TocCyclopédie ■ Époques
Tristan Lhomme

Après quelques parties d'AD&D, vous avez décidé de vous mettre à L'appel de Cthulhu ou à Cyberpunk. Brusquement, le jeu de rôle qui, jusqu'ici, était un loisir simple, à base de couloirs, de trésors et de monstres, devient un marécage de fausses pistes, d'impasses, de «pourquoi», de «et si» et autres «peut-être ». Ne restez pas paralysé! de mois-ci, Casus vous donne quelques conseils pour jouer les Sherlock Holmes...

Où trouver l'information?


Si le scénario dans lequel votre personnage évolue est bien fait, vous disposez, au départ, d'un certain nombre d'informations, qui ne demandent qu'à se transformer en pistes au fur et à mesure que vous les exploitez. Certaines vous donneront de nouvelles données, d'autres rien du tout. Vous pouvez récolter des informations trompeuses ou risquer de négliger des données essentielles. Aucune importance! Voir les dernières pièces du puzzle se mettre en place après des heures de spéculations fiévreuses procure des sensations qui n'ont rien à envier à celles que l'on éprouve en massacrant un dragon.

Où chercher?


- Le lieu. Fouillez-le toujours à fond. S'il n'y a pas d'indices, tant pis, mais vous ne pourrez pas vous reprocher de l'avoir négligé... S'il y a eu crime, n'oubliez pas non plus d'examiner la victime.
- Les alentours. Le bâtiment, la rue... bref, ce qui se trouve dans un rayon de quelques dizaines de mètres. N'oubliez pas d'interroger le voisinage (voir plus loin).
- Les sources «de fond». Dans cette catégorie se rangent les administrations, les journaux, les recherches dans la bibliothèque de la ville, et autres corvées poussiéreuses.
Dans la plupart des jeux médiévaux-fantastiques, elles sont infiniment moins présentes, lorsqu'elles existent. En revanche, dans les univers contemporains, elles jouent un rôle très important (et deviennent la source d'information essentielle dans la plupart des jeux cyberpunks). Elles ont toutes un gros avantage: elles sont impersonnelles, et l'obtention de l'information dépend souvent d'un simple jet de dés, plutôt que de longues négociations avec des personnages non-joueurs (PNJ) peu fiables.
Attention: d'un scénario à l'autre, n'allez pas systématiquement aux mêmes endroits. Certains vieux joueurs peu imaginatifs ont tendance à se «figer» dans une série de routines toute faites. Poussé à l'absurde, cela donne des aventuriers d'AD&D, qui en quête de renseignements, cherchent un très hypothétique cadastre (ou pire, un journal local!), car «si ça marche à Cthulhu, pourquoi pas dans les Royaumes oubliés?».

A qui demander?


Votre personnage n'est pas seul au monde. Il y a plein de gens, autour de lui, qui ont des informations et qui sont disposés (dans certaines conditions) à lui en donner.
- Les PNJ du scénario. Ce sera, très probablement, votre principale source d'informations. Encore faut-il les approcher (voir plus loin), et surtout leur poser les bonnes questions... Écoutez-les très attentivement, mais prenez toujours leurs réponses avec des pincettes. Ils n'ont pas toujours intérêt à vous dire la vérité. Pire, ils n'ont souvent pas la moindre raison de vous raconter leurs petits secrets.
Je me souviendrai toujours de ce groupe de novices qui, au cours d'une partie de L'appel de Cthulhu, est allé candidement interroger le grand sorcier du scénario sur ses activités suspectes. Bien entendu, le PNJ les a baratinés, et les a envoyés tout droit dans un piège mortel. A la fin de la partie, mes joueurs ont très mal réagi lorsque je leur ai expliqué l'histoire. Ils n'avaient tout simplement pas imaginé que les PNJ pouvaient mentir, et avaient tout pris pour argent comptant... Donc, que ce soit bien clair: les PNJ peuvent mentir. Mais même leurs mensonges peuvent révéler des choses.
- Le «voisinage». Terme un peu vague, qui regroupe les personnages non prévus par le scénario, mais dont la présence est «logique». Cela va des voisins aux clients du bistrot du quartier en passant par les indics qui traînent dans les bas-fonds. Cette catégorie fourre-tout sert souvent au meneur de jeu (MJ) à réinjecter des informations que les joueurs ont laissé passer, par exemple faute d'être allés voir un PNJ secondaire. Il est toujours bon d'y consacrer un petit peu de temps, surtout si vous avez l'impression de patauger... («Et alors, je vais à l'auberge, et je cherche quelqu'un qui puisse me dire si Machin allait souvent chez Truc. - Tu as de la chance, il y a, au comptoir, un épicier dont le magasin est juste en face de chez Truc...»)
- Vos propres contacts. C'est toujours une bonne idée, lorsque vous créez un personnage, de lui inventer une histoire personnelle et des amis... et il n'est pas interdit de s'arranger pour que ces derniers puissent vous être utiles par la suite. Le MJ acceptera volontiers que vous alliez consulter votre pote Jojo, le médecin légiste, si vous l'avez créé avec son accord. En fait, un bon meneur de jeu aura déjà prévu quelles informations ce bon vieux Jojo va pouvoir vous donner, entre deux autopsies... En revanche, si vous sortez un ami médecin légiste de votre chapeau en pleine partie, le MJ risque de décider arbitrairement qu'il est parti suivre un séminaire au Groenland, et qu'il ne va pas rentrer avant quinze jours.

