Un savant surprend sa femme en train de le tromper avec le jardinier de leur demeure. Il met ces amants à mort après les avoir torturés très cruellement...
Les amants d'outre-tombe s'inscrit dans le courant de l'épouvante gothiqueitalienne. Il est réalisé par Mario Caiano, artisan (comme il se définit lui-même) quitoucha à un peu tous les genres du cinéma populaire italien des années 1960-70 : péplummythologique (Ulysse contre Hercule (1962)...) ou historique (I duegladiatore (1964)...), western spaghetti (dont il fut un pionnier avec Il segnodel coyote (1963)...), espionnage (Ombre sur le Liban (1966)...), thriller (Milanoviolenta (1976)...)... Il signa Les amants d'outre-tombe (son seul filmrattaché à la mode de l'horreur gothique) sous le pseudonyme d'Allan Grunenwald (Allanen hommage à Edgar Allan Poe ; Grunenwald étant le nom d'un maître de la peinturereligieuse allemande du début du XVIème siècle, notamment célèbre pour le retabled'Issenheim ; cette oeuvre grouille de détails macabres et horrifiques destinés à impressionnerles fidèles fréquentant l'église où il était présenté). Les amantsd'outre-tombe bénéficie de la présence de la star de l'épouvante italienne del'époque : la comédienne d'origine irlandaise Barbara Steele (Le masque du démon(1960) de Mario Bava, Danse macabre (1964) d'Antonio Margheriti...). A sescôtés, on trouve Paul Müller, un comédien suisse qui tourna dans de très nombreuxfilms populaires européens (Les vampires (1956) de Freda et Bava, Lesinassouvies (1969) et de nombreux autres films de Jesus Franco, Un gatto nelcervello (1990) de Lucio Fulci...)...
Sorti en 1965, Les amants d'outre-tombe apparaît au plus fort de lamouvance de l'horreur gothique italienne. Si l'ambiance est, comme il se doit, tout àfait soignée et envoûtante, le récit n'en laisse pas moins une grande place à lacruauté et à la violence. Grâce à la complicité de sa vieille domestique Solange, ledocteur Arrowsmith, un savant porté sur le sadisme, surprend son épouse Muriel,héritère d'une famille fortunée, en train de s'ébattre avec le jardinier de leurpropriété. Après une longue nuit passée à leur faire endurer de pénibles sévices,il tue les deux amants de façon brutale. Hélas pour lui, Muriel lègue,dans son testament, tous ses biens à Jenny, sa sœur mentalement instable. Dénué detout scrupule, Arrowsmith séduit et épouse la jeune affligée, puis la ramène auchâteau, bien décidé à la rendre complètement folle afin d'hériter une fois pourtoute de la luxueuse propriété et des autres biens de la riche famille de ses deuxépouses successives...
Au cœur de cette histoire cruelle, on trouve donc le très sadique professeurArrowsmith. Le premier plan du métrage nous révèle déjà sa jubilation alors qu'il esten train de torturer des animaux, sous prétexte de faire des expériences"scientifiques". De même, lorsqu'il surprend sa femme et son amant, lavengeance du mari bafoué ne sera, manifestement, qu'un prétexte afin de lui permettred'expérimenter les supplices les plus inouïs sur des êtres humains. La premièredemi-heure de Les amants d'outre-tombe est, en vérité, un monument de cruauté
- la cravache d'Arrowsmith laboure profondément le visage du jardinier David, les coups
Ce tandem dément va tourmenter successivement les soeurs Muriel et Jenny, toutesdeux interprétées par Barbara Steele, présente à l'écran quasiment en permanence.Muriel la brune est une femme forte et sensuelle. Eprise de la vie et de l'ivresse dessens, elle se laisse aller sans contrainte à ses pulsions érotiques. Jenny la blonde estune enfant fragile, repliée sur elle-même et timide, à la merci des manipulationsignobles d'Arrowsmith contre lesquelles seul le bon docteur Joyce peut la protéger.Barbara Steele démontre son très grand talent d'actrice en incarnant de manièreextrêmement convaincante les deux personnalités opposées de ces soeurs. La partie secomplique encore quand, sous l'influence du château maudit, Jenny se verra influencée,voire possédée, par le spectre de Muriel qui l'utlisera comme un outil au service de savengeance.
Mettant en scène des personnages intenses et remarquablement interprétés, Lesamants d'outre-tombe séduit aussi par son atmosphère. Baigné par lechef-opérateur Enzo Barboni (Django (1966) de Sergio Corbucci...) dans un noiret blanc d'une parfaite sobriété (imposé néanmoins par des raisons purementéconomiques !), ce film est aussi soutenu par une réalisation sèche et sévère comme uncoup de fouet. L'émotion est en grande partie portée par les magnifiques compositionsd'Ennio Morricone (qui commençait à devenir célèbre grâce à Pour une poignée dedollars (1964), le premier western de Sergio Leone) : si la démesure cruelled'Arrowsmith est illustrée par un ensemble démentiel d'orgues imposantes, la sensualitéet la passion de Muriel passent à travers un morceau romantique, orchestré autour d'uneinoubliable mélodie au piano. Enfin la splendeur décrépie des décors d'un palais duXVIIIème siècle sert d'écrin à ces évènements tragiques, se déroulant au coursde nuits absolument lugubres ou de tristes journées grises.
Devant cet impressionnant faisceau de qualités, on regrettera juste qu'à partir del'arrivée du docteur Joyce au château, le récit semble parfois se ralentir un peu.Heureusement, cela est rattrapé par un final cauchemardesque, où s'affronte une ultimefois, et avec une violence étourdissante, le désir de vengeance des amantsd'outre-tombe et l'abjecte cruauté d'Arrowsmith.
Les amants d'outre-tombe entremêle, avec audace, une cruauté débridée et unérotisme passionné, notamment dans son spectaculaire final. Porté par un style fougueuxet puissant, interprété merveilleusement par Barbara Steele et Paul Müller, il s'agitd'un des specimens les plus intenses et jusqu'au-boutistes de l'épouvante italienne. Ilconnaîtra d'ailleurs un assez bon succès selon les dires son réalisateur. Toutefois,Mario Caiano, malgré une filmographie assez riche, ne fraiera ensuite qu'assez peu avecl'épouvante : citons tout de même le giallo L'occhio nel labirinto (1971), àpropos des méfaits d'une psychopathe. Barbara Steele continuera encore un peu à tournerdes films d'épouvante (La maison ensorcelée (1968) de Vernon Sewell...), mais,lassée de se voir confiner de ce registre qu'elle juge réducteur, elle se fera de plusen pus rare sur les écrans et se détournera du cinéma fantastique (on la retrouveranéanmoins dans Frissons (1975) de David Cronenberg ou Piranhas (1978)de Joe Dante...).
Bibliographie consultée :