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Mason Verger, la seule victime du serial-killer Hannibal Lecter à avoir survécue, utilise son influence pour envoyer le FBI à ses trousses. Le cannibale s'est en fait réfugié à Florence où il brigue un poste de conservateur de bibliothèque...



Avec Alien (1979) et Blade runner (1982), Ridley Scott avait offert au cinéma fantastique deux de ses plus grands chefs d'oeuvre. Pourtant, la suite de sa carrière a été assez inégale, malgré quelques films intéressants comme Legend (1985), Black rain (1989) ou le très réussi Thelma et Louise (1991). Les années 90 furent pour lui une vraie traversée du désert, avec des échecs artistiques, critiques ou publics cinglants (1492: Christophe Colomb (1992), A armes égales (1997)...). Pourtant, alors que plus personne n'aurait parié un kopeck sur celui qu'il fallait bien considéré comme un "has been", il devient l'homme de Gladiator (2000) et réussit la mission quasi-impossible de restaurer la noblesse et l'attrait populaire d'un genre vieillot par excellence: le péplum. Il embraye aussitôt sur Hannibal, l'adaptation cinématographique du troisième roman de Thomas Harris mettant en scène le docteur Lecter, serial-killer cannibale popularisé par Le silence des agneaux (1991) de Jonathan Demme: Anthony Hopkins y retrouve ce rôle qui lui avait valu un oscar en 1992. Judie Foster s'étant durablement brouillée avec le producteur Dino De Laurentis, le rôle de Clarice Starling revient à Julianne Moore (Détective Philippe Lovecraft (1991)...), qui avait déjà affronter un Hopkins "monstrueux" dans le Surviving Picasso (1996) de James Ivory. On y trouve encore d'autres excellents comédiens, tels que Giancarlo Giannini (L'innocent (1976) de Luchino Visconti...), Gary Oldman (Dracula (1992) de Coppola...) et Ray Liotta (Les affranchis (1990) de Martin Scorsese...).

La première partie d'Hannibal se passe essentiellement à Florence, capitale culturelle de l'Italie de la Renaissance au XVème siècle, qui avait déjà servi de décor à de prestigieux thrillers, notamment le bouleversant Obsession (1976) de Brian De Palma ou le vertigineux Le syndrome de Stendhal (1996) de Dario Argento. Ce qui intéresse le plus Ridley Scott, c'est de s'appuyer sur la beauté et les multiples monuments de cette cité pour déployer sa virtuosité technique et capturer, à sa manière, la splendeur intemporelle de cette ville toscane. Après avoir présenté une Rome baroque et démesurée dans Gladiator, il nous propose une Florence définitivement maniériste. Ces images d'Italie lui permettent d'étaler sans retenue son sens très sûr de l'atmosphère, la qualité de sa photographie, et de  jouer sur des effets de matière extrêmement variés et raffinés (pierre, eau, peau, aliments...), sur des éclairages fantastiques et sur la profusion de multiples détails au sein de chaque image. Cette finesse précieuse, sombrant même parfois dans un mauvais goût délirant, se justifie ici en tant qu'elle reflète la mentalité érudite et très dérangée du docteur Lecter.

Le personnage de Clarice est assez en retrait. Elle rappelle pourtant d'autres héros rencontrés dans des films de Scott. Comme Ripley dans Alien ou Maximus dans Gladiator, elle se caractérise par sa force de caractère, son intégrité morale et sa pugnacité. Mais, Scott est aussi fasciné par ses monstres qu'il aime peindre dans toute leur beauté séduisante et dangereuse: on se rappelle ainsi du splendide Darkness de Legend et, évidemment, du somptueux Alien. D'ailleurs, Clarice devra affronter Lecter dans un huis-clos extrêmement tendu et chargé d'érotisme qui rappelle le duel final entre Ripley et cet extra-terrestre.

Contrairement à Le silence des agneaux, Hannibal est ici le personnage principal. Il est formidablement interprété par Anthony Hopkins qui égale ses meilleurs performances (Les vestiges du jour (1993) de James Ivory...) en mélangeant humour, brutalité et ambiguïté avec une très grande maîtrise. Lecter se révèle être en fait un "justicier" surprenant, dont le sens moral est à la fois très rigoureux (il ne s'en prend qu'à des gens qu'il considère comme des "coupables": traîtres...) et complètement déréglé (il pratique abondamment et avec plaisir le cannibalisme, acte anti-civilisé par excellence...). Cette confusion des valeurs soulignée, mais pas vraiment condamnée, participe à l'ambiguïté provocatrice et tout à fait dérangeante d'Hannibal.

Autre force de ce film: Scott ne recule devant aucun effet gore et aucune provocation. On saigne à gros bouillons, les tripes tombent flasquement sur les sols de pierre humide, les visages défigurés sont montrés avec insistance, on se fait dévorer par des porcs dans un fracas de sang et de merde... Cette dernière scène évoque d'ailleurs avec beaucoup d'habileté le formidable Porcherie (1969) de Pasolini, dans lequel Jean-Pierre Léaud se faisait manger par des cochons et Pierre Clémenti se régalait de chair humaine. Le contenu gore d'Hannibal est en fait bien supérieur à ce à quoi Hollywood nous a habitué: on a peine à croire qu'il soit sorti sans coupure aux U.S.A.! Ces séquences sanglantes sont accompagnées d'un humour incroyablement noir, véritablement répugnant, qui, au lieu d'adoucir ces scènes, les rend encore plus dures et scandaleuses.

Certes, il faut aussi souligner qu'Hannibal souffre de certains défauts: le début ne manque pas de petites longueurs, certains personnages sont très caricaturaux (l'homosexuel pédophile, les italiens...) (mais, à la limite, ce refus du politiquement correct participe à la force provocatrice et malsaine de ce film...)... Pourtant, l'énergie et le culot (le courage, même!) de sa réalisation, la très grande qualité de son interprétation et sa noirceur absolue font d'Hannibal une des plus grandes réussites récentes du cinéma d'horreur.

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Suite ratée... et film réussi
■ Ben Smith
Suite ratée, à cause des incohérences entre "Le Silence..." et celui-ci (comportement de Hannibal, persos du livre disparus du premier film... et de retour ici !, etc) et du trop grand fossé entre les approches de J. Demme (terreur pure et réaliste par un mélange de sobriété et de baroque) et de R. Scott (esthétisme malsain mêlé d'humour noir, qui privilégie le malaise et substitue à la traque réaliste un duel hors norme).

Film réussi, parce que Scott applique sa démarche avec brio, et marque de son sceau ce volet du mythe: une très belle photo, de superbes plans de Florence, un élevage de porcs carnivores sous le soleil couchant et une scène de dîner génialement surréaliste. On saute moins souvent de son siège que devant le premier volet, mais les images ont un impact qui met longtemps à s'effacer. L'immorale scène finale conclut remarquablement cette aventure.

Osons donc écarter notre vision du "Silence..." pour apprécier ce thriller bien mené et... délicieux !
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