessinés américainesd'épouvante des années 1950-1960, comme Creepy ou The Crypt of Terror,dans lesquelles le macabre se mêlait à un humour très noir. Dès lors, les zombies de Lanuit des morts-vivants ont un aspect extrêmement graphique, et sont trèsexpressifs, agressifs, voire comiques, ce qui nous emmène assez loin des inertesbouffeurs de chair fraîche de L'enfer des zombies ou de La nuit desmorts-vivants.


Le film de zombis se trouve donc ici traité de façon assez iconoclaste et ironique, surle ton d'une comédie irrévérencieuse. Aucun personnage ne trouve grâce aux yeuxd'O'Bannon, qui stigmatise autant, dans son film sans héros, la bande de punks débilesque les millitaires incompétents, je-m'en-foutistes et inhumains (voir le dénouement,qui tombe comme un ultime éclat de rire désespéré). Les séquencesgores, souvent assez explicites, donnent parfois lieu à des gags étonnants. On retrouveencore un emploi assez innovant de la musique rock, notamment pour le réveil des morts ducimetière, ainsi qu'un penchant marqué pour l'érotisme, avec le - mythique - striptease de Linnea Quigley (immortalisé par la fameuse affiche du film).


Le retour des morts-vivants fonctionne aussi par certains de ses aspectsauthentiquement horrifiques et fantastiques. Des détails insolites frappent par leurpoésie (les papillons épinglés qui reviennent à la vie...), et des passages sont toutà fait étonnants par leur mélancolie, comme la confession de la femme-tronczombie, expliquant les raison de la boulimie de cerveaux des morts-vivants ; ou bienlorsque le pauvre Freddy, en cours de zombification, commente, en direct, ce que ressentun cadavre en train de se raidir. Qui plus est, la situation des personnages principauxest tout de même fort angoissante : contrairement à la plupart des oeuvres de ce style,les morts-vivants sont, pour ainsi dire, indestructibles : le seul moyen de les"tuer" est de les brûler intégralement. Mais leurs corps se dispersent alorsen un gaz capable de rendre la vie à d'autres cadavres ! Plus Le retour desmorts-vivants progresse, plus le spectateur prend conscience que les (anti-)héros dufilm sont voués à une mort certaine, inéluctable.


Le retour des morts-vivants souffre tout de même de quelques faiblesses. La plusennuyeuse est certainement la platitude de la réalisation, se bornant, trop souvent, àlaisser l'action se dérouler devant une caméra paresseusement fixe. Ce style bien plat,complètement opposé à la surexcitation et à l'invention d'un Sam Raimi (Evil dead...),d'un Peter Jackson (Braindead (1993)...) ou d'un Stuart Gordon (Re-animator(1985)...), alourdit peut-être un peu trop Le retour des morts-vivants,notamment en son milieu où l'action a parfois un peu tendance à se ralentir.


Il n'en reste pas moins que Le retour des morts-vivants me semble une réussitede la comédie fantastique, dans laquelle le caractère horrifique reste tout de mêmebien présent. Succédant à Evil dead sur cette voie, il va, avec Re-animator,sorti la même année, ouvrir la porte à des oeuvres zombiesques de plus en plus folles(comme Evil dead 2 (1987)...), jusqu'au point de non-retour que constitue Braindead.Le retour des morts-vivants a été un confortable succès commercial, ce qui aprovoqué la réalisation de ses suite Le retour des morts-vivants II (1988) et Leretour des morts-vivants 3 (1993) de Brian Yuzna. Dan O'Bannon devait continuer sacarrière comme scénariste ; il ne réalisera qu'un autre film : The resurrected (1992),adaptation réputée fort réussie de L'affaire Charles Dexter Ward de Lovecraft,hélas inédite en France (à part sa présentation au festival du film fantastiqued'Avoriaz).


Bibliographie consultée :

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