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Chassé d'un village à cause de la nature blasphématoire de ses travaux, le docteur Frankenstein se rend à Karlstaad, où il a séjourné une décennie auparavant. Il y retrouve, conservée dans un glacier, la créature qu'il avait fabriquée il y a dix ans et que les habitants de la ville avait abattue...



La compagnie Hammer avait déjà produit, avec succès, deux épisodes des aventures horrifiques du docteur Frankenstein : Frankenstein s'est échappé ! (1957) et La revanche de Frankenstein (1958), tous les deux réalisés par Terence Fisher (Le cauchemar de Dracula (1958), La nuit du loup-garou (1961)...), réalisateur le plus emblématique de cette maison de production. Puis, la Hammer va, pendant quelques années, essentiellement traiter des mythes nouveaux pour elle : Les deux visages du docteur Jekyll (1960) (elle avait déjà abordé le roman de Stevenson, mais sur le ton de la comédie, avec The ugly duckling (1959)), Le fantôme de l'opéra (1961), L'empreinte du dragon rouge (1961) (porté sur l'aventure et l'horreur à la mode oriental...). Mais, à partir de 1963, cette compagnie se lance dans une série de séquelles recyclant les figures les plus populaires de l'horreur présentes dans son catalogue : Le baiser du vampire (1963) de Don Sharp, Les maléfices de la momie (1964) de Michael Carreras, et cette troisième aventure du baron Frankenstein produite pour le cinéma : L'empreinte de Frankenstein. On retrouve dans le rôle du savant l'incontournable Peter Cushing (Frankenstein s'est échappé !, Le cauchemar de Dracula...), qui l'interprète pour la troisième fois consécutive.Terence Fisher cède son fauteil de réalisateur à Freddie Francis. Le monstre est interprété par Kiwi Kingston, un catcheur néo-zélandais, qui ne tournera qu'un autre film au cinéma (Hysteria (1965) de Freddie Francis). L'hypnotiseur est interprété par Peter Woodthorpe, qui, entre autres, prêtera sa voix à Golum dans le version en dessin animé de Le seigneur des anneaux (1978) par Ralph Bakshi.
Le réalisateur Freddie Francis est, comme Terence Fisher, Don Sharp (Les treize fiancées de Fu Manchu (1966)...) ou John Gilling (L'impasse aux violences (1959)...), un nom respecté du cinéma fantastique britannique des années 1960. Il commence sa carrière dans les années 1940, notamment en tant qu'assistant-opérateur pour des oeuvres comme La renarde (1950) de Michael Powell et Émeric Pressburger ou Moulin-Rouge (1952) de John Huston. Puis, il accède au rang de directeur de la photographie (Samedi soir, dimanche matin (1960), jalon du "nouveau cinéma" anglais réalisé par Karel Reisz, Les innocents (1961) de Jack Clayton...). Enfin, il réalise ses premières oeuvres au début des années 60. Paranoïaque (1963), un thriller horrifique avec Oliver Reed (Les diables (1971) de Ken Russell...) sera son premier film pour la Hammer, avec laquelle il collaborera régulièrement (Hysteria (1965), Dracula et les femmes (1968)...). Il travaillera aussi souvent avec l'Amicus, une autre compagnie anglaise, notamment pour certains de ses fameux films à sketchs (Le train des épouvantes (1965), Contes d'outre-tombe (1972)...). Mais la carrière de Francis suivra le déclin de l'épouvante britannique au cours des années 1970, et il retournera, avec succès, au poste de directeur de la photographie pour Elephant man (1980) et Dune (1984) de David Lynch, Les nerfs à vif (1991) de Martin Scorsese... En 1999, à 82 ans (!), il dirige avec brio la superbe photographie de Une histoire simple (1999) de David Lynch.

