A l'occasion des travaux du Grand Louvre, une momie est découverte dans les réserves du musée. Un fantôme s'en échappe et prend possession de Lisa, une jeune fille fragile.
Belphégor est le premier film fantastique de Jean-Paul Salomé, auparavant réalisateur de comédies, comme Les braqueuses (1994) et Restons groupés(1998), et de téléfilms. Ici, Il bénéficie de la présence d'interprètes populaires d'assez grande envergure, comme Michel Serrault (Les diaboliques (1955) de Henri-Georges Clouzot, Docteur Petiot (1990)... et plus de cent comédies diverses et variées!) et Sophie Marceau (La boum (1980), le James Bond Le monde ne suffit pas (1999)...). On remarque encore la présence de l'excellente comédienne britannique Julie Christie (Fahrenheit 451(1966) de François Truffaut, Ne vous retournez pas (1973) de Nicolas Roeg...) ou du jeune Frédéric Diefenthal (Taxi(1998), Taxi 2 (2000)...).
Ce n'est pas la première fois qu'un mythe populaire fantastique issu de la littérature française est porté à l'écran. Ainsi, récemment, Christophe Gans s'est inspiré lui aussi d'une légende
franchouillarde (la bête du Gévaudan) pour mettre en scène avec panache Le pacte des loups (2001), tandis qu'Olivier Dahan a réalisé une nouvelle version de Le petit poucet (2001) d'après les contes de Perrault. Ceux-ci ont servi maintes fois d'inspiration aux dessins animés produit par la compagnie Walt Disney : Cendrillon (1950), La belle au bois dormant (1959) par exemple... De même, La belle et la bête de Jeanne Marie Leprince de Beaumont a donné lieu à plusieurs adaptations homonymes, dont le chef d'oeuvre de Jean Cocteau en 1946, un dessin animé de Walt Disney en 1991 et même une série télévisée américaine à la fin des années 80. Notre-Dame de Paris de Victor Hugo triomphe aux USA dès son adaptation de 1925 par les studios Universal, qui fera de Lon Chaney une star. On retrouvera Lon Chaney dans Le fantôme de l'opéra (1925), d'après le roman du même nom de Gaston Leroux, produit par la compagnie Universal, qu'on peut considérer comme annonciateur de l'âge d'or du cinéma d'épouvante hollywoodien des années 30 : ce roman donnera lieu à de multiples autres adaptations au cinéma (Le fantôme de l'opéra (1962) de Terence Fisher, Phantom of the Paradise (1974) de Brian De Palma, Le fantôme de l'opéra (1998) de Dario Argento...). Enfin, les écrits de Jules Verne ont mainte fois, depuis Le voyage dans la lune (1902) de Méliès, été portés à l'écran dans le monde entier, notamment dans les années 50, suite au succès de 20 000 lieues sous les mers (1954) de Richard Fleischer. Les romans policiers de Boileau et Narcejac vont aussi être influents : Henri-Georges Clouzot porte à l'écran Les diaboliques (1955), si admiré par les américains qu'ils en feront un remake (Diabolique (1996) avec Isabelle Adjani et Sharon Stone) ; Hitchcock fait une adaptation de Sueurs froides (1958), qui s'avère être un de ses meilleurs films ; George Franju réalise, d'après un de leurs romans, Les yeux sans visage (1959) qui deviendra un des rares classiques du cinéma d'épouvante français... Bref, tout cela montre bien que le patrimoine fantastique français existe bien et n'a rien à envier au bestiaire classique hollywoodien, avec ses momies, ses vampires, ses exorcistes et autres professeurs Frankenstein.
Mais, Belphégor, le fantôme du Louvre surfe aussi sur la fameuse
égyptomanie, fascination typique du pays de Champollion pour l'histoire et l'archéologie de l'Egypte ancienne. Belphégor est ici le spectre d'un prince de la vingt-deuxième dynastie, dont l'âme ne peut pas trouver le repos car son corps n'a pas été momifié et enseveli selon les rites funéraires adéquats. Il va donc semer la terreur et la mort dans le Louvre et son quartier, notamment en prenant possession de Lisa, une jeune fille habitant à proximité du musée. Il est facile de reconnaître dans cette intrigue des éléments des films d'horreur dits "de momie", dont le premier et le plus classique est La momie (1932) de Karl Freund avec Boris Karloff. Mais, Belphégor, le fantôme du Louvre exploite aussi avec beaucoup de bonheur les extérieurs du centre de Paris et les salles du Louvre. Seuls quelques rares décors du célèbre palais ont été reconstitués en studio : la crypte égyptienne du musée et la salle de la cérémonie. Tout cela parvient à donner vie à un Paris fantastique et nocturne, plein de ruelles ombrageuses, de passages secrets, de silhouettes inquiétantes et de vieux cimetières. Ce folklore éminemment sympathique et très parigot semble avoir été oublié par le cinéma français depuis longtemps, et on est bien content de le retrouver en l'an 2000.
Belphégor, le fantôme du Louvre est aussi porté par une interprétation énergique, compétente et assez sympathique. Sophie Marceau colle parfaitement à son rôle, Lionel
Abelanski prête sa tronche bizarre à un inquiétant gardien et même Frédéric Diefenthal (qui a pourtant fait souffrir les spectateurs dans les Taxi) finit par s'imposer comme un jeune premier à peu près convaincant. Enfin, Michel Serrault se régale de dialogues surécrits à sa démesure, et Julie Christie interprète avec énergie et bonne humeur une délicieuse vieille dame britannique spécialisée dans l'archéologie égyptienne.
La réalisation brille de son côté par une belle énergie : on ne peut vraiment pas dire qu'on s'ennuie devant Belphégor, le fantôme du Louvre. Pourtant, on sent bien que cette volonté de tenir le spectateur en haleine est parfois excessive et finit par l'emporter sur la cohérence du récit. Si le dernier tiers du métrage rebondit dans tous les sens, il est aussi furieusement confus, voire complètement incohérent et incompréhensible. On regrette aussi que les effets "pour faire peur" soient assez maladroits et souvent trop timides. Salomé a préféré favoriser le spectacle d'aventures familial plutôt que l'horreur, ce qui est son droit le plus strict : mais cela laisse tout de même une petite frustration chez les amateurs d'épouvante. Les effets spéciaux sont tout à fait corrects, mais pas toujours très terrifiants ni très bien amenés.
Certes, Belphégor, le fantôme du Louvre n'est pas un film parfait : il aurait pu être plus réussi si sa réalisation et son histoire avaient été plus solides et homogènes. Il reste néanmoins une agréable fantaisie bénéficiant d'une interprétation sympathique, et jouant sur le charme d'un Paris plein de mystères et de légendes populaires.
Bibliographie consultée
- L'écran fantastique numéro 208 (avril 2001)