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En 1888, à Londres, des prostitués du quartier pauvre de Whitechapel sont tuées et méthodiquement éventrées par un maniaque. L'inspecteur Abberline, un opiomane notoire, mène l'enquête...



From hell est l'adaptation cinématographique d'un comics du même nom, dessiné par Eddie Campbell sur un scénario d'Alan Moore. Il a été tourné à Prague, non pas dans la vieille ville, mais dans des décors construits en extérieur et en studio. Ce sont les frères Allen et Albert Hugues qui se sont chargés de sa réalisation : ce tandem a émergé avec son premier long métrage Menace II society (1993), un film sur les gangs américains des années 90, sorti à une époque où ce sujet faisait encore scandale aux USA (comme New Jack City (1991) de Mario Van Peebles...) ; leurs statuts de réalisateurs indépendants et politiquement engagés s'est affirmé avec Dead presidents (1995), relatant le destin d'un jeune noir américain entraîné dans la guerre du Vietnam, et le documentaire American pimp (1999) sur la prostitution aux USA ; dans leur carrière, From hell apparaît donc comme un léger tournant vers un cinéma moins engagé et plus divertissant. Le rôle principal, celui de l'inspecteur Abberline, est tenu par Johnny Depp (Les griffes de la nuit (1984) de Wes Craven, La neuvième porte (1999) de Roman Polanski...). A ses côtés on reconnaît, entre autres, Heather Graham (la série TV Twin Peaks, Austin Powers, l'espion qui m'a tirée (1999) avec Mike Myers...), Ian Holm (Alien (1979) de Ridley Scott, Le festin nu (1991) de David Cronenberg...) et Katrin Cartlidge (Naked (1993) de Mike Leigh, Breaking the waves (1996) de Lars Von Trier...).

From hell est à l'origine un comics publié au cours des années 90, dessiné dans un style très âpre, proche d'un premier jet à l'encre, par Eddie Campbell, sur un scénario du plus fameux scénariste américain de la bande dessinée contemporaine : Alan Moore (Rire et mourir mettant en scène Batman et le joker, The watchmen et V pour Vendetta sont ses trois œuvres les plus fameuses en France). Ce portrait d'une folie homicide, très abondamment documenté et enrichi d'annexes informatives, reprend, en ce qui concerne l'identité du tueur, la théorie élaborée par Stephen Knight dans son livre Jack the ripper : the final solution, déjà utilisée dans l'excellent téléfilm britannique Jack l'éventreur (1988) de David Wickes. D'autre part, From hell rapproche cette affaire criminelle d'une rumeur racontant qu'un prince de sang royal avait, à cette époque, eu un enfant avec une prostituée londonienne. Ces scandales sont, pour Alan Moore, prétexte aux descriptions minutieuses de Jack l'éventreur et d'un Londres sombre et complexe, mêlant critique sociale, observation historique et occultisme halluciné. Comme toujours, ce scénariste fait preuve d'une ambition sans commune mesure dans son domaine. Ainsi, From hell est un graphic novel (version la plus prestigieuse du traditionnel comics américain) dont la narration complexe évoque, par moment, des écrivains prestigieux : on pense à Le bruit et la fureur de Faulkner ou à Berlin Alexanderplatz d'Alfred Döblin. Cet ouvrage souffre néanmoins de quelques légers défauts : un lecteur ayant une connaissance minimum des crimes de Jack l'éventreur pourra trouver que le récit contient des longueurs, tandis que, par endroits, l'ambition de Moore confine à une prétention grandiloquente et un peu lourde. Mais on ne peut qu'admirer certains passages sidérants, telle cette visite guidée, commentée par l'éventreur lui-même, d'un Londres saturé de signaux occultes, historiques et souterrains.

Dans cette adaptation cinématographique, pourtant, les parti-pris les plus intéressants du comics (le choix de suivre Jack l'éventreur dès le début de l'affaire et l'absence de suspens quand à son identité puisqu'elle nous est révélée très tôt) sont abandonnés. From hell va nous conter les crimes de l'éventreur sous la forme classique d'une investigation policière avançant péniblement tandis que Jack sème des cadavres de prostitués dans l'est de Londres. C'est l'inspecteur Abberline qui va mener l'enquête : ayant perdu sa femme suite à une fausse-couche tragique, il consomme abondamment alcool et absinthe. Les scénaristes ont jugé bon de donner à ce policier des pouvoirs de médium qu'il n'avait pas dans la bande dessinée : il est donc capable d'avoir des visions faisant progresser les enquêtes (on pense alors à des œuvres récentes comme Hypnose (1999) de David Koepp ou Intuitions (2000) de Sam Raimi...). En pratique, cela n'est pourtant pas très utile au développement du récit : faut-il y voir une volonté de faire fusionner le personnage d'Abberline avec celui du médium charlatan présent dans la bande-dessinée et absent du film ? D'autre part, il faut reconnaître que cette adaptation de From hell sous la forme d'un banal récit policier a un gros défaut : cela manque gravement d'originalité. En effet, les films sur Jack l'éventreur sont nombreux, notamment depuis que ce personnage est devenu une institution de l'épouvante gothique (Jack l'éventreur (1959) de Robert S. Baker et Monty Berman, Sherlock Holmes contre Jack l'éventreur (1965) de James Hill...), et ils proposent souvent le même schéma. Par conséquent, From hell a un évident arrière-goût de "déjà vu", d'autant plus que le suspens est largement éventé, l'identité du tueur n'étant guère une surprise (particulièrement pour les lecteurs de From hell ou les spectateurs du téléfilm de 1988 !).

