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Min-ah, élève dans un lycée pour filles, trouve un journal intime tenu par deux de ses camarades : Hyo-shin et Shi-eun. Elle y découvre que ces deux jeunes filles sont liées par une passion amoureuse. Cela va tourner au drame...



Memento Mori est un film d'épouvante sud-coréen qui sort dans nos salles de cinéma après s'être fait remarquer dans de nombreux festivals internationaux. En effet, bénéficiant de l'engouement actuel du public occidental pour le cinéma extrême-oriental, les films coréens parviennent à se faire une petite place sur les écrans français : on y a ainsi vu récemment le sensuel Fantasmes (1999) de Jang Sun-Woo et le poétique et dérangeant L'île (2000) de Kim Ki-duk. Memento Mori est la suite d'un film qui avait connu un fort succès en Corée du sud : Whispering corridors (1998) de Park Ki-Yung, dans lequel le spectre d'une élève hante un lycée après son suicide. Cette oeuvre s'inscrivait dans la tradition des histoire de fantômes asiatiques (en France, on connaît surtout des oeuvres japonaises, comme le classique Kwaidan (1964) de Masaki Kobayashi et le récent Ring (1998) de Hideo Nakata qui a remis ce genre à la mode et a connu un énorme succès dans toute l'Asie). Mais, si Memento Mori est théoriquement la suite de de Whispering corridors, il renouvelle complètement le casting et le réalisateur Park Ki-Yung est remplacé par le tandem Kim Tae-yong / Min Kyu-dong (ces deux nouveaux-venus n'ayant jamais réalisé de long-métrage auparavant, que ce soit ensemble ou séparément).
Tout comme Whispering corridors, Memento Mori inscrit un récit fantastique dans le cadre d'une école pour jeunes filles coréenne. La discipline y est sévère, l'uniforme y est de rigueur et celles qui se révèlent trop différentes des autres élèves sont impitoyablement broyés par un impitoyable système dans lequel la méchanceté des élèves se combine à la dureté des enseignants pour éliminer les plus faibles. Dans le cadre de ce modèle scolaire très dur, assez proche de celui, ultra-compétitif, du Japon (dénoncé, lui, dans le récent Battle Royale (2000) de Kinji Fukasaku), le taux de suicide des élèves atteint un niveau alarmant : c'est ce que voulait clairement dénoncer Whispering corridors. Toutefois, la peinture de l'adolescence difficile d'une jeune fille dans un milieu scolaire impitoyable a déjà donné lieu à quelques films fameux du cinéma fantastique occidental : citons, évidemment Carrie (1976), le chef d'oeuvre de Brian De Palma ou Phenomena (1985) de Dario Argento ; ce thème se retrouve aussi dans des œuvres plus mineures comme Aenigma (1987) de Lucio Fulci, Carrie 2, la haine (1999) de Katt Shea ou Mortelle saint-Valentin (2001) de Jamie Blanks (où il est décliné, cette fois, au masculin). Memento Mori a la particularité de rehausser ce schéma en centrant son récit sur une idylle homosexuelle entre deux élèves. Là aussi, on a déjà vu ce thème traité au cinéma : on pense évidemment au classique du cinéma allemand Jeunes filles en uniforme (1931) de Léontine Sagan (dans une école de filles, une élève s'éprend d'une de ses professeurs) et à son remake Jeunes filles en uniforme (1958) avec Romy Schneider, Les amitiés particulières (1964) de Jean Delannoy d'après le roman de Roger Peyrefitte (il s'agit là de la liaison passionnée entre deux élèves d'une école de garçons)...

Dans Memento Mori, Min-ah, élève dans un lycée pour jeunes filles, découvre le journal rédigé à quatre mains par ses deux camarades Hyo-shin et Shi-eun. Fascinée, Min-ah retrace les étapes de leur passion cachée et les évènements qui entraîneront son dénouement tragique. Superficialité et cruauté des autres adolescentes, lâcheté et indifférence des adultes, mais aussi maladresses et hésitations des comportements amoureux des deux amantes : tout cela va entraîner la mort mystérieuse de Hyo-shin. On apprécie la justesse et la sensibilité déployée ici, qui rendent crédible et touchante cette passion interdite : il s'agit bien d'une des plus émouvantes histoire d'amour homosexuelle vues sur les écrans, tout à fait digne de modèles du genre, comme les très beaux beaux Furyo (1983) et Tabou (1999) d'Oshima. Le ton délicat et intimiste du récit est renforcé par une réalisation donnant une impression de réalisme spontané (caméra à l'épaule, faux-raccords... : on pense un peu au Lars Von Trier mélodramatique de Breaking the waves (1996)). Mais c'est surtout la qualité de l'interprétation qui touche le plus le spectateur : si Park Ye-Jihn (Hyo-shin) est particulièrement bouleversante, toutes les autres jeunes filles du casting composent une troupe homogène, formidable de naturel, renforçant encore la vraisemblance du récit.

Memento Mori comporte, évidemment, des éléments fantastiques et horrifiques. Le poème macabre révélé au cours du générique, semblant annoncé un récit dans le style de Dix petits nègres, va s'avérer être une fausse piste destinée à habilement semer le doute chez le spectateur en le laissant croire qu'il a affaire à un film d'épouvante "comme les autres". Plus loin dans le récit, on découvre l'existence de dons paranormaux chez certaines élèves, dons qui permettront notamment de révéler l'empathie croissante ressentie par Min-ha envers les deux amoureuses (le test auditif de la visite médicale...). Dans sa seconde moitié, Memento Mori vire nettement vers une histoire de fantôme et de vengeance d'outre-tombe, ce qui donne lieu à quelques scènes d'épouvante classiques et assez efficaces : toutefois, ces séquences (notamment celles dans les toilettes) paraissent plutôt plaquées et semblent briser l'homogénéité du reste du métrage ainsi que l'émotion qui en émane. Dans le même ordre d'idée, la fin de Memento Mori (qui évoque irrésistiblement Carrie) semble bien confuse et grandiloquente (musique saoulante, séquences oniriques au symbolisme pesant...).

Toutefois, ces défauts correspondent plus à un pêché d'excès qu'à un manque ou à de l'indigence. Si l'invention et la richesse de sa narration et de sa réalisation séduisent à certains moments et irritent à d'autres, c'est avant tout la justesse et la sensibilité de cette histoire d'amour remarquablement interprétée qui fait la valeur de Memento Mori. Il s'agit indéniablement d'un film touchant sincère et généreux.

Bibliographie consultée
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