Au XIXème siècle, le capitaine Harry Lewis de la compagnie des Indes affronte une secte d'assassins indiens adorant la sanguinaire déesse Kali...
Au moment où est tourné Les étrangleurs de Bombay, la compagnie britanniqueHammer, qui s'est spécialisée dans le fantastique depuis Le monstre (1955) deVal Guest, enchaîne les triomphes avec Frankenstein s'est échappé ! (1957),Le cauchemar de Dracula (1958)... Réalisateur-vedette de cette firme,Terence Fisher, qui vient de terminer Le chien des Baskerville (1959), estchargé de réaliser ce film d'aventures horrifiques mettant en scène les agissementssadiques d'une secte d'impitoyables Thugs. Si on retrouve, comme de coutume dans les filmsHammer, Bernard Robinson à la direction artistique, Roy Bernard aux trucages etJames Bernard à la musique, c'est la première fois que le chef-opérateur Arthur Grant (Lanuit du loup-garou (1962) de Fisher, La tombe de Ligeia (1965) de RogerCorman...) collabore avec Terence Fisher. Parmi les acteurs, on reconnaît Guy Rolfe (Mr.Sardonicus (1965) de William Castle, Dolls (1986) de Stuart Gordon...),George Pastell (La malédiction des pharaons (1959) de Terence Fisher, Maniac(1963) de Michael Carreras...), Marie Devereux et son célèbre décolleté (Lesmaîtresses de Dracula (1960) de Terence Fisher, Shock corridor (1963) deSamuel Fuller...)...
C'est donc dans cette tradition d'aventures coloniales que s'inscrit Les étrangleursde Bombay de la très britannique firme Hammer. Dans l'Inde colonisée, des caravanesdisparaissent corps et biens sans explication, mettant dans l'embarras les commerçantsanglais. Les troupes de la Compagnie des Indes sont incapables de comprendre ce qui sepasse. Le capitaine Lewis finit par découvrir qu'une secte fanatique est responsable deces massacres et pillages ; mais ses supérieurs sont si bornés qu'il va devoir agir seulcontre ce redoutable péril. Comme la plupart des récits coloniaux de ce genre, il estdifficile de ne pas sentir flotter un léger parfum de racisme déplaisant : au nom deleurs croyances païennes, les indigènes se comportent de manière ignoble ; lessang-mêlés sont des traîtres en puissance ; les indiens cachent leur fourberie haineusederrière une attitude onctueuse et obséquieuse... Toutefois, la Grande-Bretagne aaccordé l'indépendance à l'Inde en 1947, et Les étrangleurs de Bombay sepermet de nombreuses piques contre l'autorité anglaise, notamment à travers ladescription du capitaine Connaught-Smith, bête et inefficace.
Les étrangleurs de Bombay est surtout connu pour ses scènes de torture et decruauté. Il faut reconnaître qu'elles sont assez spectaculaires : yeux crevés, mainsarrachées, pendaisons et strangulations se succèdent sans mollir. Souvent hors-champs,la mise en scène experte de Terence Fisher parvient néanmoins à rendreimpressionnantes ces séquences cruelles. Si leur caractère sanglant est atténué parl'usage de noir et blanc (choisi, dit-on, pour donner un aspect plus documentaire aumétrage...), les maquillages de Roy Bernard soulignent efficacement les orbitesdévastés ou les moignons pathétiques des suppliciés. On apprécie aussi un vrai sens ducadrage en cinémascope, toujours soigné et élégant.
Toutefois, Les étrangleurs de Bombay a du mal a captiver le spectateur,notamment à cause d'un scénario passablement laborieux. Le capitaine Lewis semble bloquédans sa maison pendant une bonne moitié du métrage à cause de la mauvaise volonté deses supérieurs incompétents : cela donne lieu à beaucoup de peu captivants bavardages età un certain manque de rythme. Indéniablement, tout cela manque un peu d'action. Lafaiblesse des moyens se fait aussi parfois cruellement ressentir : le sanctuaire desadorateurs de Kali n'est guère à la hauteur des plus beaux décors de Bernard Robinson (Lecauchemar de Dracula ou Les vierges de Satan (1968)...) et les coins decampagne anglais utilisés pour les extérieurs n'évoquent pas vraiment un paystropical.
Les étrangleurs de Bombay est donc un film agréable, mais qui n'est pas à lahauteur des meilleures réussites de son réalisateur. Après cette oeuvre, celui-cienchaînera rapidement avec Le serment de Robin des bois (1960), une aventure decape et d'épée. Les étrangleurs de Bombay connaîtra un petitsuccès et la Hammer produira ensuite, dans le même style, L'empreinte du dragonrouge (1961) d'Anthony Bushell, dans lequel Christopher Lee (Le cauchemar deDracula...) incarne le chef d'une secte d'assassins chinois à Honk Kong, au début duXXème siècle. Cela mènera au retour du terrible docteur Fu Manchu dans une nouvellesérie inaugurée par Le masque de Fu Manchu (1965), dans lequel ce redoutablecriminel est incarné par Lee. D'autre part, on peut penser que Steven Spielberg et GeorgeLucas se sont souvenus de Les étrangleurs de Bombay pour leurs adorateurs deKali dans Indiana Jones et le temple maudit (1985)...
Bibliographie consultée