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Dans une banlieue tranquille d'une ville américaine, quatre adolescents font des cauchemars dans lesquels apparaissent le même personnage menaçant : un homme au visage brûlé, portant un gant équipé de quatre lames. Un jour, un de ces adolescents est assassiné...



Entre La créature du marais (1982) et Les griffes de la nuit (1984), Wes Craven (Scream (1996)...) commence à tourner La colline a des yeux 2 (1985), à la demande des distributeurs anglais de la vidéo de La colline a des yeux (1977). Mais, suite à des problèmes de production, le tournage n'est pas mené à son terme. Finalement, le matériel sera monté, en y insérant des extraits du premier volet, et sorti aux USA en 1985. Craven parvient ensuite à convaincre le producteur Robert Shaye de produire, pour la petite compagnie New Line, le script qu'il a écrit pour Les griffes de la nuit. Il s'agit d'un scénario que lui a inspiré son intérêt pour les cauchemars (à un moment de sa vie, il les relatait, par écrit, à son réveil). Plus tard, il déclarera que son inspiration pour ses films fantastiques lui venait avant tout de ses propres rêves. Le budget de Les griffes de la nuit est modeste pour un film à effets spéciaux (1,8 millions de dollars) et le tournage est très rapide, si bien que Craven fera appel à son ami Sean S. Cunningham (producteur de La dernière maison sur la gauche (1972) de Craven et réalisateur de Vendredi 13 (1980)...) pour tourner une des scènes oniriques avec une seconde équipe. Au casting, on reconnaît quelques habitués des petites productions horrifiques : John Saxon (La fille qui en savait trop (1963) de Mario Bava, Opération Dragon (1973) avec Bruce Lee, Ténèbres (1982) de Dario Argento...) et, dans le rôle de Freddy, Robert Englund (Le crocodile de la mort (1978) de Tobe Hooper, la série TV V...)... Le rôle principale est tenue par Heather Langenkamp, qui n'avait auparavant tourné que pour la télévision et dans deux films de Coppola : Outsiders (1983) et Rusty James (1984). A ses côtés, débute Johnny Depp (La neuvième porte (1999) de Roman Polanski, Sleepy Hollow (1999) de Tim Burton...) , qui avait auparavant fait seulement de la télévision, et ne deviendra véritablement connu qu'à partir de la série TV 21 Jump street en 1987.
La première moitié des années 1980 avait vu, suite aux succès de Halloween (1978) de Carpenter et de Vendredi 13 de Cunningham, une déferlante de slashers en provenance des USA, destinés à un public adolescent. Invariablement, un tueur masqué massacrait à l'arme blanche des jeunes rassemblés, pour une occasion festive, dans un lieu clos : citons, à titre d'exemple, Le bal de l'horreur (1980) de Paul Lynch (un canadien), Carnage (1981) de Tony Maylan, Meurtres à la saint-Valentin (1981) de George Mihalka, Déments (1982) de Jack Sholder... Le cas échéant, les séries avaient un succès suffisant pour donner lieu à des suites : on a ainsi Halloween II (1981) de Rick Rosenthal, ou Vendredi 13, chapitre final (1984), quatrième du nom. Les tueurs des séries les plus célèbres deviennent alors de véritables icônes de la culture populaire, comme Michael Myers de Halloween, ou Jason Voorhes de la série Vendredi 13, véritables successeurs, dans le cœur des jeunes américains, de Dracula ou de King Kong. Avec Les griffes de la nuit, Craven propose un scénario somme toute assez comparable à ceux des slashers traditionnels : un tueur sadique harcèle cruellement et brutalement une bande de jeunes gens habitant dans une banlieue américaine aisée, style de décor dans lequel s'inscrivait déjà des œuvres comme Halloween ou le film de maison hantée Poltergeist (1982) de Tobe Hooper.

