Article tiré du jeu Conspiration.
Par Robin Law
Les jeux de rôles ont changé à jamais le jour où un joueur a dit " je sais que c'est la meilleure stratégie, mais mon personnage ne ferait jamais ça ". Brusquement, des considérations esthétiques faisaient irruption dans ce qui, jusque là n'était qu'un jeu, pour faire la nique aux bonnes vieilles " conditions de victoire ". A ce moment miraculeux, le jeu de rôle a cessé d'être simplement un jeu pour devenir une forme d'art narratif, un petit cousin du théâtre, des films et de la littérature.
[...] Les MJ pourront tenter d'agir comme un artiste qui crée une collaboration avec ses joueurs. L'approche est fructueuse, vous verrez ! L'idée de collaboration est importante. Le MJ n'est pas un conteur qui a les joueurs pour public. Il est simplement le " premier parmi les égaux ", avec pour seule responsabilité le développement harmonieux de l'histoire.
Le parent le plus proche du jdr est le théâtre improvisé, dans lequel les acteurs inventent des scènes au fur et à mesure. Dans cette discipline les participants doivent être réceptifs aux apports des autres acteurs et savoir utiliser leurs contributions. La première directive de l'improvisation est : " ne nie jamais ". Les acteurs doivent accepter toutes les idées au fur et à mesure qu'elles se présentent et travailler avec.
Dans le jeu de rôle, toutefois, le MJ est souvent appelé à dire " non " aux désirs des joueurs. Et pour cause : les aventures sont des histoires épiques, qui suivent les conventions du genre romanesque et pas des brefs sketch humoristiques. Le MJ doit décider les effets des actions des PJ sur le monde qui les entoure et l'échec est souvent une bonne réponse. Après tout, les histoires où les gentils écrasent tous les obstacles sans la moindre opposition sont dépourvues d'intérêt dramatique et donc peu distrayantes.
Mais le MJ doit également être prêt à répondre " oui " aux joueurs lorsque leurs suggestions enrichissent l'histoire. En fait, un bon MJ travaillera toujours pour incorporer les idées d'un joueur à ses propres plans. Au théâtre les personnages sont les éléments les plus importants de l'histoire. Il en va de même dans le jeu
de rôles. Le MJ n'est pas comme le réalisateur d'un film qui déplace ses acteurs comme des pions et leur fait interpréter un script pré-établi. Au lieu de cela il doit être constamment à la recherche de nouveaux défis pour ses PJ et utiliser le développement de l'intrigue pour souligner certains aspects de leur personnage, dans l'espoir d'être, à son tour, déifié par les joueurs. Les PNJ ne devraient pas être développés dans le vide, mais conçu pour interagir de manière constructive avec les personnages centraux : les PJ . Certains PNJ seront des sources de renseignements ou des alliés dont la personnalité reflétera celle des PJ ; d'autre seront les adversaires contrastant autant que possible avec eux. Pensez à toutes vos actions en tant que MJ comme à des procédés littéraires. Lorsque vous décidez du temps qu'il fait arrangez-vous pour qu'il colle à l'humeur des PJ ou au
contraire pour qu'il contraste avec cette dernière. Rythmez l'histoire de manière à ce qu'elle avance comme un bon film avec des séquences d'actions rapides ponctuant des scènes plus lentes et plus subtiles qui développent les PJ. Cela rendra ces derniers plus réels et plus sympathiques. Terminez chaque séance sur un point culminant (qu'il soit émotionnel ou plus orienté action) ou par un suspense. [.]
Pendant des années les rôlistes ont simulé des histoires à peu prés comme des wargamers recréent des batailles. Ce faisant, ils ont fait de l'art, spontané et inconscient, pour leur propre plaisir, même s'ils ne s'en rendaient pas compte. Rendre l'art conscient est un acte libérateur qui permet de se rapprocher beaucoup des histoires qu'on simule. Amusez vous et profitez de ce rôle très particulier dans l'histoire des arts. Après tout, ce n'est pas tous les jours que l'on a l'occasion d'être un pionnier dans le développement d'une nouvelle forme d'expression.