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Un jeune étudiant américain se rend au Royaume-Uni, dans la petite ville d'Arkham, pour y retrouver sa fiancée Letitia. Celle-ci vit dans un manoir avec sa mère, très malade, et son père Nahum, un vieillard au comportement étrange...



La malédiction d'Arkham (1963), produit par la firme américaine AIP et réalisé par Roger Corman, était une adaptation de L'affaire Charles Dexter Ward. Ce film ayant eu un assez bon succès, cette compagnie a décidé de financer un nouveau film s'inspirant de Lovecraft : ce sera Die, monster, die !, d'après La couleur tombée du ciel. La réalisation est confiée à Daniel Haller, qui, jusque là, avait travaillé à des postes de décorateur sur plusieurs œuvres de l'AIP (La petite boutique des horreurs (1960) et La chute de la maison Usher de Roger Corman...). C'est à ce moment que cette compagnie engage un partenariat avec des studios anglais : comme Le masque de la mort rouge (1964), Die, Monster, die ! sera donc tourné au Royaume-Uni, et non plus à Hollywood contrairement aux précédents films de cette firme. C'est Nick Adams (Invasion planète X (1965) d'Ishiro Honda...) qui tient le rôle du jeune premier ; il est entouré par Freda Jackson (Les maîtresses de Dracula (1960) de Terence Fisher, La vallée de Gwangi (1969) de Jim O'Connolly...), Susan Farmer (Dracula, prince des ténèbres (1966) de Terence Fisher...) et Patrick Magee (Le masque de la mort rouge, Orange mécanique (1971) de Stanley Kubrick, Le chat noir (1980) de Lucio Fulci...). La musique est signée par Don Banks, un habitué des productions Hammer (L'empreinte de Frankenstein (1964) de Freddie Francis, Raspoutine (1965) avec Christopher Lee...). Mais, la star de Die, monster, die ! est avant tout Boris Karloff (Frankenstein (1931)...), que l'AIP a beaucoup fait travaillé à la fin de sa vie, que ce soit dans des œuvres prestigieuses (Le corbeau (1963) de Corman, Les trois visages de la peur (1963) de Mario Bava...)... ou dans des films moins glorieux (The ghost in the invisible bikini (1966) de Don Weis...).
La série Lovecraft de l'American International Pictures



La firme American International Pictures a été fondée en 1954 par Samuel Z. Arkoff et James H. Nicholson afin de distribuer des films de série B. A ses débuts, le réalisateur Roger Corman veut travailler hors des circuits des grands studios et décide de s'allier avec eux à partir de son film de SF It conquered the world (1956). Ce sera le début d'une collaboration qui durera jusqu'à l'aube des années 1970 : ainsi l'AIP produira des films réalisés par Corman dans tous les genres, en visant en priorité le public adolescent (ce qui était alors une grande nouveauté) : films de gangsters (Mitraillette Kelly (1958)...) ; comédies (La petite boutique des horreurs...) ; films de Rock'n roll (Carnival rock (1957)...) ou de science-fiction (Not of this earth (1956)...)...


Surtout, Corman, influencé par les succès des films d'horreur gothique de la Hammer (Frankenstein s'est échappé ! (1957) de Terence Fisher...), décide de réaliser des œuvres dans un style semblable : plutôt que de puiser dans le folklore classique de l'épouvante hollywoodienne (momies, vampires...), il a l'excellente idée de s'inspirer des écrits du grand écrivain américain Edgar Alan Poe. La chute de la maison Usher (1960) est le premier titre de cette série d'épouvante gothique, dont les films seront la plupart du temps interprétés par Vincent Price, et qui s'achèvera avec La tombe de Ligeia (1965).

Pourtant, en 1963, Corman décide de se détourner un moment de Poe pour adapter un autre classique de la littérature fantastique américaine : Lovecraft. C'était très audacieux, cet écrivain n'ayant pas été porté au cinéma auparavant. Il tourne donc La malédiction d'Arkham inspiré par L'affaire Charles Dexter ward, avec Vincent Price. Pourtant, pour des raisons économiques (il fallait réemployer des décors et des costumes créés pour les films de la série Poe) et commerciales (les œuvres d'après Poe marchaient très bien), cette oeuvre évoque beaucoup plus la classique épouvante gothique à la mode dans les années 1960 qu'une atmosphère lovecraftienne. Les producteurs de l'AIP vont jusqu'à imposer à ce film, comme titre américain, The haunted palace, le nom d'un poème d'Edgar Poe.


