Paula, une jeune étudiante en médecine très douée, intègre la prestigieuse université de Heidelberg où le très réputé professeur Grombek enseigne l'anatomie. Mais, un jour, elle reconnaît parmi les cadavres étudiés un jeune vagabond qu'elle a croisé peu de temps auparavant...
Anatomie est un film allemand financé confortablement par une filiale de la Columbia. Il est réalisé par un réalisateur autrichien, Stefan Ruzowitsky, dont les deux films antérieurs n'avaient pas de rapport avec l'épouvante. Peu motivé par le script original, très orienté vers le fantastique, que lui proposait le studio, il l'a ré-écrit pour en faire un thriller très efficace. Le rôle principal est tenu par Franka Potente, remarquée pour sa foulée énergique dans Cours Lola cours (1998). Le rôle de son père est interprété par Rüdiger Vogler, comédien attachant, indissociable du cinéma de Wim Wenders (Alice dans les villes (1974), Lisbonne story (1994)...).
La première partie, très classique, nous présente les principaux protagonistes de l'histoire. On craint alors un peu de voir le récit policier noyé sous des péripéties sentimentales peu captivantes, comme cela a été le cas dans Scream (1996) de Wes Craven par exemple. On note toutefois la présence de Gretchen, jeune fille intelligente et sexuellement épanouie qui devra affronter la jalousie des garçons : ce portrait est teinté d'un féminisme réel et relativement mature, bien loin des nunucheries du cinéma américain ou des "provocations" infantiles d'une Catherine Breillat (Romance (1999)...). Cette première moitié du métrage est relativement bien rythmée et n'oublie pas de proposer des séquences stressantes très réussies. Une fois l'intrigue mise en place, Anatomie trouve son rythme et devient absolument passionnant à suivre. Ruzowitsky parvient à concilier un script très solide et une réalisation efficace et très nerveuse.
Mais Anatomie n'est pas seulement un habile suspens : c'est aussi une réflexion intéressante sur l'Allemagne et son passé. A travers la présentation d'une société secrète élitiste qui sévit au cœur de l'université de médecine, Ruzowitsky reprend les réflexions du réalisateur Rainer Werner Fassbinder (dans L'année des treize lunes (1978) ou Le mariage de Maria Braun (1979) par exemple ): la prospérité de l'Allemagne de l'après-guerre a été bâtie sur l'égoïsme, l'appât du gain, la réussite à tout prix et la domination de la société par une élite économique et intellectuelle avide de deutschemarks. Malgré une attitude internationale pacifiée, les mentalités n'ont pas forcément évolué de façon positive : Anatomie nous montre comment on reproduit les mêmes schémas de fonctionnement que dans les camps de concentration au sein de la très prestigieuse université d'Heidelberg.
Pourtant, des personnes n'acceptent pas cet état des choses. Il n'est pas innocent que le père de Paula, médecin révolté par ces excès, soit interprété par Rüdiger Vogler, un comédien emblématique de la génération de cinéastes allemands (Wenders, Fassbinder, Herzog...) qui, dans les années 70, vont remettre en cause les valeurs de la République Fédérale d'Allemagne. Paula, de son côté, incarne la jeunesse allemande actuelle qui doit elle-aussi accepter de regarder la réalité de son histoire et se dresser contre les compromis afin de pouvoir s'accomplir et s'épanouir. Comme Fassbinder, encore une fois, Ruzowitsky prêche contre un oubli commode d'une histoire trop sombre. Il n'est d'ailleurs pas surprenant que Paula soit aidée dans sa quête de la vérité par un jeune historien !
Bref, Anatomie est loin d'être un simple sous-Scream. Bénéficiant d'un script et d'une réalisation très solides, il réfléchit aussi avec acuité sur les rapports entre la jeunesse allemande actuelle et son passé.