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A New York, au début du siècle, le sculpteur Henry Jarod dirige, avec un associé, un musée de figures de cire. Mais, dans l'incendie de ce bâtiment, il est gravement brûlé et il ne peut plus se servir de ses mains pour créer des mannequins. Pendant ce temps des meurtres étranges ont lieu dans la ville.



Ce film a été réalisé par André De Toth (Dark waters (1944), Les mongols (1961)...), un hongrois qui, chassé par la guerre, travailla en Angleterre au début des années 1940, puis partit aux USA. Il s'agit d'un remake de Masques de cire (1933) de Michael Curtiz (lui aussi d'origine hongroise) (Casablanca (1940)...), adaptation d'une pièce de théâtre de Charles Belden. La compagnie Warner Bros avait produit cette première mouture dans les années 1930, en plein âge d'or du fantastique hollywoodien, pour concurrencer les fameux monstres de la compagnie Universal (Dracula (1931) de Tod Browning, Frankenstein (1931) de James Whale, La momie (1935) de Karl Freund...). Il s'agit d'un des premiers grands rôles dans le répertoire de l'horreur pour Vincent Price (La mouche noire (1958) de Kurt Neuman, La chute de la maison Usher (1960) de Roger Corman...), bien qu'il soit auparavant apparu dans d'autres œuvres d'épouvante pour l'Universal, comme La tour de Londres (1939) ou Le retour de l'homme invisible (1940) (où il tenait le rôle titre) par exemple. Il ne faut pas oublier de mentionner que l'assistant muet de Vincent Price, le bien nommé "Igor", est interprété par le jeune Charles Buchinsky, qui deviendra plus célèbre sous le nom de Charles Bronson (Les sept mercenaires (1960), Il était une fois dans l'ouest (1968) de Sergio Leone...). L'homme au masque de cire est aussi le premier film de la Warner Bros en relief.
Dans l'Amérique du début des années 1950, l'idée de tourner un film d'épouvante ambitieux peut paraître saugrenue. En effet, pendant les années 1940, les mythes fantastiques de l'Universal ont décliné : plutôt que de chercher à renouveler le genre, les producteurs se sont contentés de proposer des cross over hasardeux (par exemple, dans La maison de Dracula (1945) de Erle C. Kenton, on rencontre à la fois Dracula, le monstre de Frankenstein et le loup-garou...), ou bien emploient ces personnages dans des comédie (2 nigauds contre Frankenstein (1948) avec les comiques Abott et Costello...). En plus, après les innovations technologiques mises en place durant la seconde guerre mondiale, les États-Unis sont rentrés dans l'ère de la fusée et de l'atôme : c'est maintenant la science-fiction qui fascine le grand public et qui va régner sans partage sur le cinéma fantastique hollywoodien des années 1950 (La guerre des mondes (1953) de Byron Haskin, La planète interdite (1956) de Fred M. Wilcox...).

Mais l'invention qui terrifie le plus Hollywood ne sont pas forcément la bombe atomique ou les fusées porteuses de mort : ce que les grandes compagnies redoutent le plus, c'est la télévision, cette petite boîte qui a envahi les foyers américains au début des années 1950 et détourne les foules des salles obscures. Pour résister à cette concurrence, les producteurs comprennent que le cinéma devra jouer la carte du spectaculaire, offrir au public des images et des sons qu'une petite télé ne pourra pas lui apporter dans son salon. Ainsi, dès la fin des années 1930, le Technicolor vient couvrir de couleurs somptueuses Becky Sharp (1935) de Rouben Mamoulian, Autant en emporte le vent (1939) de Victor Fleming ou Blanche-Neige et les sept nains (1937) de Walt Disney. Ce même Walt Disney proposera un système sonore multicanal dans les salles de cinéma avec l'ambitieux Fantasia (1940). De son côté, le péplum La tunique (1953), avec Richard Burton et Victor Mature, apporte l'écran large au spectacle cinématographique grâce au procédé Cinémascope. Parallèlement, Hollywood a aussi cherché à conquérir la troisième dimension en tentant de produire des films en relief.

