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Regan, la fille d'une célèbre actrice de cinéma, se conduit d'une manière de plus en plus étrange et agressive. On est obligé de l'attacher à son lit et de lui faire subir des tests médicaux très lourds. La science se révèle impuissante à soigner la fillette, et les médecins conseillent à sa mère de faire appel à un exorciste...



William Friedkin a longtemps travaillé pour la télévision aux USA, où il est devenu un réalisateur de documentaires réputé. Pour le cinéma, il commence par tourner des comédies légères et musicales : Good time (1967) avec les chanteurs Sonny et Cher et The night they raided Minsky's (1968). Avec The birthday party (1968), il s'attaque à un projet plus ambitieux : l'adaptation d'une pièce de Harold Pinter avec Robert Shaw (Les dents de la mer (1975)...). Il commence alors à s'attaquer à des sujets sensibles et originaux : Les garçons de la bande (1970) parlent d'un groupe d'amis homosexuels, et French connection (1971) est un polar réaliste sur le trafic de drogue. Ce dernier film sera un grand succès et lancera pour de bon la carrière de grand réalisateur hollywoodien de Friedkin. Juste après, il se tournera vers l'horreur avec L'exorciste, adaptation d'un roman à succès de William Peter Blatty : il deviendra le plus célèbre de ses films. Il n'abordera pourtant l'horreur qu'assez rarement dans sa carrière. Pour L'exorciste, il a choisi un casting dont la qualité est pour beaucoup dans sa réussite. Le père Merrin est interprété par Max Von Sydow, acteur suédois indissociable des plus belles réussites d'Ingmar Bergman (Le septième sceau (1957), Les fraises sauvages (1957)...) ; grâce au succès de L'exorciste, il va devenir une vedette de stature internationale (Flash Gordon (1980), Conan le barbare (1982)...). Pour le rôle de la mère de Regan, il choisit Ellen Burstyn (Alice n'est plus ici (1975) de Martin Scorsese, Providence (1977) d'Alain Resnais...), ancienne élève de l'Actor's Studio. Friedkin choisit encore (très bien) Jason Miller, un dramaturge-acteur qu'il venait de découvrir au théâtre, pour le personnage central du père Carras. Regan, la fillette possédée, est interprétée par l'étonnante Linda Blair, qui se retrouvera ensuite, un peu malgré elle, cantonnée dans le cinéma d'horreur (L'été de la peur (1979) de Wes Craven, L'exorciste II, l'hérétique (1977) de John Boorman, et même la parodie Y-a-t-il un exorciste pour sauver le monde ? (1990) avec Leslie Nielsen...).
L'exorciste s'inscrit dans un courant du cinéma d'épouvante inspiré par un folklore purement chrétien, mettant en scène Satan et ses démons. L'abondante production fantastique des années 1960 n'avait qu'assez peu abordé cette voie. En Grande-Bretagne, on peut signaler, à la limite, Rendez-vous avec la peur (1957) de Jacques Tourneur (bien qu'il mélange la sorcellerie médiévale et la magie païenne scandinave) et surtout Les vierges de Satan (1967) de Terence Fisher avec Christopher Lee pour la compagnie Hammer. Mais, c'est bien entendu Rosemary's baby (1968) de Roman Polanski qui sera le plus influent : une femme enceinte s'y croit persécutée par des satanistes ; par son sujet, son cadre urbain et contemporain, et son refus des oripeaux folkloriques du cinéma d'horreur traditionnel (bien qu'il ne renonce pas complètement à une certaine poésie du fantastique), il annonce clairement le style de L'exorciste.

En effet, L'exorciste se caractérise avant tout par la crudité documentaire de sa réalisation. Friedkin ne cherche pas, par sa réalisation, à créer une atmosphère poétique et irréel : au contraire, son cinéma vigoureux et tendu est plus proche de la forme d'un thriller agressif, comme l'était French connection. Le réalisme se trouve aussi dans la peinture sans concession des personnages et de leur environnement social : l'hôpital misérable dans lequel est placé la mère de Karras, le personnage médiocre du réalisateur de cinéma... De leurs côtés, les effets spéciaux qui accompagnent les manifestations démoniaques du démon frappent, eux aussi, par leur vérité. A cet effet, Friedkin a recours aux services de Dick Smith, maquilleur prestigieux qui avait réalisé les vieillissements spectaculaires de Dustin Hoffman dans Little big man (1970) d'Arthur Penn, et de Marlon Brando dans Le parrain (1972) de Francis Ford Coppola. Smith poursuivait ici les innovations techniques mises au point par John Chambers pour les maquillages de La planète des singes (1968) de Franklin J. Schaffner (notamment l'usage du latex pour créer des masques souples). Le visage possédée de Regan reste proche de celui d'une petite fille, bien qu'il soit couvert de griffures et de brûlures crédibles et répugnantes. De même, la fameuse scène où la fillette est soumise à des tests horribles à l'hôpital fonctionne grâce à son vérisme âpre. L'exorciste va donc confrontater des manifestations horrifiques surnaturelles presque moyen-âgeuses à un univers contemporain et urbain très sombre. Toutefois, il faut rappeler que cette façon d'appréhender l'épouvante de manière documentaire, en renonçant aux caractéristiques de l'horreur cinématographique traditionnelle, venait d'être employée avec succès dans La nuit des morts-vivants (1968), le chef d'oeuvre de George Romero.

Par sa structure, L'exorciste se compose d'une introduction et de deux parties bien distinctes. Le prologue, peut-être le passage le plus réussi du film, nous entraîne en Irak, où le père Mérin, un prêtre archéologue, découvre sur le site de Ninive une petite statue du dieu assyrien Pazuzu et une étrange médaille paléo-chrétienne. Puis, la première partie du métrage nous montre comment les médecins tentent, en vain, de soigner la schizophrénie de Regan à l'aide des sciences rationnelles. Enfin, la deuxième heure du film raconte comment les religieux catholiques vont affronter la présence démoniaque qui possède la fillette.

C'est dans cette dernière partie que Friedkin va s'attaquer au thème central de ce récit : la problématique de la foi et du doute. Il dit avoir rencontré de nombreux catholiques pour préparer la réalisation de cette oeuvre ; on notera d'ailleurs que son excellent Le sang du châtiment (1988) raconte comment un procureur catholique est amené à réfléchir sur l'usage de la peine de mort dans le procès d'un meurtrier sadique. Tout au long du L'exorciste, les manifestations du Diable seront assez spectaculaires, mais, au fond, peu efficaces. Le Mal absolu reste attaché sur son lit à l'aide de quelques liens et ne parvient que rarement à commettre des actes violents (on ne voit pas comment meurt le père Merrin, et on a aucune certitude que Regan ait assassiné le réalisateur). De même, quelques gouttes d'eau bénite suffisent à le neutraliser. La puissance du démon se situe en fait bien plus dans les manœuvres qu'il emploie pour faire douter les hommes de la bonté de Dieu, ainsi que pour leur prouver qu'ils sont des pécheurs faibles et corrompus. Dans chaque confrontation, il va s'adapter aux faiblesses particulières de son adversaire : la mère de Regan, qui s'occupe seule de sa fille adolescente, doit assister à une séance obscène de masturbation ; pour le père Karras, le Diable prendra l'apparence de sa mère décédée alors qu'il n'a pas pu lui payer un hôpital décent ; pour le père Merrin, le démon invoquera la statue de Pazuzu, redoutable présence démoniaque qui angoisse le prêtre depuis son expédition à Ninive. Ce n'est qu'en concrétisant la doctrine enseignée par le Christ dans ses actes (le sacrifice pour autrui) que le père Karras vaincra le démon, et donnera enfin un sens à sa vocation chancelante.

Une autre force de L'exorciste est de jouer avec une certaine adresse la carte de l'ambiguïté : il n'est pas exclu que l'ensemble de la tragédie à laquelle on assiste ne soit que la vision très subjective de cette histoire telle que la perçoivent ses protagonistes, entraînés dans une spirale angoissante de doute et d'hystérie collective (le discours des médecins à propos de la schizophrénie et l'efficacité des exorcismes prend alors une résonance particulière...). Cette dimension singulière donne une épaisseur supplémentaire à ce récit qui pourrait alors s'avérer bien plus complexe qu'il n'en a l'air.

Malgré tout, L'exorciste n'est pas un film sans défaut. Les manifestations démoniaques spectaculaires reposent, certes, sur d'excellents effets spéciaux et sur un travail de la bande-son particulièrement novateur (bruitages peu ragoûtants, bandes passés à l'envers et à diverses vitesses...) : mais leur réalisation manque parfois de subtilité, et peuvent même donner une impression d'excès dans le sensationnalisme racoleur qui finit par les faire sombrer dans une représentation ridicule des croyances chrétiennes. Ainsi, même un fanatique de cinéma d'épouvante aura bien du mal à garder son sérieux lorsque la petite Regan éructe des "Ta mère suce des bites en Enfer !" à tout va. Certains passages (notamment la fin) paraissent inégaux et décevants.

Néanmoins, grâce à la qualité de sa réalisation énergique, à ses innovations et à ses interprètes excellents (on évitera le médiocre doublage français), L'exorciste reste une oeuvre puissante et unique. Il sera un énorme succès pour la Warner Bros, qui ne regrettera pas d'avoir été la première grande compagnie à produire une oeuvre d'horreur tendant aussi ouvertement vers le gore ! Il lancera une vague d'épouvante sataniste dans le cinéma mondial, que ce soit en France (Exorcisme (1974) de et avec Jesus Franco...), en Italie (La maison de l'exorcisme (1974), réalisé au départ par Mario Bava, et dans lequel le producteur Alfredo Leone a intégré sans scrupule des séquences d'exorcisme assez gratuites...), en Grande -Bretagne (la série des Damien, inaugurée par La malédiction (1976) de Richard Donner...)... Récemment, Hollywood s'en est encore beaucoup inspiré pour les oeuvres voulant exploiter la peur millénariste du passage à l'an 2000 (Stigmata (1999) de Rupert Wainwright, Les âmes perdues (2000) de Janusz Kaminski...). L'exorciste aura deux séquelles : L'exorciste II, l'hérétique, décevant malgré la présence de l'acteur Richard Burton et du réalisateur John Boorman au générique ; L'exorciste, la suite (1990) de William Peter Blatty (auteur du roman original), très intéressant et très sous-estimé.

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Faux classique
■ Nevenka 02/11/2005
Assez d'accord avec Manu dans l'ensemble. Je serais même peut-être plus dur : la réputation de ce film me semble très nettement usurpée et sa valeur surestimée. La réalisation sombre fréquemment dans le tape-à-l'oeil lourdingue et le tout avec un sérieux plombant. Malgré cela, Friedkin arrive quand même à planter une ambiance malsaine, mais il a fait bien mieux et le film déçoit de la part d'un cinéaste de sa trempe (French connection, Le Convoi de la peur, Cruising, Police fédérale LA, Traqué, tout de même !)
Repose le crucifix chérie...
■ Vonv 02/02/2004
L'exorciste est le meilleur film traitant de la possession à mon goût.
S'il ne fait pas peur réellement, il impressionne par la violence des scènes et des images. Les acteurs sont bons mais on remarquera surtout la pitite fille toute mignone qui une fois passée au maquillage vous donne pas franchement envie d'avoir des enfants...

...et quand elle commence à jurer comme Cthulhu réveillé de son sommeil millllénaire : un régal !!!

A déguster... entre adultes :)
Une meilleure note que diable
■ Docteur Clarendon 31/07/2003
Ce film mérite une note largement supérieure ! Il a été et il est encore un must dans le genre qui eut un important impact à son époque. Pour ma part j'adore il n'y a pas d'égal ou quasiment sur le thème.
L'Appel de Cthulhu 7e Édition est copyright © 1981, 1983, 1992, 1993, 1995, 1998, 1999, 2001, 2004, 2005, 2015 de Chaosium Inc.; tous droits réservés. L'Appel de Cthulhu est publié par Chaosium Inc. « Chaosium Inc. » et « L'Appel de Cthulhu » sont des marques déposées de Chaosium Inc. Édition française par Edge Entertainment.
Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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