John Klein, un journaliste réputé vivant à Washington, perd sa femme suite à un mystérieux accident de voiture. Deux ans plus tard, il arrive dans la petite ville de Point Pleasant où des évènements étranges se multiplient...
La prophétie des ombres est l'adaptation d'un livre de John A. Keel relatant des évènements qui se sont déroulés dans une petite ville de Virginie occidentale à la fin des années 60 : cette série de faits étranges s'était conclue par l'effondrement accidentel (?...) d'un pont suspendu surchargé de voitures le jour de noël. Le scénario rend d'ailleurs hommage à cet écrivain à travers le personnage de Leek, investigateur spécialisé dans l'étude des faits surnaturels. La réalisation est assurée par Mark Pellington : celui-ci a débuté au début des années 90 dans le domaine du vidéo-clip avant de commencer à travailler pour la télévision ; puis, il tourne pour le cinéma Going all the way (1997) (à propos de deux jeunes gens revenant de la guerre de Corée), projeté au festival du cinéma indépendant de Sundance ; mais c'est surtout le thriller Arlington road (1999), interprété par Jeff Bridge et Tim Robbins, qui attire l'attention sur son travail et lui apporte l'opportunité de diriger La prophétie des ombres. C'est Richard Gere (American gigolo (1980) de Paul Schrader, Pretty woman (1990)...) qui y tient le rôle principal, entouré par Laura Linney (Congo (1995) de Frank Marshall, The Truman show (1998) de Peter Weir...), Alan Bates (Le messager (1970) de Joseph Losey, Gosford park (2001) de Robert Altman...)...
Dans La prophétie des ombres, il incarne John Klein, un journaliste dont lafemme meurt peu de temps après un étrange accident de voiture : à l'hôpital où elle apassé ses dernières journées, il semble qu'elle était hantée par la vision d'uneétrange créature dont la forme évoque un "homme-papillon". Deux ans après,alors qu'il voyage en voiture de nuit, John Klein se retrouve dans la petite ville dePoint Pleasant, bien loin de l'endroit où il comptait arrivé. Il découvre que certainshabitants y sont témoins d'évènements inexplicables. Rapidement, John découvre desconnexions entre la mort de sa femme et cette ville : il décide d'y rester pour y menerses recherches. Le récit de La prophétie des ombres se révèle donc dans latradition des enquêtes de la série TV Aux frontières du réel : coups de filmystérieux, personnages victimes de black out incompréhensibles, apparitions nocturnes,prémonitions d'évènements à venir... On baigne donc dans la parapsychologie la pluspure.
Pourtant, le scénario développe des idées originales qui vont éviter à Laprophétie des ombres d'être une simple copie des dossiers X. Ainsi, Ce récit varefuser de fournir des éléments expliquant clairement les faits mystérieux : lesindices vont s'accumuler, mais ils n'aboutiront qu'à un ensemble de plus en plusincohérent (alors que d'autres auraient pu y coller des intrigues ufologiques ouconspirationnistes). John Klein, journaliste de formation, va suivre toutes les pistespossibles ; rendu très perceptif aux phénomènes inexpliqués suite au décès de safemme, dont il est incapable de faire le deuil, il sera entraîné dans un labyrinthe derévélations contradictoires. Obsédé par l'interprétation de signes qui semblentannoncer le futur, témoins de nombreux phénomènes inexpliqués qui paraissent lesolliciter, il va en venir à penser que le cours des évènements menant le Monde estsous-tendu par un réseau de d'êtres mystérieux et de phénomènes dépassant la champsde la perception humaine normale. Tout cela est, au fond, assez Lovecraftien ! Pourtant,son enquête ne le mènera pas à une meilleure compréhension de l'univers, bien aucontraire. Leek, un ancien spécialiste de l'étude du paranormal, ainsi que la shérif dePoint Pleasant, tentent de faire admettre à John qu'il est en train de tomber dans unpiège : en tentant de démêler les fils du destin, y compris dans ce qu'il a de plustragique et de de plus mystérieux, il s'enferme au cur d'un cercle vicieux ets'éloigne définitivement du bonheur. Ainsi, La prophétie des ombres parvient,à travers le portrait touchant et désespéré de John Klein, à accéder au rang d'unefable méditative sur la difficulté à accepter un destin tragique, imposé etinéluctable.
Le travail sur l'atmosphère est, lui aussi, réussi. A la manière de Sixième senset de Le silence des agneaux (1991), l'action s'inscrit dans un cadre tout àfait réaliste, qu'une réalisation parfois habile imprègne d'une touche fantastique.Petite ville blottie au cur d'un hiver bleu et blanc, usine massive, lourdsbâtiments néo-classiques, autoroutes, pavillons cossus... : Pellington, aidé par lasuperbe photographie de Fred Murphy (Les gens de Dublin (1987) de John Huston, Hypnose(1999) de David Koepp...), parvient à créer une ambiance mélancolique dont sourd unsurnaturel discret et envoûtant. A ce titre, il rend nettement hommage à la série TV TwinPeaks de David Lynch (la lampe grésillant à l'approche d'un phénomène surnaturelest très lynchienne, le feu de signalisation se balançant au dessus d'un croisement...).Ce travail délicat est renforcé par un refus des scènes-chocs (à l'exception,parfaitement justifiée, de la très spectaculaire conclusion du métrage) et par unebande-son habilement composée de bruitages industriels très réussis.
Hélas, la réalisation de Pellington souffre parfois d'une inventivité mal canalisée etde débordements un peu lassants (notamment avec certains cadrages et effets de montagetarabiscotés). Mais le plus gênant reste tout de même un embarrassant manque de rythme,renforcé par une réalisation, on l'a vu, par moment chaotique. Le récit semble beaucoupse répéter, avec tous ses coups de téléphone mystérieux, et, par endroit, Laprophétie des ombres semble vraiment trop désarticulé et ennuyeux. De même, lafin pêche un peu par un happy end (assez trompeur toutefois) trop prévisible et enrupture avec le reste du film. L'interprétation n'est pas toujours très convaincante :seules les rares apparitions d'Alan Bates semble élever le niveau dans ce domaine.
La prophétie des ombres ne manque donc pas de défaut. Néanmoins,l'originalité de son sujet et de son traitement en font un film tout à fait digne d'uneconsultation attentive par les amateurs de cinéma fantastique. Toutefois, il ne rencontrapas vraiment un accueil favorable auprès du public, que ce soit aux USA ou en France.
Bibliographie consultée :
L'écran fantastique numéro 220 (avril 2002)