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Au pôle nord, des militaires américains sont chargés d'étudier un Objet Volant Non Identifié qui s'est écrasé récemment. Ils découvrent qu'il s'agit d'une soucoupe volante et ils en extraient un être étrange, encore prisonnier d'un bloc de glace. Ils le ramène à une base scientifique où travaillent des chercheurs en biologie...



La chose d'un autre monde a été produit par Howard Hawks, grand réalisateurhollywoodien qui travailla sur des genres assez variés (film de gangster avec Scarface(1932), comédie avec L'impossible monsieur Bébé (1938), film noir avec Le grand sommeil (1946), western avec Larivière rouge (1948)...)... Sur le tournage de Allez coucher ailleurs(1949) qu'il réalise, il lit la nouvelle de science-fiction La bête d'un autre mondede John W. Campbell jr., et décide de la porter au cinéma avec sa propre compagnie deproduction (Winchester Pictures Corp.) qu'il venait de fonder. Le scénario s'inspiretrès librement de cette oeuvre littéraire et la réalisation du film est confiée àChristian Nyby dont c'est le premier film à ce poste (il avait travaillé auparavantcomme monteur (Le grand sommeil, La rivière rouge...) pour sonprestigieux producteur). Hawks a affirmé qu'il était tout le temps présent sur leplateau afin de "superviser" la réalisation, notamment pour les scènesd'action les plus complexes. Le rôle du capitaine Patrick Henry est tenu par KennethTobey (Le monstre des temps perdus (1953) d'Eugène Lourie, The vampire (1957) de Paul Landres...), le docteur Arthur Carrington est joué par Robert Cornthwaite (La guerre des mondes (1953) de Byron Haskin, Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? (1962) de Robert Aldrich...), le journaliste Scotty est interprété par DouglasSpencer (Chérie, je me sens rajeunir (1952) de Howard Hawks, Les survivantsde l'infini (1954) de Joseph M. Newman...)...
La chose d'un autre monde est un des tous premiers représentants de la grandevague de films de science-fiction qui s'est abattue sur les USA au cours des années 1950.On a d'abord eu Destination lune (1950) d'Irving Pichel, produit par George Pal,une fiction spéculant sur le premier vol habité (par des cosmonautes américains, biensûr) vers la Lune. Puis, en 1951, le réalisateur Arch Oboler propose Cinq survivants(1951), drame d'anticipation dans lequel seuls cinq personnes réchappent à ladestruction du monde par la guerre atomique. La même année, dans Le jour où laterre s'arrêta (1951) de Robert Wise, un extra-terrestre se rend à Washington pouravertir l'humanité qu'elle doit arrêter d'employer des armes nucléaires et de sedétruire dans des conflits barbares, sous peine d'être éradiquée par les autrespeuples de l'univers. Il faut bien comprendre dans quel contexte ces films sontréalisés. Après la seconde guerre mondiale, l'entente entre l'URSS et les USA a ététrès rapidement compromise. Certains partages territoriaux de pays comme l'Allemagne etla Corée se font dans la douleur, si bien qu'en 1950, la guerre de Corée éclate entrela Corée du nord (soutenue par la Chine et l'URSS) et celle du sud (soutenue par les USA) :le spectre d'un nouveau conflit mondial plane alors, d'autant plus que les soviétiquesont la bombe atomique depuis 1949. Les américains vivent par ailleurs dans l'angoisse devoir leur pays infesté par divers espions et saboteurs à la solde de l'ennemi. Oncommence à épurer les divers secteurs de la vie américaine de ses élémentssoupçonnés d'avoir des sympathies socialisantes, notamment grâce au travail du trèszélé sénateur Joseph McCarthy. Le début des années 50 est donc la période la plusintense de la guerre froide et elle ne se calmera (partiellement et temporairement) qu'àpartir de la mort de Staline en 1953. Si certains films comme Cinq survivants ou Lejour où la terre s'arrêta révèlent au moins une angoisse véritable face auxdangers de l'arme atomique et l'escalade à laquelle se livrait les superpuissances, Lachose d'un autre monde a le douteux privilège d'amorcer toute une longue séried'oeuvres assez bellicistes et paranoïaques, mettant en scène de dangereuses invasionsd'outre-espace, dont le message est clair : l'Amérique est menacée, elle doit se tenirsur ses gardes et se méfier de tous les éléments extérieurs. Il avait néanmoins étéprécédé par une émission radiophonique du 30 octobre 1938, dans laquelle Orson Welles,alors inconnu du grand public, avait, avec sa troupe de théâtre, fait croire àl'Amérique qu'une invasion martienne était en train de s'abattre sur elle, ens'inspirant du roman La guerre des mondes de H.G. Wells  !