Pourtant Craven propose au sous-genre du slasher, a priori un peu ingrat, un total renouvellement. En effet, son tueur, Fred Krueger, n'intervient plus dans la cadre de la réalité, mais dans celui des rêves de ses jeunes victimes. Il les agresse dans leurs cauchemars, pendant leur sommeil, et non dans leur vie éveillée et quotidienne. On s'en doute, cela va permettre à Wes Craven toutes les audaces en matière de mise en scène onirique et fantastique. Les séquences de meurtres donnent lieu à des trouvailles surréalistes, baignées par une inquiétante atmosphère expressionniste, soulignant la vulnérabilité et l'isolement des victimes, perdues dans leurs mondes mentaux. Cela engendre des scènes remarquablement réalisées et très impressionnantes, à la fois poétiques et cruelles, illustrées par des trucages maintenant célèbres : Tina est entraînée au plafond de sa chambre et déchiqueté par un Freddy invisible aux yeux de son petit ami éveillé ; Nancy se noie dans une baignoire sans fond, ou tente de grimper un escalier dont les marches ont la texture de sables mouvants ; et, surtout, Glen est avalé par son lit et recraché sous la forme d'un ahurissant torrent de sang... Pourtant, le mode d'agression onirique de Freddy n'est pas seulement le prétexte à des mises en scène poétiques et à des trouvailles visuelles fantastiques qui arriveraient dans le plus grand désordre. Les griffes de la nuit est construit de façon très solide, en articulant de manière rigoureuse les rapports entre l'univers des rêves et la réalité. Par exemple, Nancy va se rendre compte que la nature de Freddy est telle que, si il peut tuer les dormeurs dans leurs sommeils, il peut aussi être ramené dans le monde réel par un rêveur rusé qui sera réveillé au bon moment. Ainsi, les rapports entre le monde des rêves et la réalité sont régis par des règles strictes, donnant lieu à une narration, riche, originale et néanmoins solide.

A travers le personnage de Freddy, Craven illustre en fait l'inconscient souterrain et caché d'un quartier apparemment tranquille et prospère d'une banlieue américaine. Comme Michael Myers dans Halloween, ses crimes sont en fait l'écho d'une tragédie sombre qui a ensanglanté cette ville des années auparavant, et que les adultes ont bien pris soin d'escamoter. Fred Krueger, un sadique tueur d'enfants, avait été arrêté, puis relâché par la police suite à un vice de procédure : les parents du quartier ont alors lynché cet homme et l'ont jeté vif dans une chaudière. Les adolescents ignorent ce drame, mais, ils connaissent quand même la sinistre comptine de Freddy, sous la forme de laquelle a survécu le souvenir de cet assassin. A travers la citation du Hamlet de Shakespeare pendant un cours d'un philosophie (on pourrait dire : "Il y a quelque chose de pourri à Elm Street..."), Craven invite les spectateurs et ses héros à fouiller les zones sombres de leurs passés et de leurs consciences, afin de pouvoir affronter les monstres qui leur rendent la vie impossible et, en fin de compte, les vaincre. C'est bien ce qu'a l'intention de faire Nancy, le personnage central du film, richement développé par le récit et fort bien interprété par Heather Langenkamp. Mais les adultes, névrosés, manipulateurs ou alcooliques, préfèrent garder enterrer leurs secrets, et se refusent à regarder leur passé en face ou à faire confiance à leurs enfants en écoutant attentivement ce qu'ils ont à dire. Les interventions des parents, cherchant à sur-protéger leurs enfant, seront toujours catastrophiques et ne feront que faciliter la tâche macabre de Freddy.

