Ash a été précipité par les démons du Necronomicon dans le passé. Il se retrouve donc en 1300, dans un moyen âge légendaire, parmi des chevaliers luttant contres les puissances démoniaques...
Derrière le titre L'armée des ténèbres se cache en fait le troisième volet de la série des Evil dead, réalisée par Sam Raimi. Il se situe donc à la suite d'Evil dead (1982) et d'Evil dead 2 (1987). Après ce dernier, Raimi a tourné l'excellent Darkman (1990), rencontre mélodramatique entre La fantôme de l'opéra et le cinéma de super-héros. Puis, le projet d'un troisième Evil dead est annoncé. En fait, l'idée d'envoyer Ash dans un univers d'heroic fantasy trottait déjà dans la tête de Sam Raimi juste après Evil dead. Mais faute d'un budget suffisant, il décida de faire d'Evil dead 2 un remake amélioré du premier volet, en attendant que des circonstances plus favorables lui permettant de concrétiser son idée. Pour L'armée des ténèbres, Raimi choisit de s'associer à nouveau avec le producteur italien Dino De Laurentiis, leur collaboration sur Evil dead 2 s'étant fort bien déroulée. Les effets spéciaux sont majoritairement conçus par l'équipe KNB, dont les trois dirigeants avaient déjà travailler sur Evil dead 2. L'illustrateur Tom Sullivan, surtout connu pour son travail sur la gamme de jeu de rôles L'appel de Cthulhu chez Chaosium, et qui s'était chargé des maquillages d'Evil dead, revient, comme pour Evil dead 2, afin de concevoir et d'animer le Necronomicon. Comme dans les deux précédents volets, Robert Tapert se charge de la gestion de la production du film, tandis que Bruce Campbell reprend le rôle principal de Ash. A ses côtés, on trouve Marcus Gilbert (Biggles (1986) de John Hough, Rambo III (1988) de Peter McDonald...) et Embeth Davidtz (The hole (2001) de Nick Hamm, 13 fantômes (2001) de Steve Beck...), ainsi qu'une ribambelle de guest-stars venant faire un peu de figuration : Bridget Fonda (La résurrection de Frankenstein (1990) de Roger Corman, Un plan simple (1998) de Sam Raimi...), Charlie et Don Campbell (respectivement père et frère de Bruce Campbell), Ted et Ivan Raimi (frères de Sam Raimi), les réalisateur William Lustig (Maniac (1980), Maniac cop (1988)...) et Bernard Rose (Paperhouse (1988), Candyman (1992)...)...
Avec L'armée des ténèbres, Sam Raimi voulait, tout en poursuivant la série des Evil dead, aborder une nouvelle forme de cinéma, plus familiale et populaire que l'horreur gore : le film d'aventures. Déjà, Darkman, bien que contenant des éléments d'inspiration clairement horrifique, était en fait un film de super-héros, une oeuvre bien plus proche de Superman (1978) de Richard Donner que de Zombies (1978) de George Romero. Dans L'armée des ténèbres, on retrouve certains gimmicks de la série des Evil dead, tout à fait conformes à l'imagerie du cinéma d'épouvante : démons, possédés, tronçonneuse, et, bien sûr, le grimoire du Necronomicon. De même, certains aspects se réfèrent directement aux classiques de la Universal des années 30, que ce soit le décor du moulin et la résurrection d'Evil Ash, dans la grande tradition du Frankenstein (1931) de James Whale, ou bien Sheila qui, une fois possédée, retrouve l'allure électrisée d'Elsa Lanchester dans La fiancée de Frankenstein (1935) du même réalisateur. Pourtant, les références les plus directement identifiables dans le récit sont à chercher du côté des films d'aventures dont les effets spéciaux étaient conçus par Ray Harryhausen, comme Le septième voyage de Sinbad (1958) de Nathan Jura et Jason et les argonautes (1963) de Don Chaffey, deux uvres dont Raimi revendique l'influence pour L'armée des ténèbres. L'atmosphère générale du film tire clairement vers la littérature médiéval-fantastique, que ce soit les romans de la Table Ronde par Chrétien de Troyes, Le seigneur des anneaux de Tolkien ou, surtout, Conan, guerrier toujours prêt à batailler avec des armées de revenants décharnés, inventé par Robert Howard.
Dans L'armée des ténèbres, Sam Raimi introduit de nombreux éléments comiques, bien plus que dans les deux précédents Evil dead. Cela n'est ni illogique, ni mercantile : il faut bien se rappeler qu'il a toujours avoué que son genre de prédilection est la comédie burlesque, et qu'il a tourné le film d'horreur Evil dead avant tout parce que son ami et producteur Robert Tapert jugeait le genre très rentable au début des années 80. Une grande part des traits humoristiques vont découler du décalage entre le personnage de Ash, américain grossier, inculte et arrogant, et l'univers grandiose, médiéval et courtois dans lequel il se retrouve projeté : de nombreux gags vont alors évoquer, par exemple, Monty Python : sacré Graal ! (1975) de Terry Jones et Terry Gilliam, parodie des exploits du roi Arthur et de ses chevaliers.
