TocCyclopédie ■ Époques

Irena, une jeune femme serbe, vient de s'installer à New York. Elle y épouse un américain, mais elle refuse de coucher avec lui. En effet, une légende de son pays raconte que les femmes de sa famille se transforment en panthère et dévorent leurs amants...



Aux États Unis, les années 1930 avaient été marquées par un véritable âge d'or du cinéma d'épouvante : on y réalisa de nombreux chefs d'œuvres du genre, comme Dracula (1931), Frankenstein (1931) ou La momie (1932)... Le début des années 1940 est marqué par une production fantastique assez abondante quantativement, mais qualitativement un peu moins intéressante. En 1942, le producteur Val Lewton estchargé de produire des films fantastiques pour le compte de la firme R.K.O., qui avait déjà fait King Kong en 1933. Il pense que Jacques Tourneur serait capable de les réaliser : auparavant, ce réalisateur d'origine française (il s'agit du fils de Maurice Tourneur (La main du diable (1943)...)) avait déjà réalisé beaucoup de films (comédie, histoire de détective... essentiellement des courts-métrages), mais il ne s'était jamais frotté au genre fantastique. La féline sera donc sa première œuvre d'épouvante. Tourneur deviendra ensuite un maître reconnu du genre avec Vaudou (1943) ou Rendez-vous avec la peur (1957), entre autres. La féline connaîtra un énorme succès et une suite, La malédiction des hommes-chats, sera réalisée par Robert Wise (La maison du diable (1963)...) dès 1944. En 1982, un remake homonyme de La féline sera réalisé par Paul Schrader.
Jacques Tourneur n'était pas enthousiasmé par l'idée de faire un film d'horreur. Il décida donc d'adapter le projet à sa personnalité en prenant les règles du genre à rebours, ce qui lui permettait d'éviter certains clichés mis en place par les productions Universal (Frankenstein, Dracula...). Ainsi, il renonce à utiliser des maquillages et des effets spéciaux : pour faire peur, il choisit de ne montrer que l'ombre du monstre menaçant, ou alors il fait juste entendre un grognement. Tourneur a compris l'extrême efficacité que peut avoir une habile suggestion. A ce titre, la poursuite dans la rue obscure rythmée par les bruits des talons, ou la scène de la piscine sont de vrais moments d'anthologie. Le réalisateur soigne avant tout son atmosphère envoûtante, avec une magnifique photographie et des décors remarquablement choisis.

Il refuse aussi d'utiliser un background folklorique ou exotique (Égypte, Angleterre du XIXème siècle...). La féline préfère décrire en détail et de façon réaliste la vie de ses protagonistes. Ils ont un travail normal (dessinateur de mode, ingénieur...), rencontrent leurs amis le soir, vont au restaurant... Tout cela permet de donner une réelle consistance aux personnages. On est loin des savants fous schématiques et autres aristocrates maudits qui régnaient alors majoritairement sur le petit monde de l'épouvante.

La féline joue aussi très finement sur l'évolution psychologique d'Irena et de son mari. Leurs rapports sont structurés par leurs personnalités profondes : l'optimisme rationaliste pour l'américain et le fatalisme superstitieux pour la jeune slave. L'extraordinaire interprétation de Simone Simon (actrice née en France et révélée dans Le lac aux dames (1934) de Marc Allégret...) rend son personnage passionnant et touchant. Autre originalité, la mythologie fantastique présentée ici est basée sur l'idée d'un monstre purement féminin, ce qui est encore une nouveauté : en effet, l'horreur se conjuguait alors essentiellement au masculin à cette époque (Dracula, le monstre de Frankenstein, Imothep...). Irena est une femme terrifiée par les hommes et par sa sexualité qu'elle assimile à quelque chose de bestial et de contre-nature. Il est dommage que ce film en fasse tout de même un peu beaucoup dans l'illustration des théories de Freud (le rêve avec la clé...) et souligne ainsi lourdement son propos. On regrette aussi que l'intrigue manque légèrement de densité.

Néanmoins, La féline reste à voir absolument, particulièrement pour l'élégance et la finesse de sa réalisation ainsi que pour son ambiance angoissante inimitable.
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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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