Raisonnez


Surtout, ne réfléchissez pas en tant que joueur! Ce n'est pas parce que vous avez vu que le scénario s'appelait La colline de l'horreur qu'il faut aller acheter trois caisses de dynamite puis miner la colline la plus proche. Autres exemples classiques de raisonnement pervers à ne surtout pas suivre: la copine du MJ, qui est rousse, vient de le plaquer. Or, il y a une PNJ rousse dans le scénario. Donc, c'est elle la meurtrière-sataniste-cannibale! Ou encore: c'est un scénario de Duglu, et dans tous les scénarios de Duglu, il y a un vieil ermite dans la forêt qui sait plein de choses. Dites, et si on allait cueillir des champignons dans les bois? Mieux vaut réfléchir «en situation», et en exploitant uniquement les informations dont dispose votre personnage.
Résoudre une énigme, c'est répondre à six questions: quoi, qui, où, quand, comment et pourquoi. Vous aurez souvent, au départ, la réponse à une ou deux de ces questions. Servez-vous-en pour trouver les autres. Vous savez, par exemple, qu'un magicien elfe a été tué (quoi) la nuit dernière (quand) dans une auberge (où) et que le meurtrier a utilisé une dague empoisonnée (comment). Il ne vous reste plus qu'à trouver le «qui» et le «pourquoi». En partant sur le «pourquoi», vous pouvez commencer à chercher dans le passé de la victime, à la recherche de quelqu'un à qui il aurait fait du tort... Il sera peut-être plus rapide d'interroger tous les herboristes de la ville, à la recherche d'un individu qui aurait acheté du poison (le «qui»). Il est souvent très instructif de chercher à préciser les réponses dont on dispose déjà. A quelle heure l'elfe a-t-il été tué? Cela peut être d'une importance vitale lorsque, en fin de scénario, vous en serez à examiner les alibis des suspects...
Une fois que vous aurez assez d'informations, construisez une théorie, en sachant qu'elle est toujours, par définition, provisoire. En général, les conclusions s'imposent d'elles-mêmes.
Ne vous braquez pas sur une solution «parfaite» en refusant de voir tous les éléments qui la contredisent. C'est l'erreur classique... Écoutez toujours les autres joueurs. Ils ont peut-être tiqué sur des détails que vous avez ignorés, et qui risquent d'être d'une importance vitale.

Restez souple


C'est, en fait, le point capital. Vous étiez persuadé qu'X était l'assassin parce que vous aviez repéré une incohérence dans son alibi, et vous venez d'obtenir la preuve qu'X est innocent? Bon. N'en faites pas une maladie. Profitez-en pour revoir tous les éléments en votre possession. Peut-être un détail oublié jusqu'ici accuse-t-il Y... Si vous avez l'impression de tourner en rond, ne vous énervez surtout pas. Un bon MJ se rendra compte que vous pataugez, et tentera de vous fournir quelques informations supplémentaires. Après tout, c'est aussi son intérêt, sous peine de voir son scénario sombrer. Si le MJ connaît son métier, un petit événement imprévu viendra vite relancer l'action. (Si vous êtes MJ, un conseil: méfiez-vous! Certains joueurs vont vous faire des coups du genre «je ne comprends rien et il ne se passe rien, donc je vais me mettre sur la place du marché et attendre qu'un passant vienne me souffler l'élément qui me manque.»)
Dans le pire des cas, le MJ dispose, dans de nombreux systèmes, d'un petit mécanisme très pratique: le jet d'Idée (ou sous l'Intelligence, le QI...), qui permet aux personnages affligés de joueurs vraiment lents d'additionner 2 et 2. Si vous vous sentez complètement perdu, vous pouvez toujours demander à en faire un... Mais c'est au MJ de décider si la situation le justifie. Il est souvent préférable de faire une pause-café d'un quart d'heure, ou de reprendre tous les éléments un à un jusqu'à ce que la lumière se fasse naturellement, plutôt que de la faire apparaître de force.

Comment approcher les PNJ?