Dans ses meilleurs passages (le moulin, la découverte du Necronomicon, le réveil des morts...), L'armée des ténèbres retrouve la veine poético-burlesque qui faisat la grande réussite d'Evil dead 2. Ash affronte des répliques miniatures de sa personne, qui le tourmentent comme dans un dessin animé de Tom et Jerry, lui tendent des pièges, le ligotent à la manière d'un Gulliver... Puis, Ash va devoir affronter son double siamois, qui va se détacher de lui, dans un combat particulièrement burlesque. De même, lorsque les morts de la nécropole vont se réveiller, projetant leurs pierres tombales dans les airs, les mains décharnés qui surgiront du sol s'appliqueront à fourrer cruellement leurs doigts dans les trous de nez de Ash ! Grâce à l'interprétation hyper-physique de Bruce Campbell, à une bande-son empruntant ouvertement au répertoire des dessins animés (des clochettes résonnent quand un personnage se fait frapper sur le crâne...) et à la réalisation toujours aussi dynamique et inventive de Sam Raimi, le milieu du métrage est tout à fait à la hauteur des meilleures séquences de la série des Evil dead.
L'armée des ténèbres se termine sur une bataille rangée entre une armée de squelettes et des guerriers humains, agrémentée de monstres en tout genre et de machines de guerre délirantes. Cette séquence, véritable rêve de joueur de Warhammer, s'inspire autant des peintures réalisées par Frank Frazetta pour les livres de Conan que des guerriers-squelettes de Le septième voyage de Sinbad et, surtout, de Jason et les argonautes. Pourtant, On peut trouver que cette séquence laisse un peu à désirer, notamment à cause d'effets spéciaux assez inégaux, avec des des squelettes à l'animation parfois bien hésitante, ou des transparences à l'éxécution décevante. Paradoxalement, on regrette les effets spéciaux des deux autres Evil dead qui étaient, certes, moins onéreux, mais réalisés avec beaucoup plus de soin. Ici, il y a parfois une certaine impression de bâclage. Heureusement, le rythme et l'humour de l'ensemble finissent par faire oublier ces quelques défauts.
L'armée des ténèbres reste donc une réussite, un mélange résolument original et inédit de fantastique horrifique, de burlesque et d'aventures, combinés ici avec beaucoup de bonheur. Pourtant, il reçut un accueil plutôt mitigé. Les fans des précédents Evil dead firent preuve d'une certaine étroitesse d'esprit, certains allant jusqu'à reprocher à Sam Raimi de trahir le genre de l'horreur gore. De plus, L'armée des ténèbres sort à un moment où les modes de l'épouvante saignante (Re-animator (1985), Evil dead 2...) et de l'heroic fantasy (Conan le barbare (1982) de John Millius, Dar l'invincible (1982) de Don Coscarelli...) sont révolues. : le succès public n'a donc pas non plus été au rendez-vous.
Sam Raimi ne se laisse pas démonter pour autant, et il diversifie ses activités. On le retrouve producteur de Chasse à l'homme (1993), premier long métrage réalisé par John Woo (A toute épreuve (1992), Volte/face (1997)...) aux États-Unis. Surtout, il inaugure une carrière de producteur pour la télévision avec deux téléfilms : Hercule et les amazones (1994) et Hercule et le royaume oublié (1994), qu'on peut considérer comme les successeurs logiques de l'expérience médiéval-fantastique de L'armée des ténèbres. Ensuite, les séries TV Hercule et Xena la guerrière sont lancées, avec un très grand succès. Néanmoins, Raimi reviendra, en tant que réalisateur de cinéma, là où on ne l'attendait pas du tout : dans le domaine du western, avec Mort ou vif (1995), interprété par Sharon Stone et Gene Hackman. Mais c'est encore un échec commercial et critique, et il faudra attendre trois ans pour voir arriver Un plan simple (1998), superbe film noir, version sensible et intelligente du Fargo (1996) des frères Coen (par ailleurs amis de Sam Raimi) : c'est encore une déception financière, mais la critique est globalement très positive. Raimi confirme ensuite son goût pour les expériences risquées en tournant un drame sportif dans le milieu du base Ball, Pour l'amour du jeu (1999), une assez grosse production avec, en vedette, un Kevin Costner (Danse avec les loups (1990)...) dont la carrière était alors nettement sur le déclin : encore un bide ! Sam Raimi va alors revenir au fantastique avec le thriller surnaturel Intuitions (2000), dans la lignée de Sixième sens (1999) de M. Night Shyamalan.