Le récit de La chose d'un autre monde a la particularité de se dérouler auxalentours d'une base polaire. On est donc dans la tradition des aventures fantastiquesinspirées par les explorations des pôles nord et sud, qui se sont déroulées du XVIIIème siècle au milieu du vingtième siècle. Dans ce style, on trouve, en littérature,bien évidemment Les montagnes hallucinées de Lovecraft, mais aussi Lesaventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket d'Edgar Allan Poe, ou encore certainspassages de Frankenstein de Mary Shelley. Ici, des militaires américains sontchargés par leurs supérieurs d'aller identifier un étrange météorite qui s'estécrasé au pôle nord. Ils découvrent qu'il s'agit d'une soucoupe volante, déjà prisedans la glace. Pour l'extraire, on emploie des explosifs qui la démolissentaccidentellement. Néanmoins, les soldats parviennent à récupérer un bloc de glace danslequel est encastré ce qui semble bien être un extra-terrestre. Ils le ramènent encorecongelé à une base scientifique, situé à quelques kilomètres de là, où œuvreune équipe de chercheurs en biologie. Mais, à la suite d'une maladresse,l'extra-terrestre est libéré et s'enfuit. Le docteur Carrington, éminent biologistetravaillant dans la station, voit dans ce "visiteur" une forme de vieintelligente supérieure et demande que tout soit fait pour l'épargner. De son côté, lecapitaine craint que ce soit un être dangereux. Ses appréhensions seront rapidementconfirmées... L'extra-terrestre est en fait un organisme de nature végétal,invulnérable aux armes traditionnelles, qui se nourrit de sang humain et a la faculté des'auto-reproduire. Une armée d'envahisseurs assoiffés de sang risque donc de s'abattresur la Terre...


Plutôt que de multiplier les séquences à effets spéciaux ou à grand spectacle, Lachose d'un autre monde préfère expliciter avec précision la nature del'extra-terrestre et développer les rapports entre les personnages reclus dans la basepolaire. Ainsi, très tôt dans le métrage, les relations entre Pat et Nikki donnent lieuà des séquences de comédies romantiques très réussies. D'autre part, le récit tournerapidement à un huis-clos angoissant au cours duquel les humains doivent gérer la surviede leur groupe, reclus dans quelques bâtiments isolés, entourés par un désert oùsévit un froid mortel. Le conflit le plus aiguë est celui entre le docteurCarrington et le capitaine Henry. Le premier, un savant de renommée mondiale, veut àtout prix étudier ce représentant de cette forme de vie inconnue. Convaincu que cetêtre est d'une intelligence supérieure, puisqu'il peut voyager à travers l'espace, ilen déduit qu'il doit être plus sage que les humains, et, donc, d'une naturepacifique. Ses conclusions idéalistes vont le conduire à commettre bien des imprudences.D'un autre côté, le capitaine Patrick Henry, militaire et homme d'action, se méfieinstinctivement de cette créature inconnue et ne veut prendre aucun risque. Il va devoirsuperviser une situation complexe, notamment en ménageant les diverses susceptibilités,que ce soit la curiosité scientifique de Carrington, le désir d'obtenir des informationsà tout prix du journaliste, les ordres de l'armée américaine qu'ils reçoivent par laradio... Les habitants de la station nous sont d'autant plus attachants qu'ils sontfaillibles. Le capitaine Henry commet des erreurs (il détruit la soucoupe volante paraccident...), tandis que le docteur Carrington est très intelligent, mais a du mal àregarder la réalité périlleuse de la situation en face. Tout cela est rendu trèsvivant par une interprétation absolument excellente, y compris de la part des acteurscantonnés dans des rôles ingrats (Margaret Sheridan...).


La chose d'un autre monde bénéficie en permanence d'une réalisation trèssolide et rythmée. Si Nyby et Hawks refusent les effets spectaculaires, cela n'empêchepas le film de donner une impression de grande maîtrise dans la construction de sesséquences et dans ses cadrages, toujours réglés au millimètre près. Tout cela donneau film beaucoup de fluidité et de naturel, voire presque un ton documentaire. A ce titrela découverte de l'OVNI dans la glace et l'extraction de la Chose encore congelée donnelieu à une séquence extrêmement réussie, dénuée de tout chichi fantastico-poétiqueet terriblement prenante. De même, les attaques du monstre donnent lieu à desscènes d'une brutalité et d'une vivacité spectaculaires. La chose d'un autremonde y montre, dans ces moments, d'évidents liens avec le cinéma d'épouvanteclassiques (Frankenstein (1931) de James Whale, Le loup-garou (1942) deRobert Waggner...), notamment à travers l'aspect de l'extra-terrestre qui rappelle lagrande silhouette du monstre de Frankenstein. De même sa consommation de sang humain lerattache aux vampires (Dracula (1931)...). Mais on note une différence de taille
ici, le ton du métrage ne montre aucune compassion envers le monstre. Le docteur
Carrington, lorsqu'il veut communiquer avec la bête, se montre en fait naïf etirresponsable.


La chose d'un autre monde, on l'a vu, joue énormément sur l'attente, sur letemps consacrés aux discussion et aux délicates prises de décision. Les scènesd'action arrivent vives et courtes comme des coups de fouet. On peut alors trouver que lesbavardages sont parfois un peu envahissants dans ce film, qui aurait toutpeut-être gagné à être plus dense et moins statique.


Il n'en reste pas moins que La chose d'un autre monde est un bon film, grâce àsa réalisation extrêmement maîtrisée et au développement réussi de ses personnageset de leurs réactions dans un contexte oppressant. Il s'agit de plus d'un film fondateur,qui va engendrer, durant une décennie, des dizaines et des dizaines d'oeuvres mettant enscène l'invasion de la Terre par des extra-terrestres inquiétants, tels La guerre demondes d'après H.G. Wells en 1953, Le monstre (1955) de Val Guest enGrande-Bretagne, L'invasion des profanateurs de sépulture (1956) de Don Siegel, Les soucoupes volantes attaquent (1956) avec des trucages de Ray Harryhausen... Des années plus tard, John Carpenter en réalisera un remake avec The thing (1982), un de ses meilleurs films, qui lui permettra de concilier sa passion pour Hawks et son intérêt pour les œuvres de Lovecraft.



Bibliographie consultée :

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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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