TocCyclopédie ■ Époques

Le Professeur, un médium, et son assistant Eric veulent détruire Dracula. Pour cela, ils partent à la recherche d'Isabelle, la promise de Dracula, qui est gardée à Paris dans le couvent des soeurs de l'Ordre de la Vierge Blanche...



La fiancée de Dracula est le nouveau film de vampires du français Jean Rollin,réalisateur de films d'horreur à petit budget depuis Le viol du vampire (1967).Sa production culmine dans les années 1970 où il alterne essentiellement oeuvresd'épouvante (Le frisson du vampire (1970), Les raisins de la mort(1978), La morte vivante (1982)...) et des films érotiques ou pornographiques(ces derniers sont tournés sous le pseudonyme de Michel Gentil). Toutefois, son rythme detravail se ralentit à partir du milieu des années 80, bien qu'il poursuive par ailleurs,avec succès, une carrière d'écrivain fantastique. Souvent très décrié en France,oublié peu à peu par le public, Rollin finit néanmoins par acquérir une bonneréputation dans les pays anglo-saxons, où on l'admire comme un maître du cinémapopulaire européen à petit budget, au même titre qu'un Jesus Franco (L'horribledocteur Orloff (1962)...), voire qu'un Lucio Fulci (L'enfer des zombies(1979)...). Qui plus est, certains de ses films sont montrés à la CinémathèqueFrançaise dans le contexte de soirées consacrées au Cinéma Bis. Rollin revient alorsaux films de vampires qui avaient marqué le commencement de sa carrière avec Lesdeux orphelines vampires (1997), puis avec La fiancée de Dracula. Dans cedernier, comme souvent chez ce réalisateur, Rollin bricole son film avec des moyensextrêmement réduits. Ainsi, les acteurs sont pour la plus grande part des amateurs. Onretrouve toutefois Brigitte Lahaie (célèbre actrice de cinéma porno, mais aussicomédienne tournant régulièrement avec Rollin depuis La morte vivante), ainsique Sandrine Thoquet (Les deux orphelines vampires), Nathalie Perey (Lèvresde sang (1975) et La nuit des traquées (1980) de Rollin...), Bernard Musson(Le journal d'une femme de chambre (1964) de Bunuel, Le magnifique (1973)de Philippe de Broca...)...
Dans La fiancée de Dracula, un médium chasseur de vampires, appelé leProfesseur, cherche à capturer et à détruire Dracula. Pour cela il doit recueillir desinformations à son sujet. Afin de leur soutirer des renseignements, il rencontre donc descréatures étranges, les Parallèles, des êtres vivant à la limite entre la réalitéet l'imaginaire, détenteurs de secrets fantastiques et amis de Dracula. Ainsi, ilparvient à faire avouer à la Folle qu'Isabelle, une jeune femme promise à Dracula, estgardée à Paris, dans le couvent des soeurs de l'Ordre de la Vierge Blanche. Toutefois,les autres Parallèles réussissent à enlever Isabelle au nez et à la barbe duprofesseur, puis ils organisent, dans un château, le sacrifice de trois nonnes. LeProfesseur et son jeune assistant Eric (épris d'Isabelle) vont tenter d'empêcher cela etde retrouver la trace de Dracula...


Dans La fiancée de Dracula, on retrouve les spécificités du cinéma de Rollin,surtout liées au fait qu'il travaille avec des budgets limités, que mettent en avant sesnombreux détracteurs depuis plus de trente ans. L'interprétation est la plupart du tempsfausse, voire risible : ainsi, Jacques Régis (le Professeur) et Aguado (Triboulet)provoquent parfois involontairement la bonne humeur du spectateur. Toutefois, Rollinsemble en être assez conscient et joue parfois délibérément la carte de l'humour(notamment avec les nonnes aux comportements très insolites). Le scénario part un peutrop dans tous les sens. Certaines longueurs se font bien sentir (dans le couventparisien, dans le château en ruines...). La technique est par moment très approximative(faux raccord, certains plans sont maladroitement tournés caméra à l'épaule, laphotographie nocturne n'est pas parfaite, voire même beaucoup trop sombre...).


Pourtant, au-delà de ces défauts, qui ne sont pour la plupart que techniques, Lafiancée de Dracula séduit par sa singularité. On est d'abord envoûté par labeauté des images. Rollin choisit ainsi avec goût quelques magnifiques paysagesnaturels, tel le petit cimetière de la Vampire, la carrière où vit l'Ogresse, la touren ruine devant laquelle danse la Folle, la plage magnifique et ses épaves grouillantesd'araignées de mer... Rollin a compris, contrairement à bien des réalisateursfrançais, les trésors de magie fantastiques que recèlent les paysages ruraux de sonpays, et il les exploitent avec un sens poétique rare. A travers la peinture de sonunivers très personnel, Rollin cite expressément les artistes surréalistes, comme LuisBunuel (les squelettes des évêques renvoient à son L'âge d'or (1930)...) oule peintre belge Paul Delvaux (auxquels Rollin emprunte ses femmes nues inexpressives etrêveuses). Il salue aussi de célèbres écrivains de feuilletons littérairesfantastiques, en citant des textes de Gaston Leroux par exemple, ou en montrant lacouverture du recueil d'illustrations que Nicollet a consacré à Harry Dickson (héroscréé par le belge Jean Ray). De plus, Rollin imprime à son film une sensibilité assezféminine, une douceur et une délicatesse que certains ont très vite assimilé à unelenteur rébarbative. Chez lui, le merveilleux n'est pas prétexte à un déploiement descènes d'action ou de trucages. Son fantastique est avant tout celui de la poésie, dusilence nocturne et des moments rêvés.


La fiancée de Dracula nous raconte avant tout de belles histoires d'amour. Il nefait pas de doute que, pour Rollin, les personnages les plus importants, les plusfascinants, sont ses femmes mystérieuses, les Parallèles, ouvertes aux beautés del'imaginaire et de l'amour absolue. Les hommes "normaux", les chasseurs devampires (le Professeur et Eric), sont des personnages ternes, violents et destructeurs,tandis que Rollin filme avec respect ses monstres : le nain est amoureux fou de safemme-vampire et la passion exclusive entre Dracula et Isabelle dépasse toutes leslimites du temps et de la raison. Ce film étant un film d'amour, il n'y a rien d'anormalà ce qu'il contienne de l'érotisme. Ce dernier ne sombre d'ailleurs jamais dans aucuneforme de racolage ou de vulgarité, bien au contraire : la séquence au cours de laquellela Vampire attachée nue à la poupe du bateau et livrée au rayons du soleil est parexemple d'une grande beauté.


La fiancée de Dracula est un donc un beau film. Il ne s'agit pas de nier cesdéfauts, mais il faut constater que le cinéma de Rollin respire le goût du fantastiqueet l'amour d'une poésie étrange. Il est sortie en France en 2002, dans une combinaisonde salles assez réduites (trois copies à Paris) et, malgré un accueil critiquerelativement favorable, il ne trouva pas vraiment son public.


Bibliographie consultée :

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