Trois malfrats terrorisent Suzy, une jeune femme aveugle, afin de retrouver une poupée remplie d'héroïne cachée chez elle...
Seule dans la nuit est l'adaptation cinématographique de la pièce de théâtre Wait until dark, écrite par Frederick Knott et lancée avec succès à New York en 1966. Néanmoins, les acteurs de la version théâtrale ne participe pas au film, à l'exception de la petite Julie Herod qui interprète Gloria : ce sera sa seule apparition au cinéma. Seule dans la nuit a été réalisé par Terence Young, alors surtout connu pour avoir tourné trois des quatre premiers James Bond : James Bond contre docteur No (1962), Bons Baisers de Russie (1963) et Opération tonnerre (1965), trois oeuvres qui ont posé les bases de cette fameuse série, ainsi que celles de tous ses sous-produits en provenance du monde entier : OSS 117 se déchaine (1963) d'André Hunebelle, Agente 003, operación Atlántida (1965) de Domenico Poalella... Seule dans la nuit est avant tout un véhicule employé pour mettre en valeur la star Audrey Hepburn, et, notamment, pour lui permettre de rompre avec les comédies sentimentales (Vacances romaines (1953) de William Wyler...), et musicales (My fair lady (1964) de George Cukor...) ainsi que les drames romantiques (Vertes demeures (1958) de Mel Ferrer...) qui composaient l'essentiel de sa filmographie. Avec ce thriller effrayant, elle tentait de tourner le dos à son image sucrée de vedette charmante et chantante, habillée par Givenchy, que des œuvres comme Drôle de frimousse (1957) de Stanley Donen avaient imposée. Seule dans la nuit a été produit par Mel Ferrer, qui était alors le mari d'Audrey Hepburn. Aux côtés de cette actrice, on trouve Richard Crenna (Un flic (1972) de Jean-Pierre Melville, le colonel Trautman de Rambo (1982) avec Sylvester Stallone...) et, surtout, dans le rôle du plus psychopathe des agresseurs, Alan Arkin (Sherlock Holmes attaque l'Orient Express (1976), Edward aux mains d'argent (1990) de Tim Burton...).
Par bien des aspects, Seule dans la nuit évoque des classiques du cinéma de suspens qui l'ont précédé. On retrouve l'emploi oppressant du huis-clos, comme dans La corde (1948) ou, surtout, Le crime était presque parfait (1954) d'Alfred Hitchcock, ainsi que l'idée de la duplicité des apparences et de la manipulation, comme dans L'ombre d'un doute (1943) ou Sueurs froides (1958) du même réalisateur. Ici, la cécité du personnage principal enrichit cette notion de manipulation : le spectateur voit tout ce qu'elle ne voit pas, comprend les manœuvres des truands dont Suzy est inconsciente. Ainsi, une des scènes les plus efficaces est l'arrivée de Suzy dans son appartement : se croyant seule, elle le traverse sans se rendre compte que les dangereux tueurs se tiennent, silencieux, à quelques centimètres d'elle. Dans le même sens, les trois voyous vont organiser des mises en scène pour abuser Suzy, et mettre au point des stratagèmes mensongers afin qu'elle leur livre la poupée. Le spectateur sera parfaitement conscient des tromperies, alors que la jeune aveugle sera souvent dupée. Le suspens de Seule dans la nuit fonctionne donc sur le vaste décalage entre ce que perçoit Suzy et ce que sait le spectateur, qui a toujours une longueur d'avance sur elle. Néanmoins, toute cette partie manipulatrice du récit est tout de même fort laborieuse. Mis en scène sans aucune imagination, Seule dans la nuit semble être resté beaucoup trop proche d'un spectacle de théâtre, avec unité de lieu et de temps, coincé dans le petit décor de l'appartement de Sam et Suzy. L'action stagne dans de longs bavardages tandis que les invraisemblances s'accumulent : on peut trouver Suzy souvent très naïve, et les plans des truands bien inutilement compliqués.
Le dernière demi-heure de Seule dans la nuit bascule nettement dans l'horreur. Le psychopathe Roat, les yeux dissimulés par des lunettes rondes et noires et les mains protégées par des gants en caoutchouc, va traquer Suzy dans l'appartement. Alan Arkin, dans le rôle de ce sadique vénéneux, est tout à fait savoureux. On assiste donc à un huis-clos cruel, évocant aussi bien la fin de Les mains qui tuent que Le crime était presque parfait : une jeune femme sans défense affronte un tueur impitoyable bien décidé à avoir sa peau. Évidemment, la cécité de Suzy rend la situation assez originale, et elle va devoir aller chercher en elle de vastes ressources de courage et d'invention.
Pourtant ce final, plutôt réussi, arrive beaucoup trop tard, après plus d'une heure de scènes fastidieuses et assez ennuyeuses. Il ne parvient pas à sauver Seule dans la nuit de sa médiocrité et de ses longueurs. Ce film valut une nomination aux oscars à Audrey Hepburn (elle avait déjà gagné cette récompense pour Vacances romaines en 1953). Mais, suite à ce tournage, elle divorcera de son mari Mal Ferrer et mettra un terme à sa carrière d'actrice hollywoodienne, à l'âge de 38 ans. Elle ne reviendra au cinéma qu'avec La rose et la flèche (1976) de Richard Lester, dans lequel elle forme un couple émouvant avec Sean Connery qui interprète un Robin des Bois vieilli.