Un voilier abandonné dérive devant Manhattan. Les policiers qui l'inspectent sont attaqués par un zombie. Un journaliste et la fille du propriétaire du bateau font leur enquête, qui les mène sur une île des Caraïbes...
Ce film a fait la gloire de son réalisateur Lucio Fulci (L'au-delà (1981)...). Si ses œuvres précédentes étaient assez violentes (polars, westerns...), elles n'étaient pas vraiment des films d'horreur gore. Sorti opportunément un an après le succès du Zombie (1978) de Georges Romero, L'enfer des zombies s'appelait Zombi 2 dans certains pays, alors que les producteurs n'avaient rien à voir avec le premier film! Cela engendra une durable animosité entre Fulci et Dario Argento (producteur de Zombie). Les acteurs sont pour la plupart des seconds couteaux dont le plus grand titre de gloire sera d'avoir participé à la grande vague du cinéma bis européen des 1970. On remarque toutefois la présence de Richard Johnson, acteur anglais à la carrière assez variée (Opération Crossbow (1965), le génial La maison du diable (1963) de Robert Wise...) et de Al Cliver qui tourna dans de nombreux autres films de Fulci. A sa sortie française, la censure, encore vigoureuse à l'époque, avait coupé 17 minutes dans ce film. Il est encore interdit dans sa version complète dans certains pays, en Europe du nord ou en Grande-Bretagne.
En effet, le film va vraiment démarrer à l'arrivée sur l'île des zombies, d'une manière très inattendue. Au cours d'une séance tout à fait anodine de plongée sous-marine, teintée d'un érotisme léger, le premier zombi antillais va surgir de manière incroyablement surprenante, là où le spectateur l'attend le moins, dans une séquence horrible et très originale. Tout le génie de Fulci y apparaît déjà : effets spéciaux gores soignés et inventifs, cruauté, gratuité de la violence, lyrisme et poésie morbide. A partir, de là, L'enfer des zombies entraîne le spectateur estomaqué dans une tornade de folie qui ne lui laissera plus aucun répit.
Fulci a toujours avoué s'être plus inspiré de Vaudou (1943) de Jacques Tourneur que de Zombie. Certes son emploi abondant de séquences gore très graphiques et d'effets spéciaux parait en contradiction avec le cinéma de Tourneur. Pourtant, Fulci rejoint ce réalisateur dans sa manière d'installer une ambiance terrifiante, fantastique et toujours poétique: photographie splendide, cinémascope balayant des étendues désolées, bande-son contaminée en permanence par des chants vaudous dont on ne verra jamais les interprètes, usage magnifique de décors étonnants (plages sinistres, villages abandonnés parcourus par des animaux affamés...)... On remarque aussi une formidable utilisation de la musique électronique, notamment un thème principal accrocheur et efficace, dans la tradition de films comme Halloween (1978) de John Carpenter ou Les frissons de l'angoisse (1975) de Dario Argento.
L'enfer des zombies n'est pas un discours politique rigoureux et agressif comme pouvait l'être Zombie, portrait sans concession de la civilisation américaine et de son culte de la consommation de masse. Le regard de Fulci est beaucoup plus spirituel et fantastique. Ainsi, un personnage dira à un moment: "Quand les morts reviendront à la vie, tu connaîtra l'horreur de tes pêchés". De même, un scénariste de Fulci avouait que les zombis incarne la mauvaise conscience, les fautes, les remords qui nous hantent et nous poursuivent. Il est clair que pour Fulci, italien et élevé dans le catholicisme, si les morts reviennent à la vie , ce ne peut être que pour un ultime et impitoyable Jugement Dernier. Les zombis transforment donc l'île en une antichambre de l'enfer et font subir aux vivants les tourments des damnés. Ces monstres ne sont pas seulement des cannibales ahuris, ils sont aussi terriblement sadiques et inventifs dans la cruauté (le célèbre œil crevé...). Fulci nous convie à une sauvage danse macabre où vivants de toutes classes et de toutes races sont entraînés à travers les portes de la mort par des cadavres à l'aspect redoutable et terrifiant. Le regard de Fulci sur l'humanité et son avenir est donc d'une implacable noirceur, comme le démontre la conclusion sidérante de L'enfer des zombies, pure vision cinématographique de poésie et de pessimisme: les zombies arrivent à New York en plein jour en traversant le pont de Brooklyn. Cette scène semble annoncer que ce film se veut d'une certaine manière une préquelle de Zombie.
L'enfer des zombies innove aussi en proposant un nouveau look en matière de morts-vivants. Jusque là, ces derniers étaient des comédiens au visage vaguement peinturluré (Les mort-vivants (1932), La nuit des morts-vivants (1968)...). Si, sur Zombie, le maquilleur Tom Savini a révolutionné le cinéma gore avec ses représentations très crues de coups de feu, de décapitation et de démembrement en tout genre, les morts-vivants restaient une horde de figurants à la face simplement bleuie. Ici, Gianetto De Rossi recouvre les visages des morts d'un maquillage hyper-réaliste, qui rend avec une précision maniaque toutes les avancées de la pourriture et de la décomposition.
Ces effets spéciaux extrêmement réussis semblent rappeler la précision morbide de l'art macabre qui fleurissait au quinzième et au début du seizième siècle dans une Europe traumatisée par la peste: c'est à cette époque que sont apparues des représentations de danse macabre, de pieta, de transis squelettiques aux viscères pourrissantes. Comme le peintre Grunewald dans la crucifixion de son célèbre retable d'Isenheim, Fulci n'oublie pas de reproduire le moindre ver grouillant dans les plaies de ses cadavres ambulants.
Chez Fulci, le gore ne cherche pas à produire un effet comique ou parodique. Il sert à mettre mal à l'aise le spectateur, à le "prendre aux tripes" (façon de parler...). Si il s'intéresse plus à l'atmosphère qu'à la narration, il traite néanmoins avec le plus grand sérieux les sujets fantastiques comme les zombies et la sorcellerie. On appréciera encore la scène du siège de l'église: son efficacité, son sens du rythme et sa folie apocalyptique démontrent aussi que, grâce à son sens du rythme et du découpage rigoureux, Fulci parvient à créer des scènes d'action dont l'intensité évoque un Peckinpah (Croix de fer (1977)...) ou un John Carpenter (Assaut (1976)...).
Grâce à l'inventivité et à la noirceur du regard que Fulci porte sur la mort, L'enfer des zombies est un des classique les plus forts du cinéma d'épouvante. C'est aussi un film exigeant qui mérite que le spectateur le regarde avec attention et sérieux, sous peine de n'y voir qu'une simple accumulation de scènes gore.