TocCyclopédie ■ Époques

Et si LE créateur de l'Appel nous répondait à nous les petits frenchies adeptes de son jeu ? C'est la TOCInterview !




C'est grâce à lui que vos voisins ont déménagé avec leur chat noir. Il est celui qui vous a pourri pas mal de fringues à force d'odeurs d'encens et de bougie. Votre opticien le remerciera lorsque, à trop veiller à la lueur d'une bougie, vous irez le voir ( !).
Il se terrait de peur depuis 22 ans après avoir révélé tant de choses sur nos maîtres. Mais Toc l'a coincé alors qu'il sortait à la nuit tombée de sa cave pour se nourrir.
Alors monsieur Petersen, venons-en aux questions : Toc : Vous savez combien de gens pratiquent votre activité cyclopéenne et sortant du spectre ? ? ! ! Vous êtes content de vous ?
Sandy : Et bien je continue à fréquenter des personnes qui jouent encore à Cthulhu, mais je dois admettre que j'en croise plus qui ont eu l'habitude d'y jouer mais qui ont perdu leur groupe de joueurs. Je ne suis pas tant content de moi mais impressionné et stupéfait par la loyauté et l'imagination des joueurs de l'Appel eux-mêmes qui ont maintenu le jeu en vie durant ses années par leur dévotion à l'horreur lovecraftienne.
Toc : Que diriez-vous de l'évolution de Cthulhu en 20 ans ? Sachant qu'il est en train de passer au d20, ce qui provoque des débats passionnés des aficionados du system Chaosium. Et à la vue du succès de Delta Green.
Sandy : Une fois que le jeu a été acheté par un(e) fan, c'est à lui (elle) d'en faire ce qu'il (elle) veut et il (elle) a raison de jouer dans l'univers de Delta Green si c'est son souhait. Si le D20 ramène plus de joueurs de jeu de rôle, c'est une bonne chose. Je joue encore en D100 moi-même, mais c'est moi.
Toc : Partout où l'on va, on a l'impression qu'il y a au moins un joueur de l'Appel. De plus, Cthulhu, tels de nombreux jeux, a réussi sa migration sur Internet. On voit de plus en plus de créations amateurs de grande qualité. Au-delà des règles simples et du monde proche du nôtre, comment expliqueriez-vous cette popularité ?
Sandy : En 4 points :
A) Le pessimisme. Les perspectives sont pessimistes, le succès final impossible. C'est aux antipodes de pratiquement tous les autres jdr. Paradoxalement, cela rend les investigateurs PLUS héroïques – si vous savez qu'en fin de compte vous allez échouer, mais que vous continuez à vous battre, n'est-ce pas noble ? De même pour ceux d'entre nous qui aiment les livres et les films noirs qui se terminent souvent mal, cela a un certain attrait.

B) L'horreur. La plupart des jeux de rôle d'horreur ont été des échecs. Je pense que c'est parce qu'ils faisaient de l'horreur générique. Mais comme pour la Science Fiction, l'Horreur doit prendre place dans une vision du monde spécifique. Lovecraft fournit cette vision et permet au jeu de s'intégrer dans un cadre spécifique. Notons que Vampire : La Mascarade PREND place dans un univers spécifique et c'est un succès.

C) Le pacifisme. Si vous êtes fatigués de sortir vous frotter à des orcs pour des XP, AdC vous donne une chance de faire marcher votre cervelle.

D) Ca prend place dans le monde " réel", ce qui le rend plus crédible aux yeux des joueurs. C'est l'imagination qui le rend distrayant.
Toc : " Pffff Cthulhu c'est toujours la même chose : un oncle sur la fin de sa vie, une vieille baraque, une enquête, des jets en bibliothèque, un gros monstre avec une secte, un carnage, et 25% de morts et 50% de fous. C'est nul !" Vous leur répondez quoi ?
Sandy : " Pfff D&D, c'est toujours la même chose : un magicien taré, un immense donjon, une quête, un trésor, un combat avec un gros monstre secondé par des orcs, 3-4 résurrections et chacun gagne 100 000 XP. C'est nul !"

