Betsy Connell, une jeune infirmière, accepte un poste aux Antilles : elle devra prendre soin d'une femme gravement malade. Elle découvre sur place que la vie dans cette région n'est pas aussi belle et reposante qu'elle le croyait...
Le succès inattendu du film d'horreur La féline (1942) encouragea le producteur Val Lewton et le réalisateur Jacques Tourneur (Rendez-vous avec la peur (1957)...) à collaborer à nouveau pour le compte de la firme R.K.O.. Ils décidèrent de travailler sur une histoire traitant du thème du mort-vivant, déjà abordé dans, entre autres, Les morts-vivants (1932) avec Bela Lugosi ou Le mort qui marche (1936) de Michael Curtiz. Comme dans Les morts-vivants, Tourneur place le zombie dans son cadre d'origine : les îles des Antilles. Ce film aura une influence durable et une descendance nombreuse, avec, par exemple, L'enfer des zombies (1979) de Lucio Fulci ou L'emprise des ténèbres (1988) de Wes Craven.
Le passage le plus extraordinaire est le voyage initiatique de Betsy et de la malade vers la clairière dans laquelle se déroulent les cérémonies vaudoues : les deux femmes sont guidées par un jeu de piste morbide à travers un champ de cannes à sucre plongé dans une nuit noire et silencieuse. Au cours de cette séquence, Tourneur parvient à envoûter le spectateur à l'aide de moyens simples et discrets, en faisant jouer la lumière sur le visage impassible de Carrefour ou en mettant en avant le bruissement de la végétation et le son lointain des tam-tams.
Vaudou film n'est pas seulement un voyage mystérieux au pays du vaudou. Tourneur nous parle avant tout d'un drame humain, en rendant avec intelligence la morosité de cette île que se partagent les anciens esclaves et les anciens esclavagistes, unis dans un même exil. La cruauté de l'esclavage est rappelée par la proue du bateau placé au beau milieu du jardin des propriétaires des plantations. Cette sculpture est censée représenter un Saint-Sébastien transpercé de flèches. Mais l'usure du temps lui a donné une teinte noire, et c'est bien le martyr des africains amenés de force sur cette île qu'elle incarne.
Quand aux riches planteurs blancs, ils s'enfoncent dans l'ennui et la boisson : Vaudou nous invite à suivre la tragédie d'une riche famille sur laquelle pèse une étrange malédiction. On découvre ainsi les relations houleuses et amères de deux frères qui se déchirent pour l'amour d'une femme morte. La psychologie des personnages y est rendue avec beaucoup de subtilité.
Ce film pose aussi le problème de la foi dans le surnaturel, en se penchant sur la constitution du culte vaudou, rencontre entre les croyances animistes africaines et la religion chrétienne. Les blancs de l'île considèrent ces rituels comme des enfantillages et des superstitions de peuplades "non civilisées". Pourtant, en fin de compte, ce sera bien la réalité de la magie qui sera la clé de cette histoire.
Si on peut reprocher à Vaudou une certaine lenteur dans le développement de son intrigue, il faut reconnaître que celle-ci est très intéressante et très bien construite. Tourneur écrit de nouveau une grande page de l'histoire du cinéma fantastique avec ce film intelligent parsemé de belles images poétiques.