Mais, revenons au film lui-même : L'empreinte de Frankenstein. Comme c'était déjà le cas dans les deux épisodes précédents produits par la Hammer, le personnage principal du film n'est pas le monstre, mais bien le professeur lui-même. Et, ici, son statut de héros semble devenir de moins en moins ambiguë. En effet, Frankenstein s'est échappé ! et La revanche de Frankenstein insistaient sur le cynisme de ce savant, sur sa froideur et sa cruauté. Mais dans L'empreinte de Frankenstein, ces éléments disparaissent totalement. Le docteur Frankenstein est considéré comme un bienfaiteur de l'humanité, un homme droit honteusement persécuté par l'obscurantisme des religieux et par des bourgeois arrivistes. Pour renforcer encore cette impression, le professeur bondit, galope et se bat, comme un personnage de film d'aventures, ce qui est tout de même assez inattendu pour un savant. Néanmoins, la manière dont il traite sa créature n'est toujours pas d'une grande générosité.

Le passage du professeur Frankenstein du statut de personnage ambiguë à celui de héros (presque) irréprochable force les scénaristes a introduire dans l'histoire un véritable "méchant". Zoltan l'hypnotiseur, indispensable à Frankenstein pour réanimer sa créature après son long séjour dans la ans la glace (cglace, se comportera donc comme un opportuniste répugnant : il emploiera son pouvoir de suggestion sur la créature pour la forcer à commettre des vols et des agressions, et pour faire chanter Frankenstein (le monstre n'obéit plus qu'à Zoltan).

Dans L'empreinte de Frankenstein, on remarque aussi une volonté d'humaniser le personnage du monstre. Une mendiante muette, rejetée comme lui, se prend d'affection pour cette créature, avec qui elle "discute" alors qu'elle est prise dans la glace (une scène très touchante) et qu'elle sera la seule à traiter avec humanité. Par quelques signes fugaces (il la porte dans les montagnes...), le monstre prouvera son attention pour cette petite mendiante. Cela rappelle un peu La fiancée de Frankenstein (1931) de James Whale, notamment la superbe scène dans laquelle le monstre incarné par Boris Karloff rencontre un ermite aveugle. Mais, ici, ces passages émouvants sont relégués au second plan et ne sont pas assez développés pour vraiment convaincre.

On sait que la Hammer n'a jamais conservé deux fois de suite le même aspect du monstre, contrairement à la Universal chez qui le fameux look inventé par Jack Pierce pour Frankenstein (1931) de James Whale a été ré-utilisé dans tous les épisodes qu'elle a produit. Ici, elle a autorisé la Hammer à reprendre ce vuisuel pour L'empreinte de Frankenstein. Le monstre retrouve donc la grande taille, le haut front, les lourdes paupières et les membres disproportionnés de la créature des films Universal. Pourtant, le maquillage est passablement bâclé et souffre d'être comparé à celui de Jack Pierce. On remarque aussi de nombreux autres clins d'oeil aux films Universal : comme dans Frankenstein, le professeur occupe un vaste laboratoire en forme de tour et capte l'énergie de la foudre avec un énorme paratonnerre placé à son sommet. Quand à la conservation du monstre dans la glace, c'est aussi une référence à Frankenstein rencontre le loup-garou (1943) de Roy William Neill et La maison de Dracula (1944) de Erle C. Kenton, produits par la Universal, dans lesquels la créature est retrouvée congelée.

Freddie Francis étant un très habile technicien, on apprécie les magnifiques images qu'il nous propose, que ce soit la campagne imprégnée de teintes brunes et vertes, ou les délires colorés accompagnant création du monstre. Les décors sont somptueux (la fête foraine multicolore, les deux laboratoires très spectaculaires du professeur, les montagnes, le château...). De son côté, l'interprétation est homogène et irréprochable.

Pourtant, L'empreinte de Frankenstein souffre d'un gros problème de narration. Sa construction est très chaotique (le long (et superbe) flash back...) et le récit ne semble prendre ses marques qu'au milieu du métrage, à partir de la rencontre avec le "docteur" Zoltan : il se dégage donc de ce film une impression de lenteur hésitante. On regrette encore un certain manque d'originalité dans le traitement de cette histoire, tout de même assez rabâchée.

L'empreinte de Frankenstein n'est pas très apprécié par les fans de la Hammer, qui lui reproche de ne pas s'inscrire correctement dans la série des films de Frankenstein produits par cette compagnie. Pourtant, grâce à ses splendides qualités plastiques, son interprétation très solide et ses séquences spectaculaires (création du monstre, incendie du laboratoire...), il reste un divertissement réjouissant, auquel il manque toutefois une construction dramatique plus rigoureuse pour vraiment convaincre.

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