Nora Dralston, une jeune américaine en vacance à Rome, est témoin d'un meurtre. Mais personne ne la croit et elle décide de mener seule l'enquête, aidée par un ami, le jeune docteur Bassi.
Mario Bava (Le masque du démon (1960)...) réalise La fille qui en savait trop juste après le film d'horreur gothique Les trois visages de la peur (1963) avec Boris Karloff (Frankenstein (1931)...) et Michèle Mercier (Angélique, marquise des anges (1964)...). Cette nouvelle oeuvre est considérée comme le tout premier giallo (polar horrifique typiquement italien) jamais réalisé. Les rôles principaux sont tenus par Leticia Roman (L'espion au chapeau vert (1964) qui est une adaptation cinématographique de la série TV Agents très spéciaux...), un juvénile John Saxon (Opération Dragon (1973) avec Bruce Lee, Ténèbres (1982) de Dario Argento, Les griffes de la nuit (1984) de Wes Craven, Une nuit en enfer (1996) de Robert Rodriguez...) et Valentina Cortese (La comtesse aux pieds nus (1954) de Joseph L. Mankiewicz, Juliette des esprits (1965) de Frederico Fellini, L'assassinat de Trotski (1972) de Joseph Losey...).
Avec L'oiseau au plumage de cristal (1970), un autre réalisateur italien, Dario Argento (Suspiria (1977)...), va mélanger la violence graphique de Six femmes pour l'assassin et de nombreux éléments empruntés à l'histoire de La fille qui en savait trop (touriste américain perdu dans une Rome insolite et témoin d'un meurtre, ambiguïté des apparences, humour...) : ce sera le premier grand succès du Giallo et il lancera la carrière d'Argento. On remarque aussi qu'un autre thriller de ce réalisateur, Ténèbres, grouille littéralement de clins d'oeil à La fille qui en savait trop (ouverture sur la lecture d'un roman policier, voix off, présence cocasse de John Saxon, début à l'aéroport...).
La fille qui en savait trop bénéficie d'une intrigue policière très amusante. On suit les aventures d'une jeune touriste passionnée de littérature policière dans une Rome qui, une fois la nuit tombée, se transforme en une cité dangereuse et pleine de mystères. Témoin d'un meurtre horrible et trop curieuse de nature, elle mène son enquête avec l'aide du docteur Bassi, son jeune amoureux un peu empoté. On est frappé par la légèreté et l'humour de ce film qui paraissent en contradiction avec le cinéma d'horreur habituellement plus grave de Bava : le charme et la malice du couple formé par Leticia Roman et John Saxon y sont sans doute pour beaucoup. D'autre part, on retrouve l'intérêt de Bava pour l'ambiguïté des images (Le masque du démon, Lisa et le diable (1972)...) : ainsi, on comprend en fin de compte que Nora n'a vu qu'une partie incomplète, et donc inexacte, du meurtre ; cette utilisation de l'ambivalence des apparences dans le cadre d'un récit policier va énormément influencer Dario Argento pour ses giallos (entre autres, le final de La fille qui en savait trop évoque irrésistiblement Les frissons de l'angoisse (1975)...). Toutefois, ce jeu sur les apparences trompeuses était déjà présent dans certains films de Hitchcock (Soupçons (1941), Sueurs froides (1958)...), et cela passionnera aussi Brian De Palma (Obsession (1976), Body double (1984)...).
Au niveau de la violence, Bava semble assez timide. Pourtant, la nuit cauchemardesque de Nora annonce déjà les meurtres de Six femmes pour l'assassin : on y trouve le voyeurisme (Nora, blessée, assiste impuissante au meurtre), l'érotisme (à cause d'un tragique concours de circonstances, elle se promène nue sous son petit imperméable noir), le fétichisme et le goût de l'arme blanche. Les meurtres des giallos étaient annoncés quelques années auparavant par l'érotisme malsain et le sadisme des assassins détraqués de deux grands classiques de l'horreur : Psychose (1960) d'Alfred Hitchcock et Le voyeur (1960) de Michael Powell. Toutefois, dans La fille qui en savait trop, les scènes fantastiques et horrifiques, bien que toujours réussies, restent assez rares, et l'érotisme ne va pas beaucoup plus loin que le bikini froufroutant que porte Leticia Roman sur la plage d'Ostia. On apprécie pourtant la solidité du récit, plein de fausses pistes trompeuses et de rebondissements, l'interprétation sympathique, ainsi que les qualités de la réalisation et de la prise de vue en noir et blanc de Bava qui nous promène entre une Rome diurne de carte postale et une ville nocturne baroque et angoissante.
Premier vrai giallo de l'histoire du cinéma italien, La fille qui en savait trop souffre peut-être d'une violence trop retenue et d'un manque d'audace dans l'horreur. Néanmoins, son histoire policière est amusante et intéressante. En plus, ce film a un charme latin et un sens de l'humour indéniable qui le rendent très attachant.