Quoi qu'il en soit, La malédiction d'Arkham est un bon succès, et l'AIP décide de lancer une nouvelle adaptation de Lovecraft : ce sera Die, monster, die ! tourné au Royaume-Uni par Daniel Haller, avec Boris Karloff. Mais cette fois, le scénario s'éloigne beaucoup trop de la nouvelle adaptée (La couleur tombée du ciel) pour convaincre les amateurs de cet auteur.

L'AIP remet cela en participant à l'élaboration de La maison ensorcelée (1968), tourné en Grande-Bretagne par l'anglais Vernon Sewell. Il s'agit d'une adaptation de l'excellent La maison de la sorcière avec un casting de rêve : Boris Karloff, Christopher Lee (Le cauchemar de Dracula (1958) de Fisher...) et Barbara Steele (Le masque du démon (1960) de Mario Bava...). Hélas, encore une fois, le travail de transposition manque de rigueur, et il s'agit, en fait, d'une grande déception.

Ensuite, cette compagnie fait tourner aux USA The Dunwich horror (1970), d'après L'abomination de Dunwich. Roger Corman en est le producteur et Daniel Haller (Die, monster, die !...) occupe le poste de réalisateur. C'est Dean Stockwell (Blue velvet (1986) de David Lynch, la série TV Code Quantum...) qui interprète Wilbur Whateley. Tourné à la toute fin des années 60 en Californie, le film baigne dans une ambiance des plus psychédéliques. Il n'en reste pas moins que le scénario est tout à fait fidèle à la nouvelle, et le résultat d'ensemble est plutôt réussi. Toutefois, c'est la dernière adaptation directe d'un texte de Lovecraft au cinéma jusqu'à la surprise et au succès de Re-animator (1985) de Stuart Gordon. Entre-temps, de nombreux films fameux feront pourtant des références plus ou moins explicites au travail de Lovecraft : Alien (1979) de Ridley Scott, The thing (1982) de John Carpenter, L'au-delà (1981) de Lucio Fulci, Evil dead (1982) de Sam Raimi...

Die, monster, die !

Die, monster, die !
est donc supposée être une adaptation de La couleur tombée du ciel. On retrouve bien l'argument du météore s'écrasant dans une région rurale et creusant un sombre cratère stérile ; de même, cette pierre émet une fluorescence étrange et contamine de manière répugnante les plantes et les êtres vivants exposés à son influence trop longtemps. Toutefois, si ces principes de bases sont repris, les détails de la transposition sont bien éloignés de l'oeuvre de Lovecraft. Nahum Gardner devient Nahum Witley (proche phonétiquement du nom de la famille Whateley de la nouvelle L'abomination de Dunwich), et il n'est plus un paysan, mais un aristocrate britannique porté sur l'étude des sciences normales et paranormales. Car, en effet, Die, monster, die ! prend aussi la liberté de placer Arkham en Grande-Bretagne ! Les Witley vivent donc dans un manoir gothique classique, dans la plus pure tradition british, entouré de forêts verdoyantes : si cela se justifie en pratique par le tournage en Grande-Bretagne, les amateurs de Lovecraft seront tout de même surpris par cette délocalisation sauvage... L'intrigue, elle, s'oriente plutôt vers une classique histoire de savant fou qui, après avoir joué avec le feu (les pouvoirs de la pierre tombée du ciel), va se repentir : comme quoi, rien n'a vraiment changé depuis Frankenstein... A cela se superpose une sombre affaire de sorcellerie et de malédiction ancestrale rappelant, de loin, L'affaire Charles Dexter Ward.

