TocCyclopédie ■ Époques

A Paris, Trekolvsky, un employé discret, d'origine polonaise, s'installe dans un petit appartement, dont la locataire précédente, Simone Choule, s'est suicidée. Progressivement, il en vient à penser que ses voisins complotent contre lui.



Le film noir rétro Chinatown (1974) a été le grand retour en grâce de Polanski aux USA. Il tente ensuite, sans y parvenir, de mettre en route un film de corsaires à grand budget, qui aboutira plus tard sous le titre de Pirates (1986). Il retourne alors à Paris pour y filmer Le locataire, troisième volet de sa trilogie des villes, après Repulsion (1965) tourné à Londres et Rosemary's baby (1968) réalisé à New York. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de Roland Topor, que Polanski a découvert dès 1965, mais dont il a reporté l'adaptation pendant des années à cause de similtudes trop évidentes avec Répulsion et Rosemary's baby. Le scénario est écrit par Polanski avec son complice Gérard Brach (Repulsion, Le bal des vampires (1967)...). La belle musique mélancolique du film est de Philippe Sarde (Les choses de la vie (1967) de Claude Sautet, Deux hommes dans la ville (1973) de José Giovanni...). C'est Roman Polanski qui interprète lui-même Trekolvsky. A ses côtés, on reconnaît Shelley Winters (La nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton, Lolita (1962) de Stanley Kubrick...) et de nombreux comédiens français : Isabelle Adjani (Nosferatu, fantôme de la nuit (1979) de Werner Herzog...), Bernard Fresson (Hiroshima mon amour (1959) d'Alain Resnais...), Josiane Balasko (Le père noël est une ordure (1982) de Jean-Marie Poiré...)...
Roman Polanski de Rosemary's baby à Le locataire

Rosemary's baby est un triomphe public, et Polanski devient un des réalisateurs les plus en vue du monde du cinéma. Mais, en 1969, sa femme, enceinte, et plusieurs de leurs amis, sont assassinés alors qu'il était en voyage pour son travail. La presse à sensation se déchaîne, l'accusant même de s'être livré à des messes noires ! Il sera rapidement innocenté par un témoignage qu'il effectue sous sérum de vérité. On découvre un peu plus tard que le massacre a été commis gratuitement par une communauté hippie, dirigée par Charles Manson, déjà condamné pour meurtre auparavant. Polanski quitte les Etats-Unis, et tourne en Europe un Macbeth (1971) brutal, d'après Shakespeare. Puis, il tourne Quoi ?, une transposition étrange de Alice aux pays des merveilles de Lewis Caroll dans l'Italie contemporaine. Ces deux films sont mal accueillis. Il retourne à Hollywood où il réalise, en 1974, Chinatown avec Jack Nicholson (Shining (1980) de Kubrick...), un hommage aux films noirs américains des années 1940, qui lui vaut un grand succès critique et public. Il repart ensuite à Paris pour y réaliser Le locataire.

Le locataire

Le locataire est donc la troisième partie de la trilogie que Polanski a consacré à la paranoïa dans les grandes villes, après Repulsion et Rosemary's baby. On y retrouve donc un thème cher à Polanski : celui du personnage persécuté (thème qui apparaitra aussi dans des thrillers comme Frantic (1988) et La neuvième porte (1999)...). Pourtant, ce sentiment de persécution peut être en partie imaginaire, et trouver sa source dans une personnalité fragile plongée dans un environnement angoissant : ce sera le cas de la jeune fille de Repulsion, dont les angoisses seront le fruit de son seul inconscient terrifié. Dans Rosemary's baby, au contraire, la révélation finale nous montre que les craintes de Rosemary étaient on ne peut plus fondées. Le locataire, de son côté, va laisser planer l'ambiguïté pendant une grande partie du métrage. Il propose une vision très kafkaïenne de Paris et de la vie du petit employé Trekolvsky : sa lente mutation, aussi mentale que physique, évoque d'ailleurs, d'une certaine manière, La métamorphose de Kafka. Polanski va diviser son film en deux parties nettement distinctes, chacune durant environ une heure.

