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Un mystérieux black-out s'abat pendant quelques heures sur le petit village anglais de Midwich : tous les habitants se sont inexplicablement évanouis, puis réveiller simultanément. Quelques mois plus tard, toutes les femmes du village en âge de procréer donnent naissance à des enfants étranges et très intelligents.



Le village des damnés est une adaptation du roman de science-fiction homonyme, écrit par John Wyndham. Cette oeuvre a été réalisée par Wolf Rilla, un cinéaste d'origine allemande (son père était un acteur de cette nationalité) qui a fait l'essentiel de sa carrière en tournant en Grande-Bretagne des petites productions dramatiques (Marilyn (1953)...), policières (Witness in the dark (1959)...) ou comiques (Bachelor of Hearts (1958)...). Il semble que Le village des damnés soit sa seule intrusion dans le cinéma fantastique : ce sera en tout cas son film le plus célèbre, et une date de l'histoire de la science-fiction. Le rôle principal y est tenu par George Sanders (Le portrait de Dorian Gray (1945) d'Albert Lewin, L'aventure de madame Muir (1947) de Joseph L. Mankiewicz ...), un des plus excellents comédiens anglo-saxons du vingtième siècle. A ses côtés, on trouve Barbara Shelley, vedette féminine de plusieurs productions de la compagnie Hammer (Dracula, prince des ténèbres (1966) de Terence Fisher, Les monstres de l'espace (1967) de Roy Ward Baker...). Martin Stephens, l'enfant qui incarne David, le chef des extra-terrestres, allait aussi apparaître dans le classique de l'épouvante Les innocents (1961) de Jack Clayton. Satisfait par les résultats commerciaux de Le village des damnés, la compagnie MGM fera réaliser une suite à ce film : Ces êtres venus d'ailleurs (1963) de Anton Leader. Enfin, John Carpenter (Halloween (1978)...) réalisera un remake homonyme, Le village des damnées (1995), avec Christopher Reeve (Superman (1978)...).
Une date pour la science-fiction et d'épouvante

Le village des damnés a la particularité d'appartenir au domaine de la science-fiction britannique. Après la seconde guerre mondiale, quelques compagnies de cinéma populaire de ce pays s'évertuaient à imiter à moindre frais les productions hollywoodiennes à la mode, dans des oeuvres souvent destinées à satisfaire essentiellement la seule demande nationale. Parmi elles, on trouve la compagnie Hammer, fondée dès les années 1930, pour laquelle Terence Fisher (Frankenstein s'est échappé ! (1957)...) réalise assez tôt des films inspirés des premiers succès de la science-fiction hollywoodienne des années 50 (Destination lune (1950) d'Irving Pichel...) : Four sided triangle (1953) et Spaceways (1953). Mais c'est Le monstre (1955) de Val Guest, inspirée par la série TV anglaise The Quatermass experiment, qui va vraiment lancer la compagnie Hammer et la science-fiction britannique : après son retour sur terre, un astronaute est victime d'horribles mutations qui le changent en un horrible organisme que va affronter le professeur Quatermass. L'influence du cinéma fantastique britannique va aller grandissante (notamment avec les films d'horreur gothique de la Hammer : Frankenstein s'est échappé ! et Le cauchemar de Dracula (1958) de Terence Fisher...), et les compagnies américaines n'hésiteront pas à sous-traiter la réalisation de films fantastiques dans ce pays où les frais de productions étaient notablement moins chers qu'aux USA. Ainsi Le village des damnés sera produit par une compagnie américaine (la Metro-Goldwyn-Mayer) avec une star hollywoodienne (George Sanders), alors que le reste de l'équipe sera britannique.

Dans Le village des damnés, les femmes d'un village accouchent toutes le même jour d'inquiétants enfants, insensibles aux émotions et doués de pouvoirs étonnants. A d'autres endroits du monde, des faits semblables sont constatés. Ce film nous invite donc à suivre une invasion sournoise, vraisemblablement extra-terrestre, réalisée par des êtres qui trompent d'autant mieux les terriens qu'ils se fondent dans la société humaine. Ce n'est pas la première fois, dans l'histoire du cinéma de science-fiction, que des envahisseurs prennent forme humaine pour tromper les hommes et se glisser au sein même d'unités de vie aussi réduites et vulnérables qu'un village ou une famille. Dans Les envahisseurs de la planète rouge (1953) de William Cameron Menzies, les martiens prenaient possession des esprits des terriens afin d'affaiblir les sociétés humaines : tourné en pleine guerre froide, il s'agissait bien entendu de mettre les américains en garde contre les idées pernicieuse des communistes, capables de changer un bon citoyen en un odieux pion au service de Moscou ! La possession d'un esprit humain par des extra-terrestres allait devenir une figure classique de la science-fiction américaine des années 50 (The brain from plante Arous (1957) de Nathan Jura, I married a monster from outer space (1958) de Gene Fowler Jr....). Mais, avec L'invasion des profanateurs de sépulture (1956), chef d'oeuvre du genre réalisé par Don Siegel (L'inspecteur Harry (1971)...), les êtres d'outre-espace allaient encore franchir une étape dans la félonie : les extra-terrestres parvenaient à imiter trait pour trait les humains et prenaient ainsi leur place. En fertilisant (on ne sait trop comment...) des femmes terriennes, les extra-terrestres de Le village des damnés mettent au point une méthode encore plus efficace pour infiltrer les sociétés humaines : ils frappent au cœur même de la famille.