Freddy appartient à la catégorie des sadiques pervers dont la cruauté hante, dans La dernière maison sur la gauche (dont le chef des violeurs s'appelait déjà Krug !) et La colline a des yeux, la filmographie de Craven. Ce personnage se divertit, sans aucune préoccupation morale, de la souffrance des autres. Sa saleté et sa laideur contrastent fortement avec l'univers quotidien et aseptisé dans lequel vivent les personnages de Les griffes de la nuit. Encore une fois, Craven n'escamote pas la perversité sexuelle de ce personnage : les blagues qu'ils lancent à ses victimes ne sont pas des traits d'esprit, mais plutôt des injures grivoise. De même ses mimiques obscènes et ses interventions nettement érotiques (sa main qui surgit dans la baignoire entre les jambes de Nancy, l'apparition de sa langue sortant du téléphone...) soulignent le fait que la violence de Freddy est à la fois physique, mentale (il s'amuse à piéger ses proies...) et sexuelle, ce qui est une grande nouveauté par rapport aux habituels tueurs monolithiques et souvent dénués de motivations réelles qu'on croisait dans la grande majorité des slashers américains.

Pourtant, Les griffes de la nuit souffre aussi de défauts. Si Nancy et ses parent sont des personnages bien développés, ses amis souffrent d'une caractérisation psychologique très légère, qui ne les fait guère dépasser le stade des adolescents sans épaisseur qui tombent sous les coups de machette de Jason dans les Vendredi 13. On peut aussi trouver que le film, après un démarrage sur les chapeaux de roue, souffre d'une seconde partie un peu trop lente et bavarde. La fin, idiote et illogique, a été imposée par la New Line à Wes Craven. En principe, le film devait se conclure par la sortie de Nancy devant sa maison, en plein milieu d'une belle journée ensoleillée. Mais, le producteur a insisté pour que Les griffes de la nuit se termine sur un épilogue horrifique et "inattendu", annonçant que la mal n'a pas été vaincu et que Freddy peut revenir dans une séquelle. Hélas, cette conclusion arrive complètement en rupture la narration solide et originale que Wes Craven a habilement et rigoureusement employé dans le film, et cette fin n'évoque qu'un de ses épilogues idiots et gratuits qui concluent les épisodes de la série Vendredi 13.

Les griffes de la nuit va alors connaître un excellent accueil critique et public à travers le monde. Il recueille un prix au festival du film fantastique d'Avoriaz, et rapporte 25 millions de dollars à ses producteurs. La mode des slasher, un peu en perte de vitesse après la frénésie du début des années 1980, va repartir. Surtout, la New Line va aussitôt mettre en route une séquelle, le très nul La revanche de Freddy (1985) de Jack Sholder (Déments...), que Craven refusera de réaliser, jugeant le scénario trop faible. Néanmoins la série des Freddy allait se prolonger jusqu Freddy sort de la nuit (1994), septième épisode, marquant le retour de Wes Craven comme réalisateur. Avec Les griffes de la nuit, Craven va être considérer comme un grand nom du cinéma d'épouvante, tandis que Robert Englund, l'interprète de Freddy, va devenir, avec Jeffrey Combs (Re-animator (1985)...), une des rares vedettes de l'horreur à émerger en ces temps de tueurs masqués et anonymes. Après Les griffes de la nuit, Craven va se consacrer à deux films de science-fiction horrifique pour la télévision : Invitation pour l'enfer (1984) et Terreur froide (1985).

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Les griffes de la nuit !
■ Docteur Clarendon 16/08/2003
Le film type pour les ados du milieu des années 80. Un bon souvenir mais je suis sûr que mon avis changerait beaucoup à l'heure actuelle ! Après ce film il y en a eu toute une série à peu près égal dans l'ensemble. Je me souviens plus particulièrement du III ou freddy découpait un maître de Donjons et Dragons alors qu'il hante les rêves des ados... ceux-ci tentant de lutter contre le sommeil, se suicidant ou affrontant Freddy avec leurs rêves les plus fous... comme ce maître de jeu utilisant les bons vieux sorts de mago niveau I et finissant en charpie ! Une série devenue classique dans la lignée de Halloween ou de massacre à la tronçonneuse.
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