Dans la première moitié du métrage, le fantastique reste diffus : Polanski nous y dévoile progressivement Trekolvsky dans son quotidien parisien. Effacé, mais sympathique, il vit parmi un entourage agressif, dont il tente de s'accommoder avec bonne volonté, que ce soit ses voisins méfiants ou ses envahissants collègues. Certains indices nous donnent réellement l'impression que les habitants de l'immeuble trament un complot contre lui (les petits déjeuners au Café, la manière insistante dont le propriétaire lui parle de Simone Choule, les pétitions...) : c'est certainement ici que se situe la grande ambiguïté de Le locataire, dont le récit paraît contenir des éléments fantastiques souterrains, qui ne seraient pas le produit des troubles mentaux de Trekolvsky, mais bien le résultat d'un vaste complot ourdi par tout son entourage. Pourtant, des séquences particulières nous montrent aussi que Trekolvsky est un personnage mal à l'aise, sur la défensive, qui ment facilement pour se protéger (plutôt que d'avouer qu'il va aux toilettes, il prétexte un coup de téléphone urgent à donner...).

La seconde moitié de Le locataire correspond, beaucoup plus clairement, à la plongée de Trekolvsky dans la folie. L'ambiguïté se dissipe progressivement, et il est clair que les faits étranges le poussant vers la démence sont des hallucinations. Polanski fait glisser son film dans un fantastique explicite en ayant recours à des figures empruntées au cinéma d'horreur traditionnel : momies, fantômes et possessions se bousculent dans l'esprit de plus en plus confus du locataire, qui arpente de sombres couloirs et de menaçants escaliers en spirales, déformés par des objectifs à courte focale. Néanmoins, ces apparitions fantastiques s'inscrivent rigoureusement dans le portrait psychiatrique très précis et crédible de Trekolvsky (on pense alors à Repulsion) : elles sont des symptômes, parmi d'autres, de la folie le rongeant lentement. Sa personnalité se décompose, et il en vient à s'identifier à la morte (qu'il n'a pourtant pratiquement pas connue), à se travestir, à se parler à lui-même d'une façon ridicule, puis à se mortifier, et, enfin, à se suicider de manière compulsive et grotesque.

Cette seconde partie de Le locataire synthétise assez bien le génie déployé par Polanski dans sa trilogie des villes. Il y mêle avec une très grande rigueur un portrait psychologique très réaliste à une narration expérimentale incluant des séquences hallucinatoires tendant vers un onirisme cauchemardesque. Ce n'est pas le moindre de ses mérites que de savoir filmer de manière aussi solide un phénomène désordonné tel que la folie. A ce titre, on peut citer quelques moments extrêmement réussis, prouvant que le génie poétique et formel de Polanski n'a rien à envier à un Kubrick ou à un Argento : on pense notamment aux deux plans filmés à l'aide de la toute nouvelle louma (caméra placée sur un long bras télescopique et téléguidé) (générique, et fin) qui nous font tomber doucement dans la cour de l'immeuble, de fenêtre en fenêtre (Argento s'en souviendra pour une scène très spectaculaire dans Ténèbres (1982)) ; angoissantes aussi toutes les séquences mettant en scène les situations de voyeurisme et de vis-à-vis entre l'appartement de Trekolvsky et les toilettes de l'immeuble, occupées par des silhouettes impassibles, notamment lorsque le locataire se découvre s'observant lui-même ; étrange, encore, la scène inouïe de la punition de la petite fille aux jambes malades.

Certes, la première heure de Le locataire est peut-être un peu lente à se mettre en place. Pourtant, la démarche de Polanski, se mettant lui-même en scène dans un rôle aussi difficile, est très courageuse, et la seconde partie du métrage correspond vraiment au sommet du talent de ce grand réalisateur. Pourtant, la critique et le public français vont le bouder, et ce sera la dernière fois qu'il fraiera ouvertement avec le fantastique avant La neuvième porte, en 1999.

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le locataire
■ goyave 20/11/2006
Grossière erreur de penser que l'histoire du locataire est bidon, grotesque, débile ; vue superficielle qui dénote que l'on n'en a pas compris le sens profond. Le film est savamment construit et Polanski a l'art de faire ressortir tous les mauvais dessous de l'âme humaine.
Cette histoire nous concerne tous et nous fait réfléchir sur la responsabilité de nos paroles et de nos actes quotidiens
envers les autres.
Leçon très grave qui est loin d'être insignifiante.
Le locataire
■ shlikaha 10/06/2004
Avec notre prof d'analyse cinématographique, on a analysé ce film.
Il est excellent (point vue technique, histoire, suspense...) et marquannt à vie.

10/10
Ennuyeux
■ Pierre62 08/07/2003
J'ai trouvé Le Locataire ennuyeux et interminable. Ce film est bizarement filmé, l'histoire est bidon, grotesque, débile.
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