TocCyclopédie ■ Époques
Techniques d'assauts, Holocauste… tels sont deux des titres de chapitres de cet essai de Michel Houellebecq, écrivain-poète, qui nous propose de disséquer l'œuvre de Lovecraft, œuvre qui tient une place particulière importante dans la littérature fantastique. Ces titres, au premier abord rageurs, sont là pour nous rappeler la nature même de ces textes : provoquer chez les lecteurs un émerveillement transcendé par la peur.

Agréable à lire et pertinent, cet ouvrage assez court nous livre certains des secrets de narration utilisés par Lovecraft, qui rendent ses écrits si originaux, souvent imités mais jamais égalés. On apprend ainsi de Lui, qui avait définitivement choisi "le style contre la banalité" ; comment il a opté de relever le défi d'entamer ses récits par de fracassantes ouvertures ; quels ont été les thèmes qu'il a volontairement occultés sachant qu'il désirait passer au-dessus des mobiles humains et donc d'entrer dans le domaine de l'inhumain ! Comment il a employé des "effets d'échelle" : procédé architectural visant à créer des vertiges descriptifs, effets qu'il décline d'ailleurs à l'infini grâce à une grande culture et des recherches pointues ; qu'elle est la réelle importance de la condition de victime de tous ses personnages, ultime projection de lui-même, dans un monde indicible et innommable, ainsi que l'approche psychologique, voire philosophique par laquelle il est passé.

La dernière partie du livre est plus biographique et tend à rechercher l'origine de cette macabre inspiration. Michel Houellebecq, à l'aide de nombreux extraits de la correspondance du "gentleman de Providence", arrive à nous dresser un portrait surprenant et déprimant, n'éludant aucun élément de sa personnalité. On se rend aussitôt bien mieux compte de l'inadaptation de Lovecraft dans la société moderne et des difficultés qu'il eut lors de son intégration dans le monde dit "adulte". Sa relation avec Sonia Greene est parfaitement expliquée et éclairée d'un nouveau jour, et l'on découvre surtout le réel impact qu'a eu sur lui son voyage à New York. Je vous laisse le plaisir de lire la description d'un immigré New-Yorkais : digne du plus flasque des Profonds hantant les récifs d'Innsmouth !

En conclusion, c'est un livre particulièrement instructif aussi bien pour les admirateurs de l'écrivain que pour les Gardiens des Arcanes. Ces derniers pourront sûrement en tirer de nombreuses idées de narration. Il permet aussi d'avoir une excellente vision de l'état de dépression dans laquelle se trouve un personnage face à la signification cosmique du Mythe de Cthulhu. Je précise aussi avoir décelé un curieux parallèle entre H.P. Lovecraft et M. Houellebecq, dont le pessimisme et l'objectivité se rejoignent souvent ; d'ailleurs si vous ne connaissez pas encore ce formidable auteur, je ne saurai que trop vous conseiller de le découvrir et de lire son roman : Les particules élémentaires chez Flammarion.

Enfin, je ne résiste pas à l'envie de laisser l'auteur s'exprimer un instant :

"Sur l'ensemble de l'édifice conçu par HPL plane […] comme une atmosphère aux mouvances brumeuses, l'ombre étrange de sa propre personnalité. On pourra juger exagérée, voire morbide, l'ambiance de culte qui entoure le personnage, ses faits et gestes, ses moindres écrits. Mais on changera d'avis, je le garantis, dès qu'on se plongera dans les "grands textes". À un homme qui vous apporte de pareils bienfaits, il est naturel de rendre un culte." (Ed. J'ai Lu page 31)
Faites-lui confiance : lisez et relisez Lovecraft ! Ne faites pas comme les blaireaux de la page 8 (Ed. J'ai Lu ;-)
Enfin, si vos proches regardent vos lectures ou vos activités rôlistiques avec compassion ou horreur, inspirez-vous directement du Maître et jetez leur, dédaigneux, cet extrait de Sa correspondance :

"Je suis si las de l'humanité et du monde que rien ne peut m'intéresser à moins de comporter au moins deux meurtres par page, ou de traiter d'horreurs innommables provenant d'espaces extérieurs." (Ed. J'ai Lu page 14)
Rendez-vous chez le psy garanti !
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Un ouvrage de référence
■ Corwin_74 10/05/2005
C'est un ouvrage court et très intéressant. Où l'on découvre que la sensibilité et le sens de la mise en situation peuvent largement faire oublier un léger manque de technique. Faire ainsi appel aux peurs ancestrales du lecteur, en l'impliquant de la sorte dans le récit, a quelque chose de génial et d'inquiétant à la fois.

Merci, M. Houellebecq, pour cet hommage et ce décryptage, qui, loin d'enlever de la magie aux textes lovecraftiens, permet de les apprécier sous un nouveau jour.
L'Appel de Cthulhu 7e Édition est copyright © 1981, 1983, 1992, 1993, 1995, 1998, 1999, 2001, 2004, 2005, 2015 de Chaosium Inc.; tous droits réservés. L'Appel de Cthulhu est publié par Chaosium Inc. « Chaosium Inc. » et « L'Appel de Cthulhu » sont des marques déposées de Chaosium Inc. Édition française par Edge Entertainment.
Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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