Au cours d'une expédition au Tibet, le docteur Glendon se fait mordre par un terrible homme-loup. Une fois rentré à Londres, il reçoit la visite du docteur Yogami, qui prétend en savoir long sur une épidémie de lycanthropie...
Le monstre de Londres est encore une production d'épouvante de la Universal, conçue pendant l'âge d'or du cinéma fantastique hollywodien. De 1931 à 1935, cette compagnie et ses concurrentes ont proposé toute une série de classiques extrêmement innovants : Dracula (1931) et La monstrueuse parade (1932) de Tod Browning, Frankenstein (1931) et L'homme invisible (1933) de James Whale, La momie (1932) de Karl Freund, King Kong (1933) de Merian C. Kooper et Ernest B. Schoedsack... pour ne citer que les plus connus. En 1935, la plupart des grands mythes de l'épouvante cinématographiques sont bien en place et la Universal semble trahir une légère crise d'inspiration en ré-employant (avec succès) des monstres déjà apparus précédemment, comme pour La fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale ou La fille de Dracula (1936) de Lambert Hillyer. Pourtant, elle va encore innover ici en présentant un nouveau monstre qu'elle n'avait jusqu'alors jamais employé : le loup-garou. Le monstre de Londres est réalisé par Stuart Walker, qui ne travailla à ce poste qu'entre 1931 et 1935, essentiellement sur des comédies dramatiques. Il réalise notamment quelques adaptations de Dickens dont le récit policier The mystery of Edwin Drood (1935) avec Claude Rains (L'homme invisible...). Le docteur Glendon est interprété par Henry Hull (Lifeboat (1944) d'Alfred Hitchcock, La poursuite impitoyable (1966) d'Anthony Mann...), un comédien qui a connu une longue carrière dans les seconds rôles américains. On remarque la présence de Warner Oland (Le chanteur de Jazz (1927), Shangai Express (1932) de Josef Von Sternberg avec Marlene Dietrich...), célèbre pour avoir incarné, durant les années 30, l'inspecteur Charlie Chan dans une longue série de film (Charlie Chan à Paris (1935), Charlie Chan au cirque (1936)...).
En voyant Le monstre de Londres, on est d'abord frappé par la manière dont il puise dans de nombreux genres autres que l'horreur traditionnelle. Il commence à la façon d'un film d'aventures exotiques : un savant mène une expédition dans les montagnes de l'Himalaya afin d'y trouver une fleur rarissime qui n'éclot qu'au clair de lune. On remarque aussi des éléments empruntés à la science-fiction : le docteur Glendon dispose d'un laboratoire équipé des dernières technologies (arcs électriques, tube luminescent, projecteur reproduisant les rayons de la lune...), dans la grande tradition du professeur Frankenstein ou de Metropolis (1927) de Fritz Lang. On a encore un récit dramatique nous contant les infortunes conjugales de ce savant très réservé, rongé par une malédiction dont il ne peut dire mot à ses proches et qui voit s'éloigner de lui sa femme avide de liberté et de vie. N'oublions pas non plus l'enquête policière, menée difficilement par des inspecteurs de Scotland Yard qui refusent de croire aux légendes fantastiques. Enfin, on note encore de nombreux éléments de comédie, notamment avec des personnages de vieilles dames ridicules.
Ce mélange copieux n'est, hélas, pas très bien équilibré. Le monstre de Londres peine à trouver ses marques et son rythme. Une fois passé le prologue, les séquences d'horreur se font beaucoup trop attendre. Quand elles arrivent enfin, elles sont souvent parasitées par des éléments de comédie qui gènent l'installation d'une ambiance fantastique (pendant que Glendon s'échappe de la chambre où il est enfermé, les deux vieilles toupies britanniques continuent à accumuler les gags...). L'horreur semble avoir été reléguée à l'arrière-plan, et seules les dix dernières minutes du métrage paraissent réellement efficaces.
Malgré tout, il serait injuste de ne pas citer les nombreuses qualités de cette oeuvre. La réalisation est toujours élégante et fluide. Les décors, les costumes et les interprètes bénéficient tous d'un charme hollywoodien imparable. Les effets spéciaux de Jack Pierce (Frankenstein...) sont pour la plupart somptueux, avec notamment une impressionnante transformation au cours de laquelle le loup-garou passe derrière une rangée de colonnes. Certains passages (hélas trop rares) parviennent à rendre la magie cinématographique d'une rue londonienne nocturne et embrumée. Enfin, Henry Hull est tout à fait convaincant dans le rôle du docteur Golden, savant rationaliste et civilisé qui, sous le coup d'une terrible malédiction, voit sa part animale prendre le dessus sur sa personnalité humaine.
Il faut malheureusement reconnaître que Le monstre de Londres, à force de se disperser dans des intermèdes comiques et dramatiques un peu hors-sujet, ne parvient pas à trouver son unité et son rythme. Fatalement, il ennuie légèrement le spectateur. Ce n'est qu'avec Le loup-garou (1942) de George Waggner que la Universal parviendra à imposer une vision convaincante de cette mythologie.