Deux adolescents, Darry et sa sœur Trish, traversent une région rurale et déserte en voiture. En passant devant une vieille église abandonnée, ils aperçoivent un personnage étrange en train de lancer un paquet sanglant dans un trou. Darry est intrigué...
Jeepers creepers a été réalisé et écrit par Victor Salva pour la compagnieindépendante American Zoetrope, dirigée par Francis Ford Coppola. Victor Salva a étéremarqué par Coppola grâce à un court-métrage en super-8, et American Zoetrope aproduit son premier long métrage d'épouvante Clownhouse (1988). Mais Salva estensuite condamné à six ans de prison et de traitement après pour avoir eu des relationssexuelles avec un garçon mineur. Salva a ensuite produit Powder (1995) un filmde science-fiction mélodramatique ainsi que quelques thrillers à petits budgets.Finalement, American Zoetrope produit ce Jeepers creepers pour un budget modeste(10 millions de dollars). On ne retrouve donc pas de star au casting. Ainsi les deuxjeunes acteurs ont auparavant tourné avant tout pour la télévision (Gina Philips estune habituée de la série Ally McBeal ; Jason Long apparaît dans la série Edet il tient aussi un petit rôle dans la sympathique comédie Galaxy quest)...Le Creepers est incarné par Jonathan Breck (Spiders (2001) de Gary Jones...).
La situation horrible qu'ils vont vivre va s'inscrire dans un contexte géographiquedevenu assez classique dans l'épouvante américaine depuis les années 60-70 : lacampagne, les espaces ruraux, mal connus, méprisés, et aussi un peu craints par lescitadins. Ainsi, dans 2000 maniacs (1964) de Herschell Gordon Lewis, desvoyageurs étaient victimes de villageois sudistes affligés d'un sens de la fête trèsspécial ; dans Délivrance (1972) de John Boorman, des touristes sontpersécutés par des cajuns cruels... Surtout, dans Massacre à la tronçonneuse(1974) de Tobe Hooper (que Salva affirme n'avoir pas vu), des texans dégénéréspoussent très loin le culte de la viande rouge ; et dans La colline a des yeux(1977) de Wes Craven, des vacanciers perdus sont les proies d'une tribu de dégénéréscannibales... Toutefois, à cette conception traditionnelle des maniaques ruraux, Jeeperscreepers a rajouté une dimension fantastique.
En effet, le Creeper, personnage redoutable que vont devoir affronter les deux jeunesgens, va nous révéler très progressivement son essence surnaturelle. Le script semontre en effet assez astucieux : tout semble indiquer, dans un premier temps, qu'on aaffaire à un criminel très dérangé, mais néanmoins bien humain. Il roule dans uncamion sinistre, se cache dans une cave où il pratique des hobbies très macabres (onpense à nouveau à Massacre à la tronçonneuse)... Pourtant, son caractèrefantastique va être révélé progressivement. Il s'agit bien, en fait, d'un monstretrès proche des croquemitaines surnaturels qui ont sévi dans les années 80 (Freddy dansLes griffes de la nuit (1984), Jason zombifiés à partir de Meurtres entrois dimensions (1982) de Steve Miner, Candyman (1992)...). On retrouvedonc, sous un très traditionnel maquillage en latex, une créature infernale douée depouvoirs étonnants. Néanmoins, le Creeper se distingue de ses illustres prédécesseurspar son comportement d'une perversité parfois ambiguë : il pratique un baiser profondsur une tête coupée pour ensuite lui arracher la langue à coup de dents, lèche levisage de ses victimes, semble fasciner par leurs odeurs... Tout cela lui donne unedimension assez vicieuse et sensuelle qui joue, comme Freddy en son temps, sur lafascination mêlée de répulsion que ressentent les adolescents pour la sexualité afinde terroriser ses jeunes victimes. Toutefois, les motivations du Creeper souffrent derester bien obscures et confuses. De même certains de ses caractères (invulnérabilité,ses pirouettes dans les airs, certains aspects de son maquillage...) détruisent un peu sacrédibilité et son efficacité.
Durant la première heure du métrage, Salva réussit très habilement à créer uneambiance fort angoissante. En ayant recours à un répertoire assez classique (la grandesilhouette sans visage du tueur, le camion sans pilote visible, le repère sous-terrain ethorrible du monstre...), il compose un univers macabre et inquiétant dont les élémentsne sont révélés que très progressivement (l'exploration du refuge du Creeper est à cetitre une belle réussite). Salva nous implique aussi en nous faisant partager la terreurdes victimes du monstre avec beaucoup de réalisme (le regard du garçon découvert dansle refuge, l'attitude prostrée de Darry après cette exploration...). Très habilement,encore, le chaud et le froid sont soufflés alternativement, en laissant quelques répitsau spectateur afin de mieux le surprendre un peu plus loin. De même, les refugesclassiques du film d'horreur s'avèrent moins surs que d'habitude, ce qui garantit ànouveau un certain effet de surprise : une escorte policière n'est guère une protectionbien efficace, et même le sacro-saint commissariat peut être dévasté (tout celarappelle Hitcher (1986)). Regrettons tout de même que Jeepers creepers dégénèrenettement dans ses dernières séquences : la rencontre avec la femme aux chats donne lieuà des passages quasi-comiques, tandis que le dénouement manque gravement de nerf,malgré son déjà fameux dernier plan, fort réussi. Salva avoue avoir du renoncer àpeaufiner la fin de son film pour des raisons de budget : plus de vingt minutes prévuesinitialement dans la second moitié du métrage n'ont pas pu être tournées.
Jeepers creepers est donc un bon film, notamment grâce à une première heureextrêmement classique et efficace. Arrivé sur les écrans américains en juillet 2001,il a été très bien accueilli par la critique spécialisée qui y a vu le contre-pointde la vague des néo-slahers dérivés de Scream (1996), vague qui était, detoute façon, définitivement (ou momentanément ?) morte au cinéma après la parodie Scarymovie (2000). Il a aussi rencontré un très confortable succès commercial qui aentraîné la rapide mise en chantier d'une suite par Victor Salva.
Bibliographie consultée :