En 1804, le comte Dracula quitte sa Transylvanie natale pour s'installer en Chine, où il terrorise un village avec l'aide de sept vampires de cette région et d'une armée de morts-vivants. En 1904, Van Helsing, le fameux chasseur de vampires, se rend dans cette contrée exotique...
Les 7 vampires d'or est le dernier des sept films produits par la firme anglaise Hammer mettant en scène le comte Dracula, depuis le classique de cette compagnie : Le cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher. Il est donc sorti juste après Dracula vit toujours à Londres (1973) d'Alan Gibson, qui mêlait épouvante et espionnage contemporain avec un budget, hélas, trop limité : Christopher Lee l'avait trouvé si mauvais qu'il s'engagea fermement à ne plus jamais tenir le rôle de Dracula (qu'il avait incarné six fois de suite pour la Hammer) à moins qu'on lui propose un scénario vraiment intéressant. Il tint parole, et Les 7 vampires d'or fut la seule fois où les dirigeants de la Hammer ont eu recours à un autre comédien pour incarner Dracula. C'est John Forbes-Robertson qui hérite ici de ce rôle : bien qu'on ne le voit que très peu dans Les 7 vampires d'or (Dracula y empruntant le plus souvent l'apparence d'un prêtre chinois), il n'est guère convaincant ; on lui a en plus infligé un lourd maquillage (peu réussi), peut-être pour tenter le faire ressembler à Christopher Lee.
A ses côtés, on retrouve Peter Cushing (Frankenstein s'est échappé ! (1957)...), star historique de la Hammer, dans le rôle de Van Helsing qu'il a déjà incarné à plusieurs reprises pour cette firme (Le cauchemar de Dracula et Les maîtresses de Dracula (1960) de Terence Fisher...) : abattu par le décès de son épouse en 1971, Cushing s'était jeté à corps perdu dans le travail et a tourné énormément au début des années 1970 (vingt films de 1971 à 1974 !), que ce soit dans des productions de la Hammer (Les sévices de Dracula (1971) de John Hough, Frankenstein et le monstre de l'enfer (1972) de Terence Fisher...) ou dans des œuvres de sa concurrente l'Amicus (Asylum (1972) de Roy Ward Baker, Terreur dans le Shangaï express (1972)...). Les 7 vampires d'or a la particularité d'être une co-production entre la Grande-Bretagne et Honk Kong : on y rencontre ainsi David Wiang (La rage du tigre (1971) de Chang Che, Just heroes (1987) de John Woo...), une grande vedette du cinéma d'action asiatique. La réalisation de Les 7 vampires d'or est confié à Roy Ward Baker, qui tourna au cours de cette période plusieurs films en Grande-Bretagne pour la Hammer (Les monstres de l'espace (1967) mettant en scène le professeur Quatermass, Les cicatrices de Dracula (1970) avec Christopher Lee...) et pour l'Amicus (Asylum, Le caveau de la terreur (1973)...).
On s'en doute, pour arriver à une telle rencontre de deux genres aussi différents, il va falloir se baser sur un scénario assez délirant. C'est Don Houghton (déjà responsable des scripts de Dracula 73 (1972) et de Dracula vit toujours à Londres) qui se charge de cette besogne. En 1804, un prêtre chinois dénommé Kah se rend en Transylvanie pour tenter de convaincre Dracula de venir l'aider à accomplir quelques maléfiques besognes dans son pays lointain. Dracula s'empare du corps de l'infortuné pélerin et se rend en Chine, où il s'installe dans une sinistre pagode et prend le commandement d'une horde de sept vampires asiatiques très puissants. Durant un siècle, il sème la terreur dans un village des environs, où lui et ses complices enlèvent des jeunes paysannes afin de se repaître de leur sang. En 1904, le chasseur de vampire européen Van Helsing se rend dans cette contrée, et tente de convaincre des universitaires locaux de l'aider à tuer des vampires : personne ne l'écoute, sauf Hsi Ching, un jeune homme venant du village que terrorise Dracula. Hsi Ching demande à Van Helsing de l'y accompagner pour terrasser les redoutables vampires, ce que l'européen accepte. Ils seront aidés, entre autres, par les six frères et la sœur de Hsi Ching, tous maîtres dans diverses disciplines des arts martiaux... Évidemment, tout cela fourmille joyeusement d'incohérences : par exemple, Dracula est resté terré en Chine cent ans ; et Van Helsing (qui n'est pas un immortel) affirme l'avoir affronté en Europe : serait-il plus que centenaire ? Dracula aurait-il fait des allers-retours Pékin-Bucarest ?
Cette transposition n'est, de toutes façons, qu'un scénario prétexte à mélanger horreur, sabre et kung fu. Quelques détournements du mythe des vampires sont d'ailleurs assez savoureux : les vampires chinois ne craignent pas les crucifix, mais les statues de Bouddha les terrifient ! On nage en plein cinéma d'exploitation, avec beaucoup d'arts martiaux, de sang, et même pas mal d'érotisme. Mais Les 7 vampires d'or souffre tout de même de personnages fades : drôles d'idées que d'avoir affublé Van Helsing d'un fils (interprété avec nonchalance par Robin Stewart), ou de le faire partir à la chasse aux vampires avec une mécène sexy interprétée par Julie Ege (le film d'aventures Creatures the world forgot (1970) de la Hammer...) ! Le cœur du métrage semble en fait loucher vers un classique film d'aventures, mais tout ce passage manque tout de même de rythme et de nerfs. Certaines séquences d'action arrivent comme des cheveus dans un potage pékinois (l'attaque des brigands au début du voyage...) !