Les œuvres fantastiques des années 1950 vont donc multiplier les expériences sur le rendu des trois dimensions. Le réalisateur Jack Arnold utilisera ce procédé dans ces films en noir et blanc pour la compagnie Universal: Le météore de la nuit (1953) et L'étrange créature du lac noir (1954). La Warner Bros proposera dans L'homme au masque de cire un procédé jouant sur la polarisation de la lumière : ce système permet de percevoir le relief ET les couleurs en même temps, bien que le spectateur doivent toujours porter des lunettes; cette technique est fatigante pour les yeux du spectateur, et, pour lui permettre de se reposer, L'homme au masque de cire devait être projeté avec un entracte au milieu du métrage, alors que le film ne durait que 86 minutes. On remarque aussi que, par souci de rentabiliser ce procédé spectaculaire, des séquences un peu gratuites, nuisent à l'homogénéité de l'intrigue, ont été insérées dans le récit : on a ainsi droit à des scènes de french cancan survoltées et à un numéro de Jokari tout à fait irritant.

Le principal intérêt de L'homme au masque de cire réside dans la personnalité de son protagoniste principal, le sculpteur Henry Jarod. On le rencontre d'abord avant son accident. Doué d'un talent évident et reconnu, il aspire à un art naturaliste qui trouverait la beauté dans la reproduction fidèle de la nature. Ce goût de la représentation mimétique le pousse naturellement à construire des figures de cire au réalisme hallucinant. Certain de la noblesse de son art, il ne se consacre qu'à la reconstitution de grandes scènes de l'Histoire mondiale. Il refuse de s'abaisser à composer des scènes de tortures ou de meurtres, comme le font certains musées pour attirer facilement les visiteurs. Après son accident tragique, son obsession pour la reproduction mimétique du réel le poursuit alors même qu'il ne peut plus sculpter : il met alors au point une méthode très particulière pour obtenir des mannequins très réalistes... Ce personnage amoureux fou de la beauté, cet artiste rendu incapable de créer par un sort injuste est une figure tragique dans la grande tradition du cinéma fantastique américain (Le fantôme de l'opéra (1925), La fiancée de Frankenstein (1935)...). Dans ce rôle, Vincent Price, passant sans difficulté du pathétique le plus profond à l'humour noir le plus caustique (la visite guidée du musée des horreurs...), est impeccable.

On remarque que L'homme au masque de cire bénéficie d'une somptueuse photographie en couleur, alors que les œuvres produites par l'Universal (Dracula, Frankenstein...) avaient pratiquement toujours conservé le noir et blanc inquiétant qu'elles avaient hérité du cinéma expressionniste allemand. En cela, ce film annonce avec quelques années d'avance la vague de films d'horreur en couleur produites par les britanniques de la Hammer (Frankenstein s'est échappé ! (1957)...). Toutefois, il ne faut pas oublier que le premier Masques de cire de Michael Curtiz était lui-même en Technicolor bichrome, procédé très rare dans les années 30, sur lequel sa compagnie productrice Warner comptait pour exciter la curiosité du public.

La réalisation de De Toth nous propose quelques moments étonnants. La cinégénie fantastique d'un musée de cire n'était déjà plus à prouver (Le cabinet des figures de cire (1923), film allemand de Paul Leni, Masques de cire...). Ce lieu peuplé de figures inertes aux visages immobiles devient immanquablement angoissant quand il est plongé dans une semi-obscurité. Les décorateurs ont fait un formidable travail, que ce soit pour ces galeries de mannequins, les rues humides de New York ou le laboratoire très "savant fou" du sculpteur. On apprécie aussi l'extraordinaire incendie du musée, pendant lequel une infernale tempête de flammes liquéfie et les impassibles personnages de cire: il y a fort à parier que Steven Spielberg s'est souvenu de cette séquence pour le final biblico-horrifique de Les aventuriers de l'arche perdue (1981). Les interventions du tueur défiguré et difforme dans la nuit bleue et brumeuse de New York sont des moments extraordinaires. Cette silhouette noire comme une ombre rappelle encore Le fantôme de l'opéra avec Lon Chaney. Ses meurtres sont assez horribles, particulièrement l'utilisation théâtrale d'une cage d'ascenseur qui semble annoncer à la fois l'ouverture démente de Suspiria (1977) et la conclusion terrible de Les frissons de l'angoisse (1975), tous deux de Dario Argento.

Pourtant, il faut reconnaître que l'intrigue est un peu inégale : l'enquête semble par moment s'embourber dans des bavardages un peu vides, et, faute de seconds rôles suffisamment solides, les scènes sans Vincent Price sont toujours un peu ennuyeuses. On regrette encore un dénouement dont certains aspects sont un peu trop prévisibles.

Mais malgré ces remarques, L'homme au masque de cire a les qualités d'un cinéma fantastique classique, rigoureux et ambitieux. Il restera un cas assez isolé d'épouvante traditionnelle américaine dans les années 50, plus fascinées par les robots et les extra-terrestres que par les mythologies de l'horreur.

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