Chloé se rend à Rennes pour y étudier l'archéologie à l'université. Elle participe à un chantier de fouilles dans la forêt de Brocéliande, où on découvre d'étranges objets liés à la civilisation celte. Des crimes mystérieux sont alors commis sur le campus...
Brocéliande a été réalisé par Doug Headline, fils du célèbre auteur de romans policiers Jean-Patrick Manchette, et co-fondateur avec Christophe Gans de la revue Starfix, dédiée au cinéma "de genre" au début des années 1980. Impressionné par les
débuts de réalisateur de Gans (un sketch de Nécronomicon (1994), Crying freeman (1995) et Le pacte des loups (2001)), il décide lui-aussi de passer à la réalisation avec Brocéliande en profitant d'un relatif retour en grâce du cinéma fantastique au sein de la production française. Ainsi, ce film est produit par Eric Nevé, qui a participé à des projets comme Dobermann (1997) de Jan Kounen, le très bon polar Scènes de crimes (2000) de Frédéric Schoendoerffer ou Le petit poucet (2001) d'Olivier Dahan. Les principaux comédiens tiennent ici, pour la plupart, leur premier rôle important au cinéma. On trouve toutefois des acteurs plus expérimentés, comme André Wilms (célèbre pour son rôle de père de famille chez les Le Quesnois dans La vie est un long fleuve tranquille (1988), on l'a aussi vu dans Monsieur Hire (1989) de Patrice Leconte, L'enfer (1994) de Claude Chabrol...) et Vernon Dobtcheff (un habitué des seconds rôles à la carrière cosmopolite : Les contes de Canterbury (1971) de Pier Paolo Pasolini, Le james Bond L'espion qui m'aimait (1977), Le nom de la rose (1986) de
Jean-Jacques Annaud...).
Le recours a des personnages adolescents laisse supposer, a priori, l'influence de slashers américains récents, comme le très populaire Scream (1996) de Wes Craven ou, pour le cadre du campus, Urban legend (1998) de Jamie Blanks. Pourtant, en multipliant les clins d'oeil très explicites à Suspiria (1977) de Dario Argento, Headline nous indique très nettement son influence la plus marquante. Ainsi, la séquence de l'enlèvement du professeur, avec ses murmures mystérieux et son avertissement inaudible hurlé par la victime, évoque l'arrivée de Suzy à l'académie de danse. Le passage d'une ombre gigantesque sur la façade d'un bâtiment renvoie à la mise à mort du pianiste Daniel devant les propylées de Munich. L'arrivée du tueur par une fenêtre rappelle aussi (en bien moins élégant) un moment de la mythique ouverture du chef-d'oeuvre d'Argento. Le corbeau surgissant dans la salle de bain évoque la chauve-souris qui fait irruption dans la chambre de Suzy Banner...
D'autres références au cinéma d'Argento se font aussi sentir : la présence inquiétante dans l'amphitéâtre où enseigne Brennos rappelle énormément la séquence de l'école de musique d'Inferno (1980) ; la manière méticuleuse dont le tueur dispose ses armes et son goût pour les vêtements de cuir noir renvoient à L'oiseau au plumage de cristal (1970)... D'autres réalisateurs sont cités : le masque du tueur est très semblable à celui du Phantom of the Paradise (1974) de Brian De Palma ; ses armes rappellent la "griffe" utilisée dans Six femmes pour l'assassin (1964) de Mario Bava ; l'amphitéâtre baptisé Anton Phibes renvoie aux méfaits de L'abominable dr. Phibes (1971) de Robert Fuest... Ce petit jeu des références, assez comparable à celui pratiqué par un Christophe Gans dans Le pacte des loups, est suffisamment bien inséré au récit pour ne pas trop le parasiter.
Comme toile de fond, Brocéliande utilise la civilisation celtique, qui s'est
développée sur le territoire du centre et du nord de la France au cours du premier
millénaire avant notre ère. Les références à cette culture restent tout de même
très vagues, et Brocéliande n'exploite pas suffisamment bien ce folklore pour
donner un fond crédible et original à son récit. C'est tout de même dommage. Au niveau
de la direction artistique, on note le renvoi à plusieurs occasion au célèbre chaudron
de Gundestrup (découvert et conservé au Danemark, daté du premier siècle avant Jésus
Christ), qui, orné de plaques de métal en relief, est illustré par des
représentations du panthéon celtique (générique, scène de sacrifice...). On regrette
une reconstitution assez nonchalante des fouilles archéologiques : on découvre ainsi de
rares trésors celtes perdus depuis trois mille ans simplement en soulevant un gros
caillou dans une forêt ! Le film a été tourné seulement en région parisienne. Les
intérieurs de la faculté "de Rennes" ont en fait été tournés à
l'Université de Malakoff, en banlieue parisienne. La forêt "de Brocéliande"
est celle de Fontainebleau... Bref, les auteurs de Brocéliande ont, sans doute
pour des raisons économiques, manqué l'occasion d'exploiter et de mettre en valeur la
beauté chargée de fantastique et de mystères des sites mégalithiques bretons. La
seconde moitié du métrage évolue doucement vers un récit où se côtoient sectes (un
peu dans le style de Rendez-vous avec la peur (1957) de Jacques Tourneur et Les
vierges de Satan (1968) de Terence Fisher), aventures archéologiques (on pense à Indiana
Jones et le temple maudit (1984)) et films de monstre (Alien (1979) ou Predator
(1987)).
Hélas, toute cette dernière partie est loin d'être convaincante. Malgré le superbe
maquillage du monstre, ces séquences évoquent les plus mauvais moments de Lara Croft
: tomb raider (2001), voire un épisode de Buffy contre les vampires pour
son ridicule dénouement. Globalement, Brocéliande déçoit. La banalité des
personnages, la faiblesse de l'interprétation, l'intrigue prévisible et l'absence de
punch ou de style au sein de la réalisation aboutissent à un résultat trop passable.
Peu convaincant, Brocéliande semble même chercher à se dédouaner dans sa
dernière demi-heure en recourant à une ironie assez malvenue, aux forts relents de
je-m'en-foutisme.
Brocéliande laisse donc sur une impression de gâchis. Certes, on a vu pire.
L'intrigue n'est pas originale, mais elle a au moins le mérite de se tenir. Mais, ceux
qui s'attendaient à un film fantastique sincère et passionné, à un croisement rêvé
entre Rendez-vous avec la peur pour le film de secte et Les disparus de
Saint-Agil (1938) de Christian-Jacques pour l'intrigue horrifico-policière en milieu
scolaire, seront bien déçus. Reconnaissons toutefois que Brocéliande a au
moins le mérite de ne pas se prendre au sérieux, et de ne pas sombrer dans une
prétention ridicule, comme l'avait fait le slasher français Promenons-nous dans les
bois (2000)...
Bibliographie consultée :
L'écran fantastique numéro 229 (janvier 2003)