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Dans le village, de Karmingen, à la fin du XIXème siècle, une jeune femme se suicide en s'empalant sur une grille. Le commissaire Krogen tente de mener une enquête sur cette affaire, mais les villageois restent murés dans leur silence. De son côté, le docteur Eswai, chargé de l'autopsie, fait de nombreuses découvertes : Karmingen serait en fait victime d'une malédiction...



Opération peur est tourné par Mario Bava juste après qu'il ait achevé Laplanète des vampires (1966) (film de SF horrifique réalisé pour le compte de lafirme américaine AIP). Cette oeuvre d'épouvante plus classique,est tournée avec très peu de moyens, en treize jours à peine. C'est la première foisque son fils Lamberto Bava (Démons (1985)...) lui sert d'assistant, situationqui se renouvellera régulièrement jusqu'à Shock, les démons de la nuit(1977), dernier film de Mario pour le cinéma. Les rôles sont tenus par des habitués despetites productions transalpines, comme Giacomo Rossi-Stuart (l'aventure de Sandokan Letemple de l'éléphant blanc (1964) d'Umberto Lenzi, La mort vient de la planèteAytin (1965) d'Antonio Margheriti...), Erika Blanc, bien sûr (Si douces, siperverses (1969) d'Umberto Lenzi, Au service du Diable (1971)...), PierLulli (La fureur des gladiateurs (1964) de Mario Caiano, Goldocrack à laconquête de l'Atlantide (1965)...)...
Bien que son titre suggère une quelconque resucée de James Bond, comme on en voyait alorsbeaucoup, Opération peur est en fait dans la plus pure veine de l'épouvantegothique italienne, que Mario Bava avait lui-même lancée avec Le masque du démon(1960) : ce premier succès avait en effet engendré de nombreuses autres œuvres aucours de la première moitié des années 1960, comme L'effroyable secret du docteurHichcock (1963) de Riccardo Freda, La danse macabre (1964) d'AntonioMargheriti... Dans ce style, le récit d'Opération peur est archi-classique :des étrangers arrivent dans un petit village sur lequel pèse une sordide malédiction.Aristocratie décrépie, sorcière, paysans superstitieux et morts mystérieusess'assemblent donc en un ensemble bien rodé et, hélas, assez prévisible. Si lesdernières minutes du métrage renversent astucieusement les clichés du genre, on ne peutpas dire qu'on suive l'enquête avec beaucoup de passion.


Toutefois, le script n'est qu'un prétexte pour proposer des séquences horrifiques etfantastiques d'une très grande efficacité. Se souvenant sans doute de son terrifiantsketch La goutte d'eau dans Les trois visages de la peur (1963), MarioBava recourt à nouveau à un fantôme pour provoquer de puissants frissons chez lespectateur. Ici, le spectre d'une petite fille vient hanter les vivants et provoquer des mortsviolentes. L'idée de jouer sur l'aspect innocent des enfants pour en faire des êtresambiguës et inquiétants n'est pas une nouveauté : on avait déjà vu de tellespratiques dans le domaine du thriller (Mauvaise graine (1956) de Melvin Leroy),de la science-fiction (Le village des damnés (1960) de Wolf Rilla) ou del'horreur (Les innocents (1961) de Jack Clayton). Néanmoins, Bava traite cetexercice de style avec un sens de l'invention et une efficacité stupéfiante. Melissa,fillette lisse, toujours tirée à quatre épingle, et à la chevelure blondeimpeccablement brossée, distille une impression de perfection et de pureté si intenseque cela en devient surnaturel et dérangeant. Kubrick s'en souviendra pour lesapparitions des jumelles dans Shining (1980), tout comme il se rappellera de cetangoissant ballon qui roule et rebondit mystérieusement dans la villa des Graps. Endétournant ainsi les clichés de l'enfance, grâce à son sens de l'atmosphèrefantastique (éclairages inquiétants, cadrages insolites, montage inattendu...), Bavarend inoubliable les interventions de la petite Melissa. Ses poupées deviennent despantins grimaçants et brisés, des présences inquiétantes proches des mannequins de Sixfemmes pour l'assassin (1964) ou de Lisa et le Diable (1972), des armures deLe masque du démon... Pour rester dans le domaine de l'épouvante, relevonsencore que certaines scènes de meurtres (la fille de l'aubergiste entre autres...) sontparmi les plus terrifiantes de l'oeuvre de Bava.


D'autre part, le travail sur l'atmosphère générale d'Opération peur est toutà fait admirable. Le manque de moyen est pourtant patent : pour décorer le manoirdécrépi, Bava doit se contenter d'empiler quelques planches brisés dans un coin et detendre des draps sur les murs. Mais sa maîtrise technique est telle qu'il parvient,grâce à un sens savant du cadrage (vue d'ensemble en plongée avec un objectif à courtefocale, placement d'objets au premier plan (grilles...) pour enrichir les compositions desimages...), à rendre impressionnant des décors qui, chez d'autres réalisateurs,feraient peine à voir. A nouveau, l'étrange ambiance si typique des grandes demeures deMario Bava est présente : des enfilades de pièces décrépies, jonchées d'objetsabandonnés et mystérieux, et des décors en trompe-l'oeil évoquent irrésistiblementles coulisses d'un étrange théâtre. Sa science des éclairages verts et pourpre,srappelant à nouveau Les trois visages de la peur, fait encore merveille : ainsi,jamais ces effets coloristes ne semblent vulgaires, surchargés ou kitsch (contrairementà des films comme Danger : Diabolik ! (1968) où il se servira des couleurs pourcréer délibérément un univers de BD psychédélique).


Il est notoire qu'Opération peur a été réalisé dans des conditions trèsprécaires. Ainsi, le tournage a été arrêté alors même que toutes les séquencesprévues par le scénario n'avaient pu être tournées, ce qui a forcé Bava à faire desacrobaties au montage pour arriver à un tout cohérent. Encore une fois, il fait contremauvaise fortune bon cœur en proposant des enchaînements et des associationscomplètement inattendues et surprenantes. Ainsi, au cours d'une séquence, despersonnages discutent de la mort d'une jeune femme ; la conversation continue sur labande-son tandis que, de façon tout à fait illogique et étonnante, une main de fillette raclant la fenêtre d'un tombeau apparaît à l'écran. L'étrangeté de ce type deséquence est saisissante. De même, à travers des jeux de montage, Bava détermine desespaces et des temps fantastiques : l'exemple le plus connu dans ce film, et il faut direque cela est vraiment un coup de génie, est la course du docteur Eswai à travers unesuccession infinie de pièces toute identiques (en fait c'est toujours la même pièce),où le personnage semble attrapé dans le piège d'un labyrinthe illogique et dément(David Lynch s'en souviendra pour sa Chambre Rouge dans la série TV Twin Peaks!) ; mais on pourrait aussi citer cet escalier en vis qui s'enfonce dans des ténèbressans fin. D'autre part, les personnages perdent conscience ou s'endorment à un endroit etse réveillent dans un autre lieu, ballottés par des forces mystérieuses à travers letemps et l'espace (Monika se retrouvant mystérieusement dans la crypte par exemple).Toute cette dimension expérimentale, qui semble héritée de L'année dernière àMarienbad (1961) de Resnais, sera développée avec encore plus de maturité dans Lisaet le Diable, peut-être le film le plus accompli de Bava, tandis qu'on retrouvera detels procédés surréalistes dans les œuvres de ses disciples, comme Inferno(1980) de Dario Argento ou L'au-delà (1981) de Lucio Fulci.


Si le fond d'Opération peur est assez banal, la forme, par contre, est d'unetrès grande originalité. Atteignant à une étrangeté singulière grâce à d'audacieuxmoyens expérimentaux, Mario Bava parvient aussi à nous terrifier grâce à sa maestriadans le domaine de l'épouvante. Ensuite, il devait se consacrer à Duel au couteau (1966)avec Cameron, Mitchell, un film de Vikings affligé, encore une fois, d'un budget trèsmodeste.


Bibliographie consultée

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édition dvd
■ EvH 30/03/2006
Il existe une édition dvd française, chez Neo Publishing, disponible entre autres, auprès de Mad Movies pour 6 euros (dire que ça les vaut est très peu dire...)
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