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Peter Neal, un écrivain américain, passe quelques jours à Rome pour promouvoir son dernier roman policier, "Tenebrae". Au même moment un sadique sévit dans la ville. Ses meurtres semblent inspirés par les livres de Neal...



En 1982, Dario Argento venait de réaliser deux films d'horreur pure (Suspiria (1977) et Inferno (1980)). Une troisième partie aurait dû venir clore cette trilogie consacrée aux sorcières. Mais il préfère faire un nouveau giallo avec ce Ténèbres. Il choisit, pour interprètes principaux, les comédiens américains Anthony Franciosa et John Saxon. On retrouve aussi de nombreuses figures du cinéma populaire italien comme Giulano Gemma (Le guépard (1963) de Luchino Visconti, Tex contre le seigneur des abysses (1985)...), Daria Nicolodi (Inferno, Shock (1977) de Mario Bava...)... La musique est composée par le groupe Goblin (Les frissons de l'angoisse (1975) d'Argento, Zombie (1978) de Romero...), même si elle est signée par leurs noms séparés pour des raisons contractuelles. Le film bénéficie aussi de deux assistants réalisateurs prestigieux: les réalisateurs Lamberto Bava (Macabro (1980), Demons (1985)...) et Michele Soavi (The sect (1990), Dellamorte Dellamore (1994)...).
Dans Ténèbres, Argento aborde le problème du rapport du spectateur à l'œuvre d'horreur. En effet, il avait été harcelé par un fan détraqué à l'époque de Suspiria. Cette expérience l'a suffisamment marqué pour lui donner l'envie d'en faire un film. On va donc suivre les aventures romaines de Peter Neal, écrivain de thriller, alors qu'un assassin commet des meurtres en s'inspirant directement de son roman Tenebrae. Pour Argento, ce n'est pas le cinéma violent et la littérature policière qui provoquent les meurtres. Ils n'influencent que la forme du passage à l'acte. L'assassin est en fait victime d'une éducation catholique sévère, basée sur le péché et la punition, qui ne permet pas de porter un jugement moral juste sur les personnes. L'assassin punit ainsi de mort une petite kleptomane ou des homosexuels, parce qu'ils ont, selon lui, "péché". Ainsi, le lecteur de Télérama serait plus susceptible de devenir un serial-killer que celui de Mad Movies !

L'ambiance de Ténèbres est très particulière. Rome est décrit comme une ville moderne parcourue de rues désertes, dans lesquelles les traces du passé ont totalement disparu. On pense particulièrement aux films d'Antonioni comme L'éclipse (1962) pour les immeubles modernes et La nuit (1960) pour la vaste villa. Argento revendique aussi l'influence des séries policières américaines, comme Columbo, avec leurs décors neutres, aseptisés et irréels. Les splendides éclairages de Lucian Tovoli (Suspiria, Profession: reporter (1975) d'Antonioni, Police (1985) de Maurice Pialat...) saturent les images d'une lumière blanche et stérile, soulignant la singularité de cet univers lisse et abstrait. De nombreux éléments viennent apporter une touche d'insolite dans ses décors : les deux interphones chez les homosexuelles, les deux machines à écrire de Peter Neal, les œuvres d'art...

Les meurtres de Ténèbres font partie des scènes les plus réussies du cinéma d'Argento. Son inspiration macabre est alors à son sommet : la cruauté inouïe de l'assassin et les flots de sang qui recouvrent les murs blancs des appartements impersonnels sont mis en valeur par des mouvements de caméra savants et élégants. La photographie hyperréaliste ne laisse aucun détail gore dans l'ombre. Surtout, la géniale musique électronique du groupe Goblin est en parfaite harmonie avec le style du film. Il ne faut pas hésiter à écouter Ténèbres à fort volume pour en apprécier les réelles qualités. D'ailleurs Argento soulignait au début des années 1980 les similitudes entre un concert de rock et un film d'horreur : ce sont de fortes expériences excitantes et sensorielles avant tout. Les séquences de meurtre sont donc particulièrement grisantes, ce qui reflète l'explosion des pulsions sauvages et détraquées de l'assassin dont la sexualité est entravée par son éducation catholique.

Encore une fois, Argento manipule le spectateur en lui démontrant que ce qu'il croit avoir vu avec son regard subjectif n'est pas forcément la vérité. Cette manipulation n'est pas une astuce gratuite pour rehausser une intrigue, comme dans Usual suspects (1995) ou à la fin de Sixième sens (1999). Il s'agit ici de mettre en garde le spectateur contre les préjugés influençant forcément son regard. Au chapitre des petites réserves, le scénario patine un peu dans la seconde moitié du métrage. Mais la fin, incroyable empilement de cadavres sanglants et de rebondissements délirants, nous rappelle qu'Argento est avant tout un grand explorateur de l'âme humaine, qui sait regarder le désir de mort et de violence sans se voiler hypocritement la face derrière des considérations "morales" discutables et étriquées.
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"L'improbable est forcément la vérité"
■ Fab 05/03/2005
Cette citation du Chien des Baskerville de Conan Doyle est la clé du film mais je n'en dirais pas plus !

En voilà un film qu'il est bon ! Surtout sorti pendant à époque où le cinéma italien est en plein marasme à cause de l'émergence de la télé et du signore Berlusconi (dont la future compagne joue ici le rôle de Jane).

La maitrise technique d'Argento est hallucinante (le long plan séquence précédant le meurtre des deux lesbiennes est l'un des meilleurs que j'ai vu !).

Les décors aseptisés me font également pensé au monde aseptisé que propose la télé à l'époque. Heureusement le sang vient vite redonner un peu de vie à ses décors, dont certains peuvent également faire penser au gravures de Escher.

A noter que pour la scène du flash-back, l'épisode de "la fille de la plage", (qui montre comme d'hab chez Argento le trauma initial) la-dite fille est joué par un transexuel (tout comme le petit ami de Carlo dans Les Frissons de l'angoisses était joué par une femme ) ce qui souligne AMHA les propos de Manu

A noter enfin que dans la version italienne du film, c'est la voix d'Argento que l'on entend lire un passage de "Tenebrae" durant la séquence pré-générique.
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Merci à Monsieur Sandy Petersen !
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