La partie la plus originale du comics From hell était la description de la folie de Jack et de ses motivations, baignée dans une seconde moitié de dix-neuvième siècle très portée sur les mystères ésotériques. Alan Kardec, apôtre du spiritisme, ou Sar Peladan, fondateur de l'ordre de la Rose-Croix, sont de fameux exemples français de ce courant. Cette passion de l'occulte, mêlé au goût des secrets et des rituels chez les francs-maçons, dans les loges desquels se retrouvent la grande bourgeoisie et l'aristocratie britannique, vont entraîner le tueur dans un délire mégalomane rendu, dans le comics, avec une richesse de détails peu commune. Hélas, le film cantonne cette partie du récit dans sa dernière demi-heure, et ne la traite qu'extrêmement superficiellement. Apparemment, ce n'est pas le personnage de Jack l'éventreur et ses forfaits qui ont intéressé prioritairement les frères Hugues dans From hell.

En effet, ils avouent avoir été avant tout motivés par la description, extrêmement crue dans le comics, de la sordide réalité sociale de Whitechapel. Cela se remarque notamment au début du film, avec de nombreuses séquences nous présentant la survie difficile des prostitués. De même, la dureté sidérante des rapports de classe est soulignée à de nombreuses reprises (le chef de la police à la tête farci de préjugés sur le prolétariat et les étrangers, la gestion cruelle du scandale royal...). Mais, encore une fois, ces sujets étaient déjà traités dans des œuvres antérieures mettant en scène Jack l'éventreur, comme Sherlock Holmes contre Jack l'éventreur ou Meurtre par décret (1979) de Bob Clark : on retrouve donc certains clichés déjà vus et revus, comme la foule lyncheuse, la cynisme des hommes politiques, la misère noire de Whitechapel...  Certes, la description de ce quartier est ici un peu plus crue que d'habitude : pourtant, certains détails, comme les prostitués homosexuelles, semblent avoir été traités de facçon assez prude, surtout par rapport au livre, et ralentissent le cours du récit au lieu de l'enrichir. Dans le même sens, le portrait des réseaux maçonniques est à peine esquissé, ce qui est tout de même un peu frustrant.

Outre son manque d'originalité, From hell souffre aussi d'une réalisation assez banale. Les meurtres ne sont guère filmés de manière surprenante (à l'exception peut-être du premier), et sont peu explicites ou impressionnants. Le métrage comprend trop de bavardages laborieux, filmés en champs/contre-champs, le tout monté avec assez peu de nerfs. Londres est décrit avec une photographie extrêmement sombre, jouant peu sur la profondeur de champs, ce qui ne met pas vraiment en valeur les décors. Le rendu de l'atmosphère gothique urbaine est honnête, mais ne s'élève pas au niveau des meilleurs classiques du genre réalisés dans les années 50/60 (Jack l'éventreur de Baker et Berman, L'impasse aux violences (1959) de John Gilling, Sherlock Holmes contre Jack l'éventreur...). De même, on est loin de l'incontestable réussite plastique du récent Sleepy Hollow (1999) de Tim Burton. D'autre part, l'interprétation n'est pas toujours adéquate : Heather Graham, mignonne et pleine de santé, n'est pas crédible dans le rôle d'une prostitué d'un quartiers misérable, d'autant plus que ses amies sont, elles, beaucoup plus convaincantes ; Johnny Depp est inégal, bien qu'il soit parfois émouvant dans la transcription de la noirceur désabusée de son personnage ; quand à Jack, son intreprète ne parvient pas à sauver son personnage bien trop sous-exploité par le récit. Surtout, le film semble durer trop longtemps, et le rythme de l'enquête paraît souvent monotone et ennuyeux.

Somme toute, From hell souffre avant tout de n'être qu'un film de plus sur Jack l'éventreur ; bien que s'appuyant sur une source aussi riche que le comics de Moore et Campbell, il n'apporte pas suffisamment de nouveautés pour renouveler un thème déjà bien visité par le cinéma. Qui plus est, son récit manque de rythme et de nervosité dans son long déroulement. Il reste néanmoins un thriller gothique qui se suit sans grande passion, mais dont on apprécie certains éclats de beauté formelle (les vues d'ensemble de Londres ; certains décors, comme la loge maçonnique...) et quelques passages réellement horrifiques. From hell est sorti pour les fêtes halloween 2001 aux USA, mais, malgré un bon démarrage, il n'a obtenu qu'un succès modeste.

Bibliographie consultée

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quand un cauchemar devient réalité
■ LAURAFRIGHT 17/11/2006
J' ai vu FROM HELL et le téléfilm sur JACK l'éventreurde DAVID WICKES . ces deux films ont un point commun : On cherche à épouvanter le téléspectateur avec perte et fracas et on y arrive !!!!!

Par exemple, les visions du clerc voyant la représentation sur la scène d'un théâtre d'un acteur qui se transforme avec une incroyable sauvagerie en un monstre abominable avec cris et bruits en échos, détails sur le changement du corps, les dents qui noircissent, les rires sataniques, le sang, la sauvagerie des meurtres démontrée et les bruitages sonores et effets gore !!!!!!!

BREF BIENVENUE EN ENFER !!!!!!!!
Quand j'étais petit ...
■ bast3x8 25/11/2003
Dans les années 80, un téléfilm en deux parties sur Jack l'Eventreur est passé à la télé et là, j'étais sur le cul. Le casting était somptueux avec un Abberline parfaitement incarné par Michael Caine. C'est depuis devenu une référence pour moi.
Ensuite, j'ai lu From Hell lorsqu'il a été édité en français. C'est alors que l'on m'apprend que la BD va être porté sur grand écran et avec Johnny Depp.

A l'époque je me disais juste que le film souffrirait un peu mais c'est tout mais voilà.
Le film commence et je vois un visuel quasiment parfait. Il y a eut un bon boulot sur le décor et sur les costumes. L'ambiance est là et bien posé.
Mais ensuite, on transforme Abberline en fumeur d'opium à la carrière plus ou moins brisée et on sacrifie bon nombre d'éléments (personnages et scène) pour faire au final une présentation fort (trop ?)classique de Jack en définitif.
Il manquait simplement un réalisateur talentueux derrière les commandes d'un aussi beau bébé.
Assez moyen
■ Walter Closed 14/11/2003
Le film est certes pas mal (en VO parce que la VF est assez pourrie surtout au niveau du langage des prostituées.) mais je ferais néanmoins deux critiques principales :
- la dimension franc-maçonnique de Jack the Ripper qui n'est, je crois, pas du tout établie (et c'est un peu cliché je trouve de coller aux francs-maçons l'étiquette de machiavéliques comploteurs aux moeurs cruelles) Je trouve un peu fort d'assimiler les meurtres de Jack the Ripper à une oeuvre d'art dictée par le Gd Architecte de l'Univers.. Ca sent le ricain à plein nez ça !!
- le choix de l'actrice pour Mary Kelly.. Je ne la trouve pas mais alors pas du tout crédible en prostituée.. Les cheveux roux étincelants, bien brossés, peignés, etc.. ça colle pas trop au personnage !
Mais sinon il faut reconnaitre que l'ambiance de la ville, les décors, les personnages sont soignés.. Et Johnny Depp incarne (comme souvent) très bien son personnage.. de même que Jack/Ian Holm.
Ambiance
■ Vonv 07/11/2003
Bon c'est vrai que ce ne sont pas les rebondissements qui animent ce film. C'est une superbe oeuvre par contre d'un point de vue ambiance en effet. Les ruelles, les gens, la société, le Londres de ces sombres années... un régal avant de se plonger dans un scénar By Gaslight.

C'est bien tourné, les acteurs sont très crédibles, c'est beau. A voir.
Bof
■ shadow 26/09/2003
N'ayant pas lu la BD, j'ai trouvé le film pas mal pour l'ambiance, les acteurs jouent bien. Ce qui est dommage, c'est qu'il est facile de prévoir les événements : l'histoire d'amour, qui est le meurtrier...
Ne connaissant pas l'exacte histoire de Jack l'Eventreur, je me suis quand même laissée prendre par le film... J'ai passé un bon moment, mais je n'achéterai pas le dvd.

Vous voulez du raisin ? :)
Déçu
■ Fab 09/07/2003
Un film de plus qui s'allonge à la longue liste des films sur l'Eventreur. A aucun moment le film n'atteint la qualité et la richesse de la bédé, qui est à mon avis la référence sur l'Eventreur car synthétisant pas d'ouvrages sérieux sur le sujet. En plus, les scénaristes ont crut bon de rajouter plein d'éléments censer rendre plus dramatique certains personnages (Abberline notamment devenu toxicomane, son histoire d'amour...) ce qui rend le film encore plus banal à mon a avis. Conclusion : au lieu de claquer une trentaine d'euros pour le DVD, économiser donc 45 € (je sais c'est beaucoup) et acheter la bédé !
Mouais
■ Pierre62 08/07/2003
Ne connaissant pas la bd, ou du moins très peu, il m'est difficile de la comparer au film que j'ai bien apprécié. Je trouve que le Londres de l'ère victorienne est formidablement restranscrit. Johnny Depp est très bon et si le scenar est un peu banal, il n'en est pas moins intéressant et astucieux.
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