Pourtant, Les 7 vampires d'or n'est pas dénué de qualités. Certes son scénario n'est pas très cohérent, mais il est assez riche en péripéties délirantes et pleines de fantaisie. Les décors de la pagode de Dracula sont somptueux, que ce soit l'extérieur, équivalent oriental du lugubre château de Dracula, ou l'étonnant sanctuaire dans lequel cet archivampire persécute ses victimes. Le flash back racontant l'aventure du grand-père de Hsi Ching est d'une beauté à couper le souffle : des vampires y chevauchent dans la nuit, sabres d'or à la main, menant une armée de morts-vivants fraîchement sortis de la terre (le succès de La nuit des morts-vivants (1968) est passé par ici !). Le final (Dracula et ses troupes attaquant le village fortifié) est aussi fort spectaculaire et réussi. On remarque d'ailleurs, dans ces séquences, que Les 7 vampires d'or semble bénéficier de moyens bien plus confortables que, par exemple, Dracula vit toujours à Londres. On a de nombreuses cascades, des grands décors, beaucoup de figurants... Les Bowie propose de très nombreux effets sanglants et des maquillages de morts-vivants macabres à souhait. Le compositeur James Bernard (Le cauchemar de Dracula...), autre maillon essentiel de l'équipe Hammer, écrit une très bonne musique qui fonctionne extrêmement bien avec les combats d'arts martiaux, en leur donnant une dimension horrifique et une tension très bienvenues.
Si Les 7 vampires d'or n'a pas la rigueur et l'impact des meilleurs films de la Hammer, il n'en reste pas moins un bon divertissement fantastique, bourré d'inventions et de péripéties surprenantes. Pourtant, ce film a bien souvent été considéré comme symptomatique de la fin de la Hammer et de la décadence de l'âge d'or du cinéma fantastique britannique des années 1960. Il faut dire que Les 7 vampires d'or cumule beaucoup de "dernier" en ce qui concerne la Hammer au cinéma : dernier film de vampires, dernier Dracula, dernière composition de James Bernard, dernière oeuvre gothique, dernière oeuvre avec Peter Cushing... Notons au passage que cet acteur rencontrera peu de temps après une énorme renommée en jouant Moff Tarkin, le sinistre commandant de l'Etoile de la Mort, dans La guerre des étoiles (1977) de Georges Lucas. La Hammer allait encore tourner quelques films (dont le film d'action Shatter (1974) de Michael Carreras, seconde et dernière co-production Hammer - Shaw Brothers) avant de cesser toute activité pour le cinéma après Une fille pour le Diable (1976). Suite à Les 7 vampires d'or, la Hammer a annoncé, au cours des années 1970, divers projets censés relancer le cycle des Dracula : Kali, the devil bride of Dracula réalisé par Terence Fisher, The Dracula Odissey, Dracula, the beginning, Dracula... who ?... Aucun d'entre eux ne sera tourné en fin de compte. Pourtant, Les 7 vampires d'or ne va pas rester sans descendance : Honk Kong va, grâce à cet essai, s'intéresser aux films de vampires, avec, par exemple, la série commencée par Mr. vampire (1985) (qui a connu cinq suites s'étalant jusqu'à 1993). Plus surprenant, le film américain Blade (1998) de Stephen Norrington met en scène un super-héros vampire pratiquant les arts martiaux : annonçant l'engouement de Hollywood pour le cinéma d'action de Honk Kong à la fin des années 1990, cette oeuvre mettait en scène un personnage né dans les bande-dessinées Marvel et apparu pour la première fois dans un Comics dédié... au comte Dracula : Tomb of Dracula !
Bibliographie consultée :
- Les classiques du cinéma fantastique de Jean-Marie Sabatier ; Balland, 1973.
- The Dracula book de Donald F. Glut; The Scarecrow press, 1975.
- Les visages de l'horreur de Philippe Ross ; Edilig, 1985.
- Dracula de Philippe Ross ; J'ai lu Cinéma, 1990.
- Mad Movies numéro 72 (septembre 1992).
- Dictionnaire du fantastique de Alain Pozzuoli et Jean-Pierre Krémer ; Jacques Grancher, 1992.
- L'écran fantastique numéro 130 (janvier 1993).
- Fantastyka numéros 6 (4éme trimestre 1994), 9 (3ème trimestre 1995) et 11 (4ème trimestre 1995).
- Hammer, House of Horror de Howard Maxford ; Bastford, 1996.
- Dracula (1897-1997) d'Alain Pozzuoli ; Hermé, 1996.
- Vampire films de Colin Odell et Michelle Le Blanc ; Pocket essentials, 2000.