En simplifiant à l'extrême, vous pouvez vous contenter d'un échange du type:
«Bon, je vais voir Machin.
- Il t'explique que le soir du crime, il a vu ceci et cela.» C'est réglé en deux phrases, mais c'est un peu sec... Il sera plus gratifiant de manoeuvrer intelligemment pour prendre contact avec Machin, puis de lui tirer discrètement les vers du nez au cours d'une conversation anodine. Tout dépend de l'expérience de votre MJ, de l'importance du PNJ et la façon de jouer des personnes présentes autour de la table. Plus vous désirez être réaliste, plus vous aurez de mal à soutirer des informations aux PNJ... et plus le jeu sera lent.
Quoi qu'il en soit, voici quelques conseils de base:
- N'y allez pas tous ensemble. On répond plus facilement à deux personnes qu'à une meute de quatre ou cinq individus. Et si on oublie une question, d'autres PJ pourront retourner la poser plus tard, dans d'autres circonstances. Mieux, les deux «sous-groupes» peuvent faire semblant d'être concurrents (des journalistes et des détectives, par exemple). C'est parfois utile...
- Ne passez pas des heures à mettre sur pied une stratégie subtile pour aborder quelqu'un, pour l'oublier ensuite dans le feu de l'action. Ne riez pas, cela arrive souvent! Il suffit généralement d'un rien pour décontenancer le joueur qui se charge du contact (un majordome un peu intimidant là où l'on attendait une vieille dame affable suffit souvent à faire bafouiller le plus endurci des PJ).
- Méfiez-vous des couvertures foireuses. Vous confieriez-vous à un journaliste dépourvu de carte de presse, ou à un inconnu plus ou moins sympathique qui veut connaître tous vos petits secrets comme ça, sans raison valable? Les PNJ n'ont aucune raison de le faire.
- Une couverture inadaptée, ou adoptée sans réfléchir parce qu'elle paraissait amusante, est souvent plus néfaste qu'autre chose. C'est sans doute très drôle, sur le moment, de sonner à la porte du grand méchant pour essayer de lui vendre des détergents, mais il y a une forte chance qu'il n'ouvre pas aux représentants, ou pire, qu'il les transforme en bananes, juste par principe...
- S'il y a quelque chose de pire qu'une absence de couverture, c'est une couverture trop parfaite. J'ai ainsi vu un joueur se préparer longuement à contacter un PNJ important pour lui soutirer des informations vitales. Après avoir longuement réfléchi, il a choisi de se faire passer pour un démarcheur en assurances. Pour éviter de rester à court au bout de deux phrases, il a potassé son sujet. Tant et si bien que lorsqu'il s'est enfin retrouvé en face de l'homme qu'il cherchait, il lui a parlé assurances. J'étais d'humeur taquine, ce jour-là, et j'ai décidé de jouer le jeu. Au bout d'un quart d'heure, le joueur est reparti l'oreille basse, ayant obtenu du PNJ la promesse de lui acheter une assurance-vie... et pas l'ombre d'une information. Il faut savoir glisser en douceur de l'histoire de couverture aux questions que vous cherchez à poser à votre gibier...
- Même si le PNJ ne répond pas à vos questions, ne vous énervez pas. Après tout, il est possible qu'il ne sache pas... Ce n'est pas nécessairement la peine de lui mettre les pieds à rôtir clans le feu pour vous en assurer! Après tout, son ignorance ou sa mauvaise volonté sont, en elles-mêmes, des informations.

La paperasse


A moins que vous ne jouiez dans un scénario court avec peu de PNJ, prenez des notes! C'est souvent
fastidieux, mais dès que vous êtes embarqué dans une affaire un peu complexe, c'est la clé du succès (et tout scénario s'étendant sur plus d'une séance et employant plus de quatre ou cinq PNJ est «complexe»).
Pour simplifier, il est parfois préférable de confier la responsabilité de prendre des notes à un seul joueur... au risque de le voir oublier certaines choses. Certains scénarios proposent des «aides de jeu», des documents tout faits que le MJ vous remettra lorsque votre personnage les aura trouvés.
Un conseil: lisez-les plutôt deux fois qu'une, et archivez-les soigneusement.
Généralement, une enveloppe glissée dans votre feuille de personnage suffit. Relisez régulièrement notes et aides de jeu à voix haute, et en laissant intervenir les autres joueurs s'ils désirent signaler un point qui leur semble obscur...
L'Appel de Cthulhu 7e Édition est copyright © 1981, 1983, 1992, 1993, 1995, 1998, 1999, 2001, 2004, 2005, 2015 de Chaosium Inc.; tous droits réservés. L'Appel de Cthulhu est publié par Chaosium Inc. « Chaosium Inc. » et « L'Appel de Cthulhu » sont des marques déposées de Chaosium Inc. Édition française par Edge Entertainment.
Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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