Le plus gênant reste tout de même le changement de nature de la Couleur elle-même. Alors que Lovecraft laissait soigneusement planer le mystère sur cette mystérieuse puissance venu d'outre-espace, Die, monster, die ! présente le météore comme un bloc d'uranium : cela explique certes les mutations terribles, les lumières mystérieuses... Mais cela dénature totalement l'idée de Lovecraft (la couleur est une forme de vie extra-terrestre inappréhendable par l'intelligence humaine) et transforme le film en une très quelconque oeuvre de science-fiction typique des années 50-60, baignant dans une atmosphère gothique des plus traditionnelles. Les derniers plans de Die, monster, die ! nous propose même une assez consternante leçon de morale du style "science sans conscience n'est que ruine de l'âme". Etait-il nécessaire d'aller chercher une des meilleures nouvelles de Lovecraft pour en tuer ainsi toute son originalité ?

Toutefois, ce n'est pas parce que l'adaptation passe totalement à côté de l'oeuvre de Lovecraft que Die, monster, die ! est dénué de qualités. Il s'en dégage un sens de l'ambiance tout à fait convaincant : les extérieurs de la campagne britannique, baignés dans la brume et surmontés d'un lourd ciel gris, créent une atmosphère mélancolique et inquiétante. Le gouffre créé par le crash du météore est rendu par une magnifique mate painting, rappelant un peu les toiles romantiques du peintre allemand Friedrich. Les décors de l'intérieur du manoir Witley sont aussi magnifiques (la serre et la bibliothèque notamment) et bien mis en valeur par une belle photographie, un format cinémascope habilement exploité et une musique inquiétante de Don Banks. Enfin le laboratoire sous-terrain de Nahum est une réussite très fidèle au folklore traditionnel gothique, avec ses murs suintants, ses grilles et ses chaînes : le tout est bien entendu sourdement éclairé par des torches vacillantes. Le scénario n'est alors qu'une succession de prétextes permettant aux personnages d'évoluer lentement dans ces décors majestueux : certains passages sont authentiquement inquiétants (la conversation entre Nahum et sa femme, de part et d'autres de lourds voiles), mais certains effets faciles prêtent tout de même à sourire (le squelette surgissant d'une porte, les chauve-souris...).

La narration paraît en général manquer de conviction, de rythme et d'enjeu vraiment intéressants. Toute cela n'est pas vraiment sauvé par l'interprétation : Nick Adams, dont le jeu énergique serait mieux à sa place dans un film de guerre ou un western, semble un peu déplacé au milieu de cette ambiance d'épouvante classique, tandis que sa petite amie, interprétée par Suzan Farmer, est complètement à côté de la plaque. Par contre, le couple incarné par Freda Jackson et Boris Karloff est nettement plus intéressant et plus en harmonie avec le ton du récit. Regrettons aussi une fin accumulant certaines faiblesses : l'incendie de la maison ancestrale, cliché hérité de la série des Poe-Corman, manque d'originalité ; surtout, le maquillage du mutant intervenant à la conclusion du métrage n'est pas très réussi.

Le spectateur qui s'attend à trouver en Die, monster, die ! une adaptation fidèle de La couleur tombée du ciel sera bien déçu. Toutefois, ce film n'en reste pas moins une agréable oeuvre d'horreur gothique, hélas affaiblie par un scénario inégal. Daniel Haller bénéficiera de plus de liberté quand il réalisera sa seconde adaptation de Lovecraft : The Dunwich horror, transposition assez fidèle de L'abomination de Dunwich. La couleur tombée du ciel connaîtra une adaptation cinématographique plus proche de Lovecraft avec La malédiction céleste (1987) de David Keith ; d'autre part, dans le film à sketch Creepshow (1982), George Romero et son scénariste Stephen King (en personne !) s'inspireront de cette fameuse nouvelle pour le second segment de leur oeuvre (un fermier isolé est contaminé par un étrange météore qui s'est écrasé près de chez lui).

Merci à l'équipe de DeVilDead pour le prêt de ce DVD !

Bibliographie consultée :
«
Mouaif... pas mal
■ Vonv 15/08/2006
Ben là ch'uis bien d'accord avec Manu, c'est...
C'est un bon film d'horreur mais :
- ça suit pas du tout la nouvelle (bien que ça commence pas mal)
- c'est un peu mou et le casting, à part Boris, n'est pas tip top.

Ca sonne un peu creux dans l'ensemble. Mais ça se laisse voir pour la maison et l'ambiance. A voir, comme ça, juste pour le fun...
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