En effet, à travers le portrait de ces enfants-modèles blonds, disciplinés et surdoués, Le village des damnés mêle la figure de l'invasion extra-terrestre à celle, alors assez nouvelle, de l'enfant démoniaque. Ce thème avait été inauguré par le thriller Mauvaise graine (1958) de Melvin LeRoy : une petite fille apparemment innocente et irréprochable commet des meurtres dans son entourage. Le village des damnés applique à la science-fiction cette idée de l'enfant "parfait", que tout éloigne de l'idée qu'on se fait d'un délinquant juvénile, et qui se révèle en fait très inquiétant et dangereux. Enfin, Les innocents de Jack Clayton implantera ce thème dans l'épouvante gothique. Ce genre d'enfant démoniaque va alors se développer sous diverses formes dans le cinéma fantastique : Opération peur (1966) de Mario Bava (le fantôme d'une fillette terrorise un village...), La nuit des morts-vivants (1968) de George Romero (dans lequel une petite fille zombifiée tue sa mère d'une manière particulièrement violente...), jusqu'à, évidemment, L'exorciste (1973) de William Friedkin et ses nombreux imitateurs.



L'horrible invasion

Le village des damnés mêle donc le thème de l'enfant terrifiant à celui d'une invasion extra-terrestre. Le film ne comporte pas vraiment d'action dramatique dans sa première partie : le récit, étalé sur plusieurs années, est avant tout prétexte à nous révéler avec précision et rigueur les différentes composantes du drame de science-fiction en train de se dérouler. On assiste ainsi à l'inquiétant black-out, à la naissance des enfants, à la découverte de leur intelligence surhumaine et de leurs pouvoirs hypnotiques, ainsi qu'aux spéculations des autorités quant à leurs origines et leurs intentions. Durant cette partie du récit, Gordon Zellaby, scientifique vivant à Midwich, est passionné par ces enfants venus d'ailleurs. Plutôt que de les craindre, comme les autres parents du village, il s'intéresse à leurs sidérantes facultés intellectuelles et prend en charge leur éducation ; à travers le portrait de ce chercheur aveuglé par son amour de la science, on peut voir une mise en garde contre l'irresponsabilité des scientifiques jouant avec le feu (ici, les enfants d'outre-espace ; dans de nombreux autres films de science-fiction de la même époque, l'énergie atomique : Le jour où la Terre s'arrêta (1951) de Robert Wise...). Pourtant, George finira par admettre, après que les enfants aient tué plusieurs personnes pour se défendre, que ces êtres insensibles, plaçant la survie de leur groupe au dessus des lois et de la morale de l'humanité, sont dangereux et doivent être éliminés.

Le village des damnés frappe d'abord par la sobriété élégante et efficace de sa réalisation en noir et blanc. Rilla avait en effet voulu imprimer à son film un style discret et documentaire, sans recours à des effets spéciaux ou à des maquillages, de façon à ce que le fantastique ne surgisse que des seules situations. De son côté, le récit à la fois riche, rigoureux et très subtil (on devine les intentions et les origines des enfants plus qu'on ne les connaît vraiment), est admirable. Mais on apprécie aussi le très grande qualité du casting, tout à fait homogène, et dominé par George Sanders (impeccable) et le petit Martin Stephens : celui-ci impose sa présence insensible et froide à travers un jeu inexpressif et maussade tout à fait angoissant. Il installe un certain archétype de l'enfant malfaisant, apparemment sage et inexpressif (qu'on retrouvera dans La malédiction (1976) de Richard Donner ou dans Un jeu d'enfants (2001) de Laurent Tuel...). On admire encore des trouvailles cinématographiques tout à fais saisissantes : les personnages qui s'effondrent lorsqu'ils dépassent la "frontière du village" ; le disque rayé qui continue à tourner pendant le black-out ; les yeux lumineux des enfants (cette idée très efficace sera imposée à Wolf par son producteur : elle donnera lieu aux images les plus célèbres du film) ; et surtout l'inoubliable combat mental entre George et les enfants.

Tout au plus pourrait-on reprocher à ce film d'être un peu bavard et statique à de rares moments. Néanmoins, Le village des damnés est considéré, à juste titre, comme un classique du cinéma de science-fiction. Le remake qu'en fera Carpenter sera plus politique, mais aussi moins efficace, et souffrira d'une réalisation un brin trop anonyme.

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Un excellent film SF
■ Fab 04/06/2004
Comme on savait les faire avant : avant tout basé sur un scénario béton et pas sur des effets-spéciaux un peu trop omniprésents. Il y a certes quelques longueurs, mais la réalisation et l'interprétation, notamment celle de George Sanders, sont irréprochables. Je ne sais pas ce que vaut le remake de Carpenter (un des ces rares films que je n'ai pas vu !), mais il me semble difficile de faire mieux.

A noter que Manu à commis une pitite erreurs

Le village des damnés est une adaptation du roman de science-fiction homonyme, écrit par John Wyndham


En fait, le bouquin de Wyndham s'appelle : Les coucous de Midwich (The Midwich's cuckoos ou un truc approchant pour l'original en anglais...)
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