A Paris, à la fin du XIXème siècle, le docteur Georges Bonnet, outre ses dons descientifiques, pratique aussi la sculpture. Mais, surtout, il cache un secret terrible :suite à des recherches sur l'immortalité, il a réussi à atteindre l'âge de 104 ansalors qu'il n'en paraît qu'une quarantaine. Toutefois, ses travaux exigent qu'on pratiquesur lui régulièrement la greffe d'une glande humaine particulière...
The man who could cheat death est une production de la firme anglaise Hammer,réalisée par Terence Fisher. Rappelons que leur collaboration avait déjà mené auxénormes succès internationaux de Frankenstein s'est échappé ! (1957) et Lecauchemar de Dracula (1958), tous deux avec Christopher Lee et Peter Cushing, devenusaussitôt les nouvelles stars de l'horreur. Ces œuvres en couleur ont relancé lecréneau de l'épouvante classique en Grande-Bretagne, alors que ce genre avaitindéniablement perdu de son dynamisme à Hollywood au milieu des années 1940. Lesdirigeants de la Hammer, encouragés par les commandes de grandes compagnieshollywoodiennes, sont bien décidés à battre le fer tant qu'il est chaud. Rapidement,Fisher réalise pour eux La revanche de Frankenstein (1958), suite directe de Frankensteins'est échappé !, puis Le chien des Baskerville (1959) avec Cushing enSherlock Holmes et Lee en Sir Henry Baskerville. L'année 1959 verra encore la Hammersortir deux réalisations d'horreur gothique signées Fisher : La malédiction despharaons (1959), une histoire de momies avec, à nouveau, Lee et Cushing ; puis Theman who could cheat death. Il s'agit en fait du remake du film américain Lesérum de longue vie (1944), film réalisé par Ralph Murphy pour la firme Paramount,par ailleurs commanditaire de The man who could cheat death. Dans les deux cas,donc, ce sont des adaptations d'une même pièce de théâtre rédigée par Barré Lyndon(par ailleurs scénariste de films fameux comme Jack l'éventreur (1944) de JohnBrahm ou La guerre des mondes (1953) de Byron Haskin...). Cette fois-ci, le rôleprincipal n'est tenu ni par Lee, ni par Cushing, mais par le comédien d'origine allemandeAnton Diffring (Le cirque des horreurs (1960) de Sidney Hayers, Lesdiablesses (1973) d'Antonio Margheriti... et une multitude de rôles d'officiersallemands : Voyage au-delà des vivants (1954) avec Clark Gable, Les hérosde Télémark (1965) d'Anthony Mann, Quand les aigles attaquent (1968) avecClint Eastwood...). Précisons que cet acteur avait été pressenti peu de tempsauparavant pour tenir le rôle du docteur Frankenstein dans une série téléviséequ'aurait produit la Hammer : The tales of Frankenstein ; mais ce projet futabandonné. On trouve aux côtés de Diffring des visages connus des amateurs de filmsd'horreur : Christopher Lee (Le cauchemar de Dracula...), bien sûr, mais aussil'actrice Hazel Court (Frankenstein s'est échappé !, Le corbeau (1963)de Roger Corman...).
The man who could cheat death repose donc sur une intrigue brassant de nombreuxéléments classiques du cinéma fantastique. On retrouve ainsi un savant obsédé parl'immortalité, confronté à des dilemmes philosophiques rappelant ceux d'un docteurFrankenstein. Bonnet comprend que la médiocrité de la nature humaine est telle que larévélation au public de sa découverte sur l'immortalité engendrerait le chaos àl'échelle planétaire, la nature n'aimant pas que ses lois soient détournées ; parconséquent il refuse de parler de son secret, ce qui engendre de multiples difficultés,que ce soit dans le cadre de la poursuite de ses recherches ou dans sa vie privée,irrémédiablement solitaire. Sa situation rappelle aussi celle, classique, du savant semettant dans une situation inextricable en expérimentant sur lui-même son invention :citons, en matière de cinéma, les deux classiques Docteur Jeckyll et mr. Hyde(1931) de Rouben Mamoulian et L'homme invisible (1933) de James Whale. Le drame de Bonnet évoque aussi le vampirisme : ainsi, afin de trouver des glandesfraîches qui, une fois transplantées, lui garantiront la longévité, il se"servira" sur des victimes humaines qu'il tuera de ses propres mains. On pensed'ailleurs à Les vampires (1957), réalisé peu avant par Mario Bava et RiccardoFreda en Italie, dans lequel un savant permettait à une vielle aristocrate de garder uneapparence juvénile en lui transfusant du sang prélevé sur des jeunes filles. Enfin, lesort final réservé à Bonnet et sa hantise de la déchéance physique renvoient à Leportrait de Dorian Gray (1945) d'Albert Lewin, d'après la nouvelle d'Oscar Wilde.
S'ouvrant sur un excellent prologue horrifique, The man who could cheat death semble,de prime abord, riche en promesses. Une silhouette au visage invisible suit une de sesvictimes dans les rues brumeuses de Paris avant de l'assassiner brutalement. Aucun douten'est alors possible, on est bien dans un film d'épouvante gothique des années 1950,avec ses éclairages colorées raffinées et son ambiance "Gaslight" à couperau couteau. Hélas, le spectateur doit rapidement déchanter. Le film va s'avérerextrêmement bavard et théâtral, l'action restant en très grande partie confinée dansl'atmosphère guindée de l'appartement de Bonnet. Le récit, de son côté, neprogressera qu'à l'aide d'une accumulation de bavardages statiques, rapidement assezlassants. The man who could cheat death paraît alors manquer de diversité et desurprises, son récit souffrant, en plus, d'être terriblement prévisible.
Pourtant, Fisher et ses collaborateurs font tout de même du bon travail et parviennent àsauver ce qui peut l'être. Alors même que le cadre de cette histoire semble bienétroit, le décorateur Bernard Robinson et, surtout, l'excellent chef-opérateur JackAsher parviennent à donner aux images une patine luxueuse d'un très grand raffinement.De son côté, la réalisation multiplie les inventions pour tenter d'animer un peu cettesuite de séquences pourtant bien théâtrales. Les comédiens, Lee et Diffring en tête,ne déméritent pas. Qui plus est, The man who could cheat death propose unfinal, tout en flammes et en "horror", digne des meilleurs films de la Hammer.
Somme toute, The man who could cheat death est donc loin d'être une des plusgrandes réussites de son réalisateur, sans doute à cause d'un script manquant desurprises et d'impact. Néanmoins, au vu de ses indéniables qualités plastiques et deson interprétation solide, il reste tout de même une oeuvre relativement honorable. Entout cas, l'année suivante sera encore riche en collaborations entre le réalisateurTerence Fisher et la Hammer, puisqu'ils proposeront, outre le film d'aventures Leserment de Robin des bois (1960), les œuvres d'épouvante : Les étrangleursde Bombay (1960), La nuit du loup-garou (1960), Les maîtresses deDracula (1960) et The two faces of Dr. Jeckyll (1960).
Bibliographie consultée :