OU " Pfff Vampire, c'est toujours la même chose : de méchants vampires, une vieille demeure inquiétante, des vêtements gothiques, le déchet de l'humanité et un gros roi vampire. C'est nul !"

OU " Pfff Champions, c'est toujours la même chose : une intrigue super-héroïque, une charge nucléaire perdue, une base secrète, un gros combat final. C'est nul !"

En d'autres termes, chaque jeu peut être résumé. Qu'est-ce que ça prouve ? Essayez de décrire le Seigneur des Anneaux en une phrase, ça le fera ressembler à n'importe quelle nouvelle nullissime de fantaisie déjà sortie. C'est en jouant que vous découvrez l'intérêt.
De plus, second point, toute personne qui a lu n'importe lequel des scénarios de l'AdC sait qu'ils présentent un grand nombre de situations. Et troisième point, une certaine continuité entre les scénarios procure un intérêt et non un sentiment de similitude.
Toc : Y a-t-il des projets avortés que vous regrettez de ne pas avoir pu mener à terme ? Et d'autres que vous avez menés à terme mais dont vous êtes loin d'être fiers ?
Sandy : Oui, et oui.
Voici quelques projets non aboutis concernant l'AdC :
- 2 jeux de plateaux dérivés de Horreur à Arkham. L'un prenant place à Inssmouth, l'autre à Dunwich. Ils auraient été assez différent de Horreur (par exemple, dans Dunwich le but aurait été de monter au sommet d'une immense montagne pour empêcher Wilbur Whateley d'accomplir un terrible rituel), mais vous auriez pu transférer des personnages d'un jeu à l'autre par les gares, ce qui en faisait un grand méta-jeu de plateau.
- Cthulhu dans l'Espace : un supplément de science-fiction.
- Outre Cthulhu : un recueil d'aventures cthuliennes one-shots prenant place dans des lieux étranges et à des époques originales, comme la Rome Antique, la Première Guerre mondiale, etc.
Toc : Les français, que vous avez remerciés pour leur accueil de l'Appel dans la préface des Oeufs de Karlath, restent toujours friands de poulpes et de sectateurs en tout genre. Rattrapés maintenant par les allemands, comment expliquez-vous l'enthousiasme proportionnellement plus important du Vieux Continent ?
Sandy : Vous avez plus de pratiquants de cultes qu'en Amérique. Nous sommes pour la plupart des immigrants non-cultistes (sans doute poussés hors du Vieux Monde par les sinistres activités de sombres forces) et au lieu d'adopter la culture des Indiens nous les avons mis de côté pour la plupart. Donc nous avons seulement développé nos propres cultes sans doute depuis 1600. Comparez cela avec les antiques horreurs qui se sont nourries sous Paris ou Rome depuis des milliers d'année.
Toc : Pour les fans de l'Appel que nous sommes, vous êtes déjà un monstre. Mais si vous deviez en être un du panthéon cthulien, lequel choisiriez-vous et pourquoi ? A combien estimez-vous votre SAN ?
Sandy :
Je serais Nyarlathotep, civilisé, courtois, dieu noir et " amical". J'estime ma SAN à 0.
Toc : Pour vous, quelles qualités, quels éléments-clés doit contenir un scénario pour l'Appel de Cthulhu ?
Sandy :
A) Tout devrait être décrit en utilisant au minimum 3 sens. " Le hall semble froid. Il y fait sombre. Vos pas y résonnent. Ca sent le renfermé." Plus vous utilisez de sens, plus la situation deviendra réelle pour vos joueurs.

B) Le méchant doit être sournois. S'il est évident que l'ennemi veut simplement s'échapper sur Yuggoth, ou vous amener à un trésor, ou quelque chose de bénin, vous perdez l'excitation et toute trace d'horreur. Il est évident que ces choses ne sont pas mauvaises à partir du moment que vous savez, à la fin, tirer le tapis sous les pieds de vos joueurs. Un bon exemple se trouve dans Les Montagnes Hallucinées de Lovecraft – puisque les hommes en train de fouiller dans des tunnels glacés commencent à penser que les Grands Anciens ne sont pas si mauvais ; bien sûr qu'ils ont tué les personnes de la base, mais à ce moment, ils avaient peur. Peut-être pouvons-nous communiquer avec eux. Puis la confrontation finale - est-ce que les Grands Anciens se montrent ? Non – ils ont été tués. C'est alors un shoggoth qui est à la place, ce qui n'inspire que de la crainte.

C) Placez l'histoire dans un endroit où vos joueurs peuvent raisonnablement s'imaginer être.
Toc : En poursuivant dans les qualités, quelles doivent être celles :
- d'un bon investigateur ?
- d'un bon gardien des arcanes ?
- d'un vil sectateur ?
Sandy :
Un bon investigateur - une terrible curiosité et une volonté de rechercher les choses que les Hommes Ne Devraient Pas.
Un bon gardien des arcanes – vous devez être créatif, avoir un esprit alerte, et de la tchatche. Vous devez avoir une excellente mémoire et essayer d'inclure dans vos parties des éléments d'anciennes.
Un vil sectateur – une raison derrière sa vilenie. Un sombre but au-delà de répandre le mal. Il ou elle doit avoir un Plan, et le suivre le ou la rend impitoyable. Un bon exemple de personnalité est celle de l'interprétation au cinéma du Docteur Frankenstein par Peter Cushing.
Toc : On ne peut s'empêcher de vous poser la question : quel est votre meilleur souvenir de partie étant gardien des arcanes ?
Sandy : Avant sa publication, j'effectuais des tests sur l'AdC pour tenter de perfectionner les règles et voir si le jeu dans son ensemble tenait la route. Durant l'une de ces parties, les investigateurs se rendirent dans des souterrains pour essayer d'invoquer une créature d'un autre monde (pour être précis, un Vagabond Dimensionnel). Lorsque le personnage ayant pour mission d'entonner la litanie commença, les autres fermèrent les yeux, de peur de voir le monstre. J'étais estomaqué. C'est impossible d'imaginer ce genre de scène avec des joueurs de D&D. J'ai alors réalisé que nous tenions là quelque chose de particulier avec l'Appel – c'était quelque chose de véritablement différent dans le monde du jdr et non un remake d'une vieille mécanique. J'ai aussi vu des investigateurs se suicider volontairement à l'Appel. Quel autre jeu autorise cela ? (Bien-sûr, Bushido, mais cela prend place dans une autre situation.)
Un autre grand moment – lorsque que l'un de mes joueurs s'est aperçu qu'il était une marionnette au service de l'ennemi, placée là pour espionner ses collègues alors qu'il ne le savait pas.
Toc : Un Investigateur fatigué (4 points de vie), un peu troublé (perte de 15 points de SAN depuis le début), trottine tranquillement (sprinte) dans une vaste grotte (une gigantesque caverne) au milieu d'une foule bigarrée (plusieurs centaines d'adeptes déments presque nus entrain d'accomplir des rites ignobles) pour aller discuter de l'organisation de la soirée avec l'hôte (pour flinguer le grand prêtre avec son calibre .38). Mais trop tard, notre malheureux compère voit arriver Nyarlathotep version Langue Sanglante par un puits sans fond au milieu de la salle... comment décririez-vous la suite ?
Sandy : Mémorable.
En fait, en tant que gardien, je frémirais face au courage de l'investigateur se précipitant avec un simple flingue et 4 point de vie pour arrêter le rituel et tenterais de récompenser ce manque de sens commun. Peut-être que je sortirais le grand N, exaspéré par l'incapacité de ses cultistes à stopper cette nuisance, et le ferais dévorer une partie de la foule ou quelque chose d'approchant.
Toc : Reviendrez-vous sur le devant de la scène des parutions cthulienne ?
Sandy : Je pense que je sers au mieux le jeu à l'heure actuelle en allant aux conventions, organisant des parties, et en rencontrant personnellement les fans.
Merci pour vos réponses. En espérant vous voir à une convention cthulienne française le jour où elle verra le jour...

Toc . Janvier 2003
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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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