Ash et sa petite amie décident de passer une nuit en amoureux dans une cabane située en pleine forêt. Mais, sans le faire exprès, ils déclenchent l'apparition d'un démon qui va tourmenter et assiéger Ash pendant 24 heures de terreur...
Après le succès d'Evil dead (1982), Sam Raimi a pu réaliser Mort sur le grill (1985) (écrit avec les frères Coen, alors inconnus), son premier film professionnel : mais cette comédie burlesque déçoit le public qui attendait de lui une nouvelle oeuvre d'épouvante. Il réalise alors Evil dead 2, pour sa propre compagnie Renaissance. Le budget assez modeste (3 millions de dollars) est néanmoins bien supérieur à celui d'Evil dead (50.000 $ seulement) et Raimi bénéficie cette fois d'une infrastructure professionnelle pour porter à l'écran ses inventions. On retrouve évidemment Bruce Campbell (Maniac cop (1987) de William Lustig, Los Angeles 2013 (1996) de John Carpenter...) dans le rôle de Ash, ainsi que Ted Raimi (qui a participé à la plupart des réalisations de son frère Sam).
Un autre élément commun aux deux films est la présence du Necronomicon, célèbre manuscrit de sorcellerie inventé par Lovecraft. Ici, il est présenté comme un ouvrage permettant aux morts d'affronter les démons, c'est à dire comme une oeuvre relativement bienfaisante. Les sortilèges intervenant dans Evil dead 2 permettent de convoquer le démon Gandar d'une part, et de le chasser à travers un portail dimensionnel d'autre part (l'usage de ce portail donnant lieu à un court trip psychédélique rappelant un peu le voyage sur Jupiter de 2001, l'odyssée de l'espace (1968) de Stanley Kubrick !). A priori, on ne trouve pas d'autres références explicitement Lovecraftienne dans Evil dead 2. On note encore que cet exemplaire du Necronomicon est illustré de portraits de démons qui évoquent plus les bandes dessinées d'épouvante américaines des années 50 que des enluminures antiques et médiévales.
Comme pour Evil dead, les influences de Raimi proviennent de deux sources essentielles, qui n'ont qu'assez peu de rapport avec l'épouvante : les comics et le cinéma burlesque (il a toujours revendiqué l'influence sur son travail des comédies des "trois idiots" (three stooges, comiques ayant sévi dans le cinéma américain au cours des années 50 et 60 (The three stooges in orbit (1962)...) ). Ces éléments, complétés par son inventivité technique sidérante, donnent à la réalisation de ses meilleures oeuvres un cachet tout à fait unique. La caractérisation psychologique des personnages est traitée très grossièrement, sans faire de détail, pour laisser rapidement la place aux séquences d'action pure : Evil dead 2 est ainsi rythmé par une succession d'évènements fantastiques chaotiques, dont l'enchaînement frénétique est plus dicté par une recherche d'efficacité dans les rebondissements que par une logique quelconque. La réalisation de Sam Raimi se distingue par l'emploi quasi-permanent de cadrages très serrés et biscornus, de jeux sur la vitesse de projection des séquences (accélérés...), d'objectifs délibérément très déformants, ainsi que par des travellings et des panoramiques à la fois virtuoses, spectaculaires et bizarroïdes. La bande-son est aussi traitée avec un soin tout particulier, et participe au dynamisme de l'ensemble (hurlements et déplacements des démons...). Le tout est monté avec beaucoup de nervosité et de précision. Tout cela donne à Evil dead 2 l'aspect époustouflant d'un impressionnant dessin animé de Tex Avery, peuplé de démons et de zombies, et étiré sur 80 minutes.
Mais l'influence du burlesque et des comics se retrouvent aussi ailleurs que dans la structure du récit et la réalisation d'Evil dead 2. On apprécie ainsi la superbe direction artistique qui donne à chaque détail de la cabane et à chaque visage de démon un aspect très graphique, proche de la bande-dessiné. Les effets spéciaux qui donnent vie aux créatures malfaisantes font souvent appel à l'animation image par image, ce qui donne un aspect magique indéniable à ces séquences et rend hommage aux monstres créés par le maître des effets spéciaux Ray Harryhausen (dans Jason et les argonautes (1963) de Don Chaffey par exemple...), autre grande influence de Sam Raimi. De même, l'interprétation très physique de Bruce Campbell, qui n'est pas avare en grimaces et en acrobaties en tout genre, est assez proche de celle d'un Buster Keaton (Le mécano de la Général (1927) ou d'un Chaplin (La ruée vers l'or (1925)...). Raimi est assez astucieux pour détourner des séquences typiques du cinéma d'épouvante dans une direction plus comique : ainsi, lorsque Ash doit affronter sa propre main possédée, on pense à des classiques de l'horreur, comme Les mains d'Orlac (1924) de Robert Wiene, ou La bête aux cinq doigts (1946) de Robert Florey avec Peter Lorre. Mais cette main va ici s'exprimer avec une voix de personnage de dessin animée et briser violemment des piles d'assiettes sur la tête de Ash, comme dans un spectacle de clowns ! Ce mélange d'épouvante et d'humour énergique donne à Evil dead 2 toute son étrangeté singulière et démente, qui paraît plus aboutie que dans Evil dead. A ce titre, c'est évidemment la première partie du film, durant laquelle Ash est seul dans la maison, qui est la plus réussie : la succession ininterrompues d'évènements étranges qu'il doit affronter possède un caractère surréaliste et onirique tout à fait étonnant (on pense évidemment à la séquence du miroir, ou au moment où la maison est secouée d'un rire démentiel...).
On remarque aussi que la fin assez curieuse d'Evil dead 2 est en décalage avec le cinéma d'épouvante traditionnel et annonce les oeuvres à venir de son réalisateur. On note d'une part que, suite à un bricolage digne de la série TV L'agence tout risque, Ash se transforme en un super-héros mi-homme mi-machine, ce qui annonce d'une certaine manière le Spider-man de Sam Raimi (qu'on attend tous avec impatience !) et son excellent Darkman (1990), sans aucun doute un des meilleurs films de ce genre, bien supérieur aux Superman des années 80 ou aux Batman de Tim Burton. Le final nous rappelle le goût de Raimi pour le cinéma d'aventures fantastiques, style auquel appartiendra complètement le troisième Evil dead : L'armée des ténèbres (1993).
Par son ambiance unique et sa réalisation inimitable, Evil dead 2 est une oeuvre tout à fait unique et réussie. Plus inventif et techniquement plus satisfaisant qu'Evil dead, il allait connaître un beau succès public, notamment en France.