Wilbur Whateley, un jeune homme venant de la petite ville de Dunwich, se rend à l'université Miskatonic à Arkham afin d'y examiner un livre très rare appelé le Necronomicon. Il y rencontre Nancy Wagner, une étudiante qui se prend de sympathie pour lui..
Après avoir débuté à la réalisation avec Die, monster, die ! (une vague adaptation de La couleur tombée du ciel), Haller a continué à travailler pour la firme AIP sur des produits destinés à un public adolescent, avec le film de motards Les anges de l'enfer (1967), et The wild racers (1968), à propos d'un pilote de course automobile. Il tourne encore deux drames pour d'autres firmes, puis réalise en Californie, à nouveau pour AIP, ce Dunwich horror inspiré par la célèbre nouvelle de Lovecraft L'abomination de Dunwich. C'est Roger Corman (réalisateur, entre autres, de La malédiction d'Arkham (1963)...) qui en est le producteur. C'est d'ailleurs son compositeur attitré, Les Baxter (La chute de la maison Usher (1960), La chambre des tortures (1961) de Corman...), qui signe la musique très efficace (bien qu'un peu trop grandiloquente) de ce film. Wilbur Whateley est incarné par Dean Stockwell, un acteur qui a commencé sa carrière très jeune (Le garçon aux cheveux verts (1948) de Joseph Losey, Kim (1950) aux côtés d'Errol Flynn...) et qui tourne encore des films aujourd'hui (Blue velvet (1986) de David Lynch, L'idéaliste (1997) de Coppola...). A ses côtés, le vieux Whateley est incarné par Sam Jaffe (Quand la ville dort (1950) de John Huston, Le jour où la Terre s'arrêta (1951) de Robert Wise...), et on trouve aussi Sandra Dee (vedette d'une série de films de plage amorcée par Gidget (1959) ; on l'a aussi vue dans Le mirage de la vie (1959) de Douglas Sirk...), Talia Coppola (la sœur de Francis Ford Coppola : on la rencontre dans Le parrain (1972), Rocky (1976) de Stallone...)...
Si les éléments principaux de L'abomination de Dunwich se retrouve dans ce film, le récit a néanmoins été un peu aménagé. Entièrement axé sur le personnage de Wilbur Whateley, l'histoire nous le présente, au début du métrage, à l'université Miskatonic, alors qu'il tente de consulter le Necronomicon. Il y rencontre une étudiante, Nancy Wagner, qu'il va envoûter par son charme sulfureux et par des moyens magiques ; en fait, il compte bien l'offrir en sacrifice au cours d'un rituel sur Sentinel hill destiné à faire revenir sur Terre son père Yog Sothoth... Armitage, de son côté, a déjà eu vent d'histoires étranges concernant la famille Whateley, et, lorsque Nancy va disparaître mystérieusement dans la région de Dunwich, il mènera son enquête auprès des habitants de la petite ville... Au chapitre des modifications, on note encore que Wilbur ne va pas périr au milieu du récit en tentant de subtiliser le Necronomicon : il sera le personnage central du film de son début à sa fin.
Ainsi, quand à sa fidélité à Lovecraft et à l'esprit de ses textes, Dunwich horror est d'une probité remarquable : il faudra attendre Dagon (2001) de Stuart Gordon pour retrouver une transposition aussi fidèle du mythe de Cthulhu dans un long métrage. Hélas, ce film souffre, par ailleurs, de défauts bien gênants. Tourné en Californie en pleine période hippie, sa réalisation se montre par moment très expérimentale et psychédélique. Certains passages sont à ce titre réussis (l'attaque d'une jeune femme par le frère de Wilbur est très originale et très convaincante...), d'autres sont beaucoup plus discutables : l'orgie hippie qu'aperçoit Nancy dans un rêve est vraiment ridicule et embrassante.
D'autre part, le déroulement des évènements manque parfois de rythme. Dunwich Horror semble vouloir commencer doucement, en révélant petit à petit des éléments inquiétants autour des Whateley ; mais la faiblesse de l'interprétation (Sandra Dee est complètement à côté de la plaque) empêche le spectateur de s'impliquer véritablement dans cette mise en place. Par contre, Dean Stockwell a vraiment le physique de Wilbur Whateley et l'interprète avec sérieux et conviction ; on regrettera juste qu'il en fasse un peu trop dans les scènes de rituel magique... D'autre part, la dernière demi-heure du film, c'est-à-dire l'Abomination elle-même, la cavalcade du frère de Wilbur, n'est pas suffisamment réussie. Haller y fait preuve d'ingéniosité pour restituer les déplacements de ce monstre invisible dans la campagne (rivières aux eaux mouvantes, branches des arbres animés comme par un vent mystérieux...: on pense d'ailleurs à certaines scènes semblables de Rendez-vous avec la peur (1957) de Jacques Tourneur...), mais ces séquences manquent la plupart du temps d'impact et se trainent trop. De même, les rituels vaguement érotiques pratiqués par Wilbur sur Sentinel Hill paraissent s'éterniser de façon ennuyeuse.
Malgré ces défaut évidents, Dunwich Horror intéresse tout de même le spectateur amateur de Lovecraft par sa façon de transposer fidèlement et avec honnêteté le travail de cet écrivain. Tout cela s'éloigne enfin de façon décisive de la mode de l'épouvante gothique. La manière d'inscrire le fantastique dans un cadre relativement contemporain, ainsi que les allusions à des accouplements bestiaux, peut sembler renvoyer à Rosemary's baby (1968) de Polanski ; mais l'originalité des éléments lovecraftiens du récit apportent heureusement une grande dose de singularité. Dunwich Horror est la dernière adaptation de Lovecraft par la firme AIP. Toutefois, au début des années 1970, la série télévisée américaine Night gallery allait s'inspirer à plusieurs reprises du travail de cet écrivain, notamment en adaptant les nouvelles Air froid et Le modèle de Pickman. Mais il faudra attendre Re-animator (1985) de Stuart Gordon pour voir apparaître de nouvelles adaptations de Lovecraft au cinéma. Daniel Haller de son côté va se consacrer essentiellement au tournage de séries télévisées durant le reste de sa carrière (Kojak, K 2000, Supercopter...).
Merci à l'équipe de DeVilDead pour le prêt de ce DVD !
Bibliographie consultée :
- Mad Movies numéro 45 (janvier 1987)
- The lurker in the lobby d'Andrew Migliore et John Strysik ; Armitage House, 2000.
Note : Wilbur Whateley est incarné par Dean Stockwell, un acteur qui a commencé sa carrière très jeune (Le garçon aux cheveux verts (1948) de Joseph Losey, Kim
(1950) aux côtés d'Errol Flynn...) et qui tourne encore des films aujourd'hui (Blue velvet (1986) de David Lynch, L'idéaliste (1997) de Coppola...).
On peut ajouter qu'il a eu une certaine renommée auprès du grand public pour son interpretétion de Al "l'hologramme", dans la série "Quantum Leap" (Code Quantum).