Un dangereux maniaque sévit dans une ville où il tue des femmes, uniquement les nuit de pleine lune. La police découvre qu'il emploie un scalpel qu'on ne trouve, dans les environs, qu'à l'académie de médecine du docteur Xavier. Celui-ci décide de mener une enquête de son côté pour déterminer lequel des scientifiques travaillant dans son établissement est le tueur de la pleine lune...
Docteur X est en fait la réponse de la compagnie hollywoodienne Warner Bros ausuccès fracassant qu'avait rencontré Universal avec ses films d'horreur parlants Dracula(1931) de Tod Browning et Frankenstein (1931) de James Whale. Warner charge doncle réalisateur d'origine hongroise Michael Curtiz (qui avait déjà flirté avec lefantastique pour leur compte avec Le génie fou (1931) interprété par JohnBarrymore) de tourner un film d'horreur pour leur filliale First National. Afin d'attirerle public, le film est tourné intégralement en Technicolor bichrome : si les résultatsne sont pas encore aussi excellents que le futur Technicolor trichrome (employé pour lapremière fois dans Becky Sharp (1935) de Mamoulian), Docteur X estnéanmoins le premier film d'horreur intégralement tourné en Technicolor. En vedette, ilpropose Lionel Atwill (Masques de cire (1933) de Curtiz, Le fils deFrankenstein (1939) de Rowland V. Lee...) : il appartient à la générationd'acteurs venus du théâtre qui émergea au cinéma avec l'arrivée du parlant à la findes années 1920 ; ainsi il venait d'être la vedette du film policier The silentwitness (1932) de Marcel Vanel et R.L. Hough. A ses côtés, on trouve Fay Wray quiallait, au début des années 1930, apparaître dans des titres cruciaux du cinémafantastique américain (La chasse du comte Zaroff (1932) de Pichel et Schoedsack,King Kong (1933) de Schoedsack et Cooper, Masques de cire...).
Docteur X s'appuie néanmoins sur un thème qui va devenir très cher aufantastique : celui du savant fou. Certes, Frankenstein proposait, l'annéeprécédente, un spécimen déjà assez exalté, descendant en ligne droite del'inquiétant docteur Caligari du cinéma expressionniste allemand. Mais Docteur X nousprésente, à travers les portraits des cinq chercheurs de l'Académie du docteur Xavier,une étonnante brochette de cinoques. Leurs études portent sur des sujets peupragmatiques (les effets des rayons de la lune sur le comportement, le mystère de la vie,le cannibalisme...) qui font de chacun d'eux des suspects potentiels. Qui plus est, ilssont affectés de difformités physiques (borgne, balafré, manchot, paraplégique...) etde comportements curieux qui ne doivent pas favoriser leur épanouissement social. Ledocteur Xavier lui-même est tout à fait susceptible d'être l'assassin. Néanmoins, ilest aussi l'inventeur d'une machine capable de mesurer le degré d'émotion d'un sujethumain, et, ainsi, de démasquer le tueur si on le confronte à une reconstitution ducrime. Mais... et si le tueur n'était autre que l'inquiétant valet du docteur Xavier,personnage laid et cruel, très porté sur les calembours macabres ?
Au-delà du développement du thème du savant fou, Docteur X est surtout unegrande réussite plastique. Les superbes décors des laboratoires, réalisés par AntonGrot (Le petit César (1930) de Mervyn Leroy, Masques de cire...),rivalisent d'excentricité dans des constructions vertigineuses de tubes, de lampes,d'éprouvettes fumantes et d'alambics tarabiscotés. Ils sont mis en valeur par desuperbes éclairages colorées qui, traités sur un mode très expressionnistes,annoncent, avec beaucoup d'avance, l'usage fantastique de la couleur par lechef-opérateur Jack Asher (Frankenstein s'est échappé ! (1957) et Lecauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher...) ou du réalisateur Mario Bava (Lestrois visages de la peur (1963), Six femmes pour l'assassin (1964)...).Certaines séquences de Docteur X peuvent ainsi se prévaloir d'une forceplastique extrêmement impressionnante (les reconstitutions des meurtres, le tueurpréparant son masque horrible...).
Comme toujours chez Curtiz, le rythme est très entraînant. Il se passe toujours quelquechose à l'écran et même les plus banales scènes de dialogue bénéficient chez lui, grâceà la vivacité et à la variété de de son découpage, d'une énergie rafraîchissante.Toutefois, cela ne masque pas l'inconcistance de certaines séquences, notamment tout cequi tourne autour de Lee Taylor, journaliste bavard et plein de culot, dont le seulvéritable rôle dans le film semble être d'apporter une touche d'humour, certessympathique, mais parfois un peu envahissante.
Docteur X est néanmoins un film horrifico-policier assez réussi, avec notammentde très spectaculaires scènes d'épouvante en couleurs. Fay Wray et Lionel Atwilltourneront ensuite dans The vampire bat (1932) de Frank R. Strayer et seretrouveront à nouveau l'année suivante dans Masques de cire, encore réalisépar Michael Curtiz pour la Warner Bros, et encore en Technicolor bichrome. On note aussique la Warner produira Le retour du docteur X (1939) de Vincent Sherman, avecHumphrey Bogart (Casablanca (1942) de Curtiz...) dans le rôle du docteur Xavier,qui n'a en fait que peu de liens avec le film de 1932. Docteur X participera àl'émergence d'une génération profuse de savants plus ou moins fous et dangereux quihanteront les écrans américains au cours des années 1930-1940. On ne citera quequelques titres connus pour mémoire : L'île du docteur Moreau (1933) avecCharles Laughton, Le mort qui marche (1936), Dr. Cyclops (1939) d'ErnstB. Schoedsack, Vendredi 13 (1940) avec Boris Karloff...
Bibliographie consultée :