TocCyclopédie ■ Époques

Irena, une jeune orpheline, rencontre son frère Paul, qu'elle n'a jamais connu, à la Nouvelle-Orléans. Peu de temps après, une mystérieuse panthère est capturée en ville et est enfermée au zoo. Irena se rend compte qu'une malédiction pèse sur sa famille...



La féline, remake du classique homonyme dirigé par Jacques Tourneur en 1942, est réalisé par Paul Schrader : très connu en tant que scénariste (Obsession (1976) de Brian De Palma, Taxi driver (1976) et A tombeau ouvert (1999) de Martin Scorsese...), il a aussi réalisé des films sur des sujets réputés sulfureux (Hardcore (1979) sur les snuff movies, American gigolo (1980) sur la prostitution masculine, Mishima (1985), remarquable biographie de cet écrivain japonais...). La musique est le fruit d'une collaboration entre le compositeur de musique disco Giorgio Moroder (Midnight express (1978) d'Alan Parker, Scarface (1983) de Brian De Palma...) et le chanteur David Bowie. Le rôle principal est tenu par Nastassja Kinski (Tess (1979) de Roman Polanski, La lune dans le caniveau (1983) de Jean-Jacques Beinex...), la fille de Klaus Kinski. Paul est interprété par Malcom McDowell (Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick, Tonnerre de feu (1983) de John Badham...).
La féline de Jacques Tourneur proposait une alternative féminine au mythe du loup-garou en racontant l'histoire d'Irena, une jeune femme slave se transformant en panthère pendant l'acte sexuel et dévorant ses amants. Schrader a compris le très grand potentiel érotique de ce récit, et a décidé de l'adapter au cinéma relativement permissif des années 1980. Là où Tourneur usait avec finesse de la suggestion et du sous-entendu, Schrader va donc jouer la carte de visions très démonstratives. Les scènes érotiques et les nudités féminines sont assez abondantes. De même, la violence est beaucoup plus graphique : un gardien de zoo se fait arracher un bras, on découvre des membres humains dans le système digestif d'un félin... Enfin, on assiste à une transformation détaillée et monstrueuse d'Irena en panthère : cette séquence bénéficie des grands progrès effectués au cours des années 1970 en matière de maquillage et de prothèse (on pense ici particulièrement à la spectaculaire métamorphose de Le loup-garou de Londres (1981) de John Landis...). Schrader a aussi développé la mythologie des hommes-félins en créant le personnage de Paul, le frère d'Irena, victime de la même malédiction ancestrale : la mythologie fantastique de cette race, qui ne peut survivre qu'en pratiquant l'inceste, est décrit avec beaucoup de soin.

La féline se veut un film à l'ambiance lourde et sensuelle : l'action prend place à la Nouvelle Orléans, ville à l'atmosphère constamment humide et pesante. Le rouge du sang (sang virginal, sang des proies...) et du désir inonde l'écran. On apprécie surtout l'univers fantastique de ce désert africain étrange où se déroulent les épisodes irréels liés au mystère des hommes-panthère : ces séquences envoûtantes (et un peu kitsch...) annoncent les formidables reconstitutions théâtrales des trois romans dans Mishima. La musique aimerait aussi être féline et élégante, mais il faut hélas constater que Moroder n'est pas très en forme sur ce coup là.

La féline souffre de plusieurs gros défauts. D'abord, le casting n'est pas très réussi. Nastassja Kinski est très jolie, mais elle manque de présence et ne parvient pas à faire oublier le jeu impeccable de Simone Simon dans la version de 1942. Malcom Mc Dowell paraît peu concerné par son rôle et ne semble pas faire les efforts nécessaires pour lui donner le minimum d'intensité requise. Quant à John Heard, son manque complet de charisme et de personnalité sont bien embarrassants. De plus, le film paraît beaucoup trop long : il faut plus d'une heure et demie pour que le récit commence à faire preuve d'un peu de nervosité (à partir du moment où Irena accepte sa nature réelle). De même, la réalisation est trop souvent molle et quelconque (la fin est à ce titre particulièrement ratée). Quand le réalisateur se met à vouloir imiter, plan par plan, la célèbre scène de la piscine (la séquence la plus époustouflante du film de 1942), le spectateur est gêné devant tant d'inefficacité.

Malgré une démarche ambitieuse et des idées intéressantes pour développer le mythe fantastique et érotique de la femme-panthère, Schrader ne parvient pas à convaincre complètement, à cause d'un rythme, d'un casting et d'une réalisation beaucoup